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Arrestation de Boukari Daou : La Sécurité d’Etat a encore frappé
Publié le lundi 11 mars 2013  |  Le Prétoire




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Ceux qui croyaient que la parenthèse du coup d’Etat et du règne de l’arbitraire se serait définitivement refermée au Mali avec le retour formel à l’ordre constitutionnel devront désormais déchanter.
En effet, certains agissements récents de la Sécurité d’Etat, semblent indiquer que loin de se plier à la volonté populaire et à celle de la communauté internationale, l’ex – junte maintient toujours sa mainmise sur le pouvoir, en dépit des concessions apparentes qu’elle a faites, notamment en acceptant la prorogation du mandat du Président par intérim, celle des députés à l’Assemblée nationale et la formation d’un gouvernement de Transition.
Toujours aux mains des putschistes, qui ont nommé à sa tête un de leurs fidèles, la Sécurité d’Etat s’illustre de jour en jour comme le bras séculier de ceux qui, le 22 mars 2012, ont décidé de mettre un terme brutal à vingt ans de gouvernance démocratique de notre pays, favorisant du même coup la désagrégation de l’Etat et la déconfiture de l’Armée nationale face à une rébellion déterminée à tirer avantage de l’aubaine qu’a été le coup d’Etat.
Illustrations d’une dérive dangereuse
Le 6 mars 2013, Boukari Daou, Directeur de publication du journal Le Républicain, est interpellé par des agents de la Sécurité. Depuis ce jour, il est retenu dans les locaux de ce Service, malgré l’intervention auprès des plus hautes autorités des principales organisations professionnelles et patronales de la presse, et les condamnations unanimes de plusieurs organisations politiques et de la société civile. Le crime du journaliste ? Avoir publié une lettre ouverte d’un officier malien au front contestant les avantages exorbitants accordés au chef de l’ex – junte. Aux yeux de la Sécurité d’Etat, dénoncer l’octroi de privilèges princiers au chef de l’ex – junte en un moment où le pays est en guerre, où le Trésor public est exsangue du fait du ralentissement économique consécutif au coup d’Etat et de l’arrêt de la coopération internationale, relève de toute évidence du pire des crimes, celui de lèse – majesté. Il faut en punir le coupable.
Au-delà de la gestion des conséquences de la péripétie épistolaire du malaise grandissant de l’opinion face aux généreuses indemnités accordées en temps de crise à d’ex – putschistes, pour la Sécurité d’Etat l’occasion était trop belle pour ne pas en profiter, comme disait l’autre au lendemain du 22 mars 2012, en lançant un avertissement clair à tous ceux qui tenteront de mettre le doigt dans la plaie. Boukari Daou est donc embastillé illico presto et un ultimatum clair lui est adressé : donner sa ou ses sources, ou croupir dans une geôle.
En mettant la pression maximale sur le journaliste, les agents de notre fameux service de renseignement visent deux objectifs non moins importants : débusquer l’auteur de la lettre ouverte et ses complices éventuels et les neutraliser. Peu importe qu’en poursuivant ces desseins, ils foulent aux pieds à la fois le droit du journaliste d’informer le public et le droit de ce même public à l’information. Peu importe aussi qu’en contraignant Boukari Daou à donner ses sources, l’on porte atteinte à ce que tout journaliste digne de ce nom doit défendre au prix de sa vie : la protection de ses sources. Peu importe enfin qu’en arrêtant un journaliste, l’on fasse une mauvaise publicité du Mali en un moment où il est accusé de graves violations de droits sur le front militaire, et en un moment où il est invité par la communauté internationale à démontrer son attachement à l’Etat de droit et aux valeurs démocratiques.
On se croirait revenu vingt ans en arrière, aux pires moments de la dictature militaire où les opposants au régime faisaient l’objet de séquestrations, enlèvements et exactions en tous genres. L’arrestation du Directeur de publication du journal Le Républicain n’est cependant pas un fait isolé. Elle fait en effet suite à l’interpellation récente de plusieurs parlementaires par le même service, et à celle de plusieurs journalistes.
A toutes ces occasions, la Sécurité d’Etat a fait fi de toutes les règles et garanties procédurales reconnues par les lois de la République aux citoyens maliens. En toute illégalité et en toute impunité, elle s’est comportée en toutes ces occasions comme un Etat dans l’Etat, comme un service au dessus des lois, commettant abus sur abus, violation de droits sur violation de droit. Pour corser le tout, Monsieur Tiéblé Dramé, fondateur du journal Le Républicain, qui n’exerce par ailleurs aucune fonction au sein du journal, sera également interpellé, quelques jours après Boukari Daou, dans les locaux du tout puissant service de renseignement puis…. relâché, faute de charges.
Au sein de la presse, et dans les milieux politiques, les derniers développements de cette affaire font craindre le pire et une question est présente dans tous les esprits : à qui le tour ?
La Sécurité d’Etat au service de l’ex – junte ?
Face à ces agissements inquiétants que beaucoup d’observateurs n’hésitent plus à qualifier de véritables dérives, l’on est amené aussi et surtout à s’interroger sur les missions réellement assignées à la Sécurité d’Etat.
Comme son nom l’indique, ce service, qui est rattaché à la Présidence de la République, a pour mission de veiller à la sécurité de l’Etat en identifiant, par la collecte et le traitement d’informations et de renseignements, les menaces réelles ou potentielles. Ainsi, tout ce qui a trait à la Défense nationale est virtuellement compris dans le champ de compétence de la Sécurité d’Etat. Toute la question est de savoir comment cette mission délicate est comprise et mise en œuvre. Un premier élément de réponse peut être avancé en soulignant le fait que dans l’accomplissement de ses missions, la Sécurité d’Etat est soumise aux règles de procédure judiciaire et à la loi en général.
Un second élément de réponse tient au fait que, comme tous les autres services, la Sécurité d’Etat ne peut agir que dans les limites strictes de ses attributions légales. Dans la pratique, et surtout depuis le coup d’Etat, on peut légitimement se demander à quelle institution ce service est rattaché ou tout simplement à quel individu ; on peut aussi se demander s’il reste encore dans ses missions et dans son rôle en s’érigeant en chien de garde d’intérêts particuliers.
Ces questions sont d’autant plus préoccupantes que le Mali s’apprête, après la phase actuelle de récupération des régions du nord, à affronter une étape cruciale du processus de normalisation en cours, qui n’est autre que la tenue de l’élection présidentielle, et par la suite celle de l’organisation du scrutin législatif. Le prétexte sécuritaire sera-t-il utilisé pour empêcher des adversaires de l’ex – junte ou du capitaine Amadou Haya Sanogo de participer à ces scrutins, et favoriser du coup les candidats proches des putschistes en procédant par la neutralisation systématique de tous ceux qui sont susceptibles de compromettre les intérêts de l’ex – Cnrdre?
La Sécurité d’Etat est, en tout cas, en passe de devenir le principal instrument des ingérences tant de fois décriées et condamnées des membres de l’ex – junte dans la sphère publique. Saura- t- elle se ressaisir et dérouler son action conformément aux missions républicaines à elle assignées par ses textes de création ? Les jours à venir constitueront à cet égard un test important pour la crédibilité même du processus de retour à l’ordre constitutionnel engagé au lendemain du coup d’Etat de mars 2012.

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