La nouvelle équipe ministérielle est de base sociopolitique élargie et regorge de cadres aux compétences techniques avérées. Elle doit diligemment pouvoir faire face aux nombreuses urgences nationales. Et savoir agir avec tact afin de relever les multiples défis multisectoriels.
Moins de 72 heures après avoir été nommé Premier ministre, la Abdoulaye Idrissa Maïga a formé son gouvernement. Le décret de nomination est rendu public le 11 avril, en début de soirée. Constat général : cet attelage gouvernemental comprend 35 membres (contre 33 pour le précédent) dont 24 ministres reconduits et 11 nouveaux titulaires. On peut également constater le départ de 8 membres de l’équipe sortante et la présence de 8 femmes ministres (soit 22,85% de l’effectif), dont deux nouvelles têtes (Mme Traoré Oumou Touré à la Promotion de la Femme et Mme Ly Taher Dravé à l’Elevage et à la Pêche).
L’allongement de la taille peut être lié à l’éclatement de certains ministères. Les Affaires étrangères rompent les liens avec l’Intégration africaine qui regagne son ancien site des Maliens de l’extérieur. Les Transports sont détachés de l’Equipement et du Désenclavement. L’Administration territoriale s’isole en donnant naissance à deux nouveaux départements : Décentralisation et Fiscalité locale d’une part et, d’autre part, Réforme de l’Etat qui rejoint les Droits de l’Homme, eux-mêmes décrochés de la Justice. Les Domaines de l’Etat disparaissent spécifiquement après 17 années d’existence. Leur binôme Affaires foncières s’ajoute au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme.
A observer de près l’équipe du 11 avril, l’on peut classer ses membres en trois grandes catégories : les vétérans des rouages administratifs, les combattants de l’arène politique et les novices dans la fonction ministérielle. En leurs seins, ces catégories regorgent des particularités liées à leur expérience administrative, à leur parcours politique ou à leur engagement associatif. Ces considérations ont dû peser dans le choix des différents ministres, et notamment, dans leur positionnement sur la liste nominative. Au demeurant, c’est un groupe de serviteurs de l’Etat qui est contraint à la solidarité collective à travers une synergie d’actions de leurs domaines de compétences respectives.
Compétents, surtout chevronnés, les vétérans le sont. A commencer par le nouveau ministre de la Défense (N°2 dans l’ordre de préséance protocolaire), Tiéna Coulibaly, précédemment ambassadeur du Mali aux Etats-Unis. C’est un deuxième retour au gouvernement pour celui qui a managé le département des Finances à deux reprises (1988-1991 puis 2012-2013).
Tout comme lui en terme d’expériences accumulées, on peut citer le ministre Mohamed Ag Erlaf chargé de l’Education nationale dans un contexte marqué par une montée de revendications catégorielles par les syndicats d’enseignants. Mohamed Ag Erlaf a le privilège d’être l’un des rares ministres maliens à avoir dirigé une dizaine de départements. Entre avril 1991 et février 2000, il est titulaire des portefeuilles suivants : Tourisme et Artisanat ; Santé publique ; Jeunesse et Sports ; Environnement ; Emploi, Fonction publique et Travail ; Travaux publics et Transports. Après une dizaine d’années à la direction générale de l’ANICT (Agence nationale d’investissements des collectivités territoriales), Mohamed Ag Erlaf renoue avec les responsabilités ministérielles en occupant Décentralisation et Réforme de l’Etat, ensuite Administration territoriale d’où il vient d’être désigné à l’Education nationale.
Les deux vétérans que sont Tiénan Coulibaly et Mohamed Ag Erlaf connaissent autant les rouages administratifs qu’ils ne sont pas dépaysés sur l’échiquier des partis politiques. Bien que ne jouant pas un rôle de premier plan, ils sont pour autant membres respectifs des directoires du MPR et RPM. Ce dernier parti se taille la part du lion avec 7 ministres dans le gouvernement de Abdoulaye Idrissa Maïga qui est, à juste titre, le 1er vice-président du « parti des tisserands » dont l’un des fondateurs est le président Ibrahim Boubacar Kéïta. En plus du Premier ministre, le RPM compte parmi ses ministres l’un de ses hauts dirigeants en la personne de son secrétaire général, Me Baber Gano (Transports).
Avec le RPM, la base politique de la nouvelle équipe ministérielle est élargie par la présence des chefs de partis de la Convention de la majorité présidentielle. Ce sont les cas du ministre des Mines Tiémoko Sangaré de l’ADEMA-PASJ, du ministre des Sports Housseini Amion Guindo de la CODEM, du ministre de l’Administration territoriale, Tiéman Hubert Coulibaly de l’UDD, du ministre de la Jeunesse et de la Construction citoyenne, Amadou Koïta du PS Yeelen Kura. Dans la perspective des élections régionales et référendaires de cette année 2017 et surtout des consultations électorales générales de 2018, ces ministres issus des sérails partisans seront dans l’arène politique pour défendre, et le gouvernement, et le bilan du mandat présidentiel.
D’ici là, ces mêmes ministres, véritables artisans partisans, vont côtoyer et sauront partager leur perception des faits avec leurs collègues au nombre desquels ceux qui sont nommés pour la première dans les fonctions ministérielles. Dans les rangs de ces novices, on compte deux proches collaborateurs présidentiels : Me Kassoum Tapo et Pr Samba Ousmane Sow. Ils se trouvent en terrain connu en devenant ministre des Droits de l’Homme et de la Réforme de l’Etat (pour l’avocat et conseiller spécial chargé des questions politiques à Koulouba) et ministre de la Santé et de l’Hygiène publique (pour le médecin et conseiller spécial à la présidence chargé des questions de santé). Si Me Tapo est très connu depuis plusieurs années du grand public à travers ses plaidoiries dans les prétoires et dans le landernau politique, il n’en était pas le cas pour le Pr Sow qui fut projeté au devant de la scène pendant ses activités de coordinateur de la campagne de lutte contre l’épidémie de fièvre à virus Ebola en 2014 – 2015.
On peut également signaler la nouvelle expérience des cadres administratifs promus le 11 avril : le ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Population Adama Tiémoko (Directeur général de la Société malienne du patrimoine de l’eau potable (SOMAPEP) ; le ministre de l’Economie numérique et de la Communication, Harouna Modibo Touré, PDG de la société PMU-Mali. En plus d’eux, il y a lieu de rappeler le retour de Alhassane Ag Ahmed Moussa, il a été ministre de l’Equipement de janvier à juin 2002 avant de diriger pendant longtemps la Direction nationale du Contrôle financier. De ce poste, il devient le ministre de la Décentralisation et de la Fiscalité locale.
Parmi le groupe des néophytes ministériels, on trouve aussi trois acteurs de la société civile, très influents dans leurs rayons d’activités respectives. Il s’agit de la titulaire de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la famille Mme Traoré Oumou Touré, présidente de la CAFO depuis une vingtaine d’années. Il s’agit ensuite du ministre de l’Emploi et de Formation professionnelle, le leader syndicaliste enseignant Maouloud Ben Kattra, secrétaire général adjoint de la centrale UNTM. Il s’agit enfin du nouveau ministre de l’Elevage et de la Pêche, Mme Ly Taher Dravé, expert-comptable de profession et présidente de Soroptimist International Club Lumière de Bamako.
Comme on peut le constater le gouvernement formé le 11 avril est une équipe de cadres provenant de divers horizons politiques et socioprofessionnels. Etant entendu que cette équipe est mise en place à moins de 18 mois de la fin du mandat présidentiel en cours et, compte tenu du contexte général dans lequel se trouve le Mali (préoccupations sécuritaires, urgente reconquête de l’unité et de la réconciliation nationales, indispensable rétablissement de la paix durable, multiplications des revendications socioprofessionnelles), le gouvernement de Abdoulaye Idrissa Maïga va faire face à de nombreuses urgences nationales. Mais il reste également qu’il a d’énormes d’atouts pour relever les multiples défis.