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Les Etats de la CEDEAO ont un devoir d’intervention au Mali
Publié le mercredi 30 mai 2012   |  Autre presse




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Historien, le Pr Abdoulaye Bathily, secrétaire général de la LD est d’avis que la CEDEAO gère depuis plus de 20 ans des crises contrairement à sa vocation première.

Il y en a qui pensent que l’une des rares interventions diplomatico-militaires de la CEDEAO à avoir réussi remonte aux années 90 dans les conflits en Sierra-Leone et au Libéria. Partagez-vous ce point de vue ?

Non ce n’est pas tout à fait exact. Dans toutes les crises en Afrique de l’Ouest, la CEDEAO a pu jouer son rôle. Il est vrai quand même qu’elle est handicapée par un certain nombre de chose. Elle n’a pas toujours les moyens. Même si l’organisation a les moyens politiques de son intervention, elle n’en a pas en contrepartie les moyens matériels. L’Ecomog a pu réussir parce que le Nigéria, la puissance qui avait à sa tête un régime militaire s’était engagée à fond à l’époque avec le président Ibrahima Babaginda. Ensuite, c’était une période de prospérité pour le Nigéria avec ses importantes ressources tirées du pétrole. Il est intervenu massivement avec les pays de la CEDEAO et l’appui de la Communauté internationale. Ça a été alors un succès mais avec beaucoup de difficultés. J’en sais quelque chose pour avoir participé à des rencontres sous-régionales traitant de la question. L’intervention dans ces pays a pris trop de temps, quelque dix ans. Le processus a été long.

En Côte d’Ivoire, on peut dire que la CEDEAO a échoué d’autant que la décision d’intervenir ne s’est pas concrétisée. Le Ghana a argué y avoir trop de ressortissants, la Gambie a fait presque prévaloir ses liens avec Gbagbo…

Le problème est parfois lié à la nature des régimes en place. Lorsque les pays sont menacés de représailles, ils hésitent à recourir à la force. Même au Libéria, il y a eu des velléités de ce genre contre des pays ouest-africains qui avaient leurs soldats dans les forces de l’Ecomog. Il y a aussi que les Etats n’ont pas toujours les moyens de leur politique d’intervention. En Côte d’Ivoire, les forces de la CEDEAO auraient pu intervenir, mais elles avaient en face une puissance de feu suffisamment dissuasive.

Comment expliquez-vous le retournement de situation favorable à la junte au Mali alors que les militaires avaient accepté de rendre le pouvoir ?

C’est vrai, la junte résiste, mais il faut qu’elle fasse preuve de responsabilité. Aujourd’hui le Mali est en danger d’implosion totale. Le sens des responsabilités doit les [Ndrl : les militaires] guider à prendre toute la mesure du problème. D’autant plus qu’ils avaient prétexté que le coup d’Etat est consécutif à l’inaction du gouvernement d’Amadou Toumani Touré face à la situation au Nord du pays. Mais cette situation s’est aggravée aujourd’hui. Les rebellions ont occupé presque les 2/3 du territoire national. Il y a un problème très sérieux et on a l’impression que les militaires ne s’occupent plus du Nord. Or, ce problème du Nord malien est celui de toute la sous-région. Il menace la Mauritanie, le Sénégal, le Niger, le Burkina Faso et l’Algérie. C’est pourquoi les Etats de la CEDEAO ont un devoir d’intervention au Mali pour éradiquer dans les meilleurs délais, soit par le dialogue soit par d’autres moyens, cette situation. Le Sénégal ne peut être à l’abri si le Mali éclate et que la Mauritanie et le Niger sont désintégrés.

Justement il y en a qui pensent que la CEDEAO doit s’ouvrir davantage à l’Algérie comme ce fut le cas vis-à-vis de la France lors de la crise postélectorale ivoirienne. Est-ce votre avis ?

Absolument ! D’ailleurs, il y a un groupe international de contact qui est mis en place. Dans toutes les réunions de la CEDEAO, il y a des observateurs des autres pays comme la Mauritanie qui sont associés. C’est le cas en pareille circonstance. Les Nations unies sont impliquées parce que c’est un problème de sécurité internationale. Aujourd’hui ce n’est plus un problème propre au Mali. C’est pourquoi je ne comprends pas que des Maliens se mettent à épiloguer sur l’intervention de la CEDEAO. L’Algérie est impliquée, parce que si ces groupes s’incrustent durablement, sa partie Sud sera menacée.

On a l’impression que la crise malienne a donné tort à ceux qui avaient surestimé la solidité de sa démocratie…

La démocratie malienne vient de loin. De 1992 à 2012, c’est peu pour asseoir une démocratie. Regardez ce qui vient de se passer au Sénégal, alors que notre démocratie est plus « vieille ». Le Mali a connu de 1968 à 1992 un régime militaire. De novembre 68 à mars 91, c’est la dictature. Il y a eu deux mandats de Alpha Omar Konaré et deux autres de ATT. C’est peu dans le cadre de la construction du processus démocratique. Il y a eu des faiblesses. Notamment ce consensus mou qui n’a pas permis de faire les critiques qui s’imposaient à temps pour corriger les dérives dans la gestion de la question du Nord.

La CEDEAO n’a pas administré la même thérapie aux maux malien et bissau-guinéen. Au Mali on a exigé le retour de l’ordre constitutionnel, à Bissau on a voulu faire revenir Raimundo Pereira. Comment expliquez-vous cela ?

En apparence les situations sont semblables. Mais dans le fond, il y a des différences. Au Mali, les organes ont fonctionné de manière régulière. L’armée est restée dans les casernes depuis 1992. C’est donc normal que la loi soit respectée. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, Gbagbo a eu 5 ans de prolongation. C’est donc possible d’envisager une transition d’un an au Mali parce que c’est la nouvelle donne qui l’impose. En Guinée-Bissau, on a une situation toute différente. C’est un peuple qui est pris en otage par son armée depuis plus de 40 ans. Des éléments qui ont participé à la guérilla pour l’indépendance sont encore dans l’armée. Ensuite, le taux de militarisation y est des plus élevé en Afrique. Quand un militaire va à la retraite, il emporte son arme. Il s’y ajoute le problème des narcotrafiquants qui contrôlent tous les services. Là, le coup d’Etat ressemble à un jeu.

Ouattara a-t-il suffisamment de temps à consacrer à la CEDEAO ?

Au moment où Ouattara prenait en main l’institution, ces crises n’avaient pas éclaté. Et puis, la vocation première de la CEDEAO n’est pas de gérer des crises. L’objectif de la CEDEAO est de former une communauté de développement économique. Sa vocation première c’est l’intégration économique. C’est par exemple réaliser l’intégration monétaire, à l’ordre du jour depuis des années, il y a la question des frontières, etc. Malheureusement, depuis sa création, l’essentiel des activités a été consacré à la gestion des crises. Et ceci depuis plus de 20 ans. Ce sont des crises à répétition : le Libéria, la Sierra Leone, le Togo, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Guinée Bissau. S’il y avait la paix, Ouattara aurait pu faire beaucoup de choses sans doute en tant qu’économiste.

Vous avez certainement entendu parler du…M23* en Rd Congo. Doit-on en rire ou en pleurer ?

Le M23 sénégalais est peut-être en train de faire des émules. Mais à mon avis ce qui se passe là-bas est tout le contraire de l’esprit du M23 sénégalais. *Des généraux de l’armée en Rd Congo ont fait défection le 23 mars dernier et ont baptisé leur rébellion M23.

Hamidou SAGNA

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