Tous les jours, de 9 à 12 heures, les membres du mouvement « trop c’est trop » chauffent à blanc la bourse du travail, en scandant des slogans intimant au gouvernement d’entamer des négociations avec les agents de la santé, en grève illimitée depuis le 9 mars dernier. Aussi, ils dénoncent l’indifférence des autorités face aux souffrances des populations et réclament une meilleure gestion des affaires publiques. Dans un entretien accordé à l’Aube, le porte-parole du mouvement «trop c’est trop », Amara Sidibé, explique les motivations de leur action. L’activiste n’est pas passé par quatre chemins pour fustiger la gestion calamiteuse de la situation sociale actuelle par les autorités. Lisez plutôt !
L’Aube : Comment est né le mouvement trop c’est trop ?
Amara Sidibé : le mouvement est né le 12 juillet 2016 après la tuerie des jeunes à Gao par des éléments de la Minusma. Nous avons jugés nécessaire d’entamer des actions à Bamako pour montrer notre solidarité envers nos frères de Gao. Aussi, la mort d’un manifestant lors du procès de Ras Bath nous a confortés dans notre volonté d’agir, car nous ne pouvons demeurer passifs face au combat des autres jeunes. C’est pour cela que nous nous sommes regroupés pour réclamer plus de droits. Le mouvement compte aujourd’hui une dizaine d’associations. Quotidiennement, d’autres associations y adhèrent.
Qui est-ce qui motive votre action ?
Notre action est motivée par l’indifférence du gouvernement à la souffrance du peuple malien. Aujourd’hui, les gens sont en train de mourir dans les hôpitaux. On a atteint la barre de 400 morts dans les hôpitaux de la capitale, mais on ne sent aucune volonté du gouvernement d’intervenir pour mettre fin à ce drame. Au contraire, il use de moyens déloyaux pour empêcher les personnes de réclamer leurs droits légitimes. Alors que des personnes se sont sacrifiées en 1991 pour l’obtention de ses droits. Notre combat est de préserver les acquis de la révolution de 91.
Quelles sont vos moyens d’actions pour vous faire attendre ?
Notre premier moyen d’action est le sit-in que nous organisons chaque jour devant la bourse du travail. Nous avons des banderoles, un microphone pour dire au gouvernement « trop c’est trop », qu’il y a eu trop de morts, que l’éducation et la sante sont des droits constitutionnels pour le citoyen. Nous allons continuer avec ce sit-in, même si il y a une issue favorable à la grève de la santé et de l’enseignement. Parce que rien ne va actuellement dans le pays. En plus, les réseaux sociaux nous servent de relais pour faire passer nos messages. Nous avons adressé des lettres au gouvernement précédent. Jusqu’à présent, on n’a aucun interlocuteur.
On a décidé de s’habiller en rouge tous les mardis. Ils y a plusieurs associations qui nous ont rejoints pour tenir cet événement dénommé « mardi rouge ». L’idée, c’est d’exprimer notre indignation. Aussi, nous rassemblons des preuves pour porter plainte contre qui de droit.
Nous réfléchissons à d’autres actions pour renforcer la gouvernance dans notre pays.
Je rappelle que notre premier acte a été l’organisation d’une marche, le 14 juillet dernier, pour protester contre les évènements de Gao.
Les difficultés que vous rencontrez ?
Tous les jours, nous faisons face à la police du 1er arrondissement qui nous empêche de tenir notre sit-in, sous prétexte qu’elle reçoit des ordres. Ordre de qui ? Nous les avons demandés d’apporter des documents administratifs ou juridiques interdisant notre action. En vain. Dans un premier temps, les policiers nous disent agir sur instruction du ministre de la sécurité, Salif Traoré. Celui-ci agirait sur demande expresse de l’ancien premier ministre, Modibo Keita. Pour ce harcèlement, nous allons porter plainte contre le commissaire Tangara du1eraronsissement pour privation de liberté.
Depuis plus d’un mois, la santé est en grève. Quelle est votre sentiment ?
L’indignation. Dans quel pays peut-il avoir autant de morts et que l’Etat reste indifférent ? Ce qui intéresse les gouvernants, ce sont les privilèges liés à leur poste. Même le simple contrôle de routine en matière de santé du président ou des ministres se déroule hors de nos frontières. Cela veut dire qu’ils sont conscients que les conditions ne sont pas réunies dans nos hôpitaux pour les soins adéquats. Combien de Maliens ont les moyens d’aller dans des cliniques privées ? Est-ce qu’on doit attendre que des milliers de pauvres meurent pour trouver une solution ? Non.
Pourquoi vous ne parvenez à mobiliser autant de monde comme « Y n’a marre » au Sénégal et « le balai citoyen » au Burkina ?
C’est difficile pour nous de faire comme eux et cela est dû à plusieurs facteurs. « Le balai citoyen » a mis cinq ans pour sillonner le Burkina. Ils ont eu la chance d’avoir des personnes ressources. Idem pour « Y n’a marre ». Fadel Borow a bénéficié du soutien des artistes sénégalais, il a mis plus de deux ans pour combattre le régime de Abdoulaye Wade … Malheureusement, nous nous n’avons pas ces moyens. Et puis, il y a un problème de culture dans la manière de revendiquer au Mali.
Nous sommes déterminés à aller au bout de notre combat. Nous ne cèderons pas à la violence, à l’intimidation des forces de sécurité. Nous prônons une lutte non violente.
Pensez-vous que la société civile malienne joue son rôle ?
La société civile au Mali n’existe que de nom. Dans les autres pays, la société civile est autonome sur le plan financier. Chez nous, la société civile est sous la coupe du gouvernement, ses leaders sont des personnes sous influence du gouvernement et des partis politiques. Ils vivent des subsides du pouvoir. Alors que peut-on attendre de cette société civile-là ?
Réalisée par Mémé Sanogo