Le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, s’est dit honoré de participer à l’inauguration de cette exposition pendant laquelle le public découvrira un pan important de l’histoire de notre pays à travers les manuscrits de Tombouctou
« Trésors de l’islam en Afrique : de Tombouctou à Zanzibar » est le thème d’une exposition inédite qui se déroule depuis hier à l’Institut du monde arabe à Paris. Trois chefs d’Etat africains ont été invités par le président français, François Hollande, pour participer à la cérémonie d’ouverture : le président de la République Ibrahim Boubacar Kéita et ses homologues du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré et de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz. L’exposition qui continuera jusqu’au 30 juillet prochain est consacrée aux liens étroits, passés comme présents, tissés entre le monde arabo-musulman et l’Afrique subsaharienne. Plus de 300 œuvres feront voyager les visiteurs vers différentes destinations : la Corne de l’Afrique, la Vallée du Nil, l’Aire Swahilie, et l’Afrique de l’ouest. Ces œuvres issues du patrimoine de plusieurs régions africaines (boubous brodés, bijoux en argent, amulettes et cuirs touaregs) démontreront l’impact de l’islam sur l’art et la culture de chaque région. Notre pays est à l’honneur au cours de cette exposition à travers les manuscrits de la bibliothèque Mamma Haïdara de Tombouctou. Les visiteurs pourront aussi découvrir d’autres œuvres inédites tels que des objets royaux du milieu du XIXe siècle, issus d’une collection privée. Des vidéos projetées tout au long de l’exposition lèveront le voile sur les danses et les chants Gnaouas marocains ainsi que les cérémonies spirituelles pratiquées par les adeptes du soufisme en Afrique. L’Institut du monde arabe est dirigé par l’ancien ministre français de la Culture, Jack Lang. Dans son discours de bienvenue, celui-ci a rendu hommage au président François Hollande pour l’importance qu’il accorde à la culture arabe et africaine. Au-delà de la culture, le chef de l’Etat français est aussi un grand défenseur de la cause de l’Afrique pour avoir pris des décisions politiques très importantes, a rappelé Jack Lang en évoquant l’intervention militaire française au Mali pour empêcher les terroristes d’étendre leurs activités dans notre pays et dans le reste de la région. « La décision prise pour l’intervention au Mali a été déterminante dans cette lutte contre le terrorisme », a-t-il loué. LUTTER CONTRE LES PRéJUGéS. Le président de l’Institut du monde arabe a confirmé que cette exposition est inédite en ce sens qu’elle est consacrée, pour la première fois, aux liens tissés depuis des siècles entre le Maghreb, le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne. « C’est un hommage rendu à l’extraordinaire diversité culturelle souvent mal connue. Et par cette exposition, nous voulons lutter contre toutes les formes de préjugés, et en particulier continuer à décoloniser une certaine vision de l’histoire », a-t-il expliqué, avant d’ajouter que cette exposition a pour but de mettre en lumière les créations artistiques et littéraires du monde arabo-musulman. Le public a été ému par le discours du président de la République française qui a d’abord rappelé avoir visité dix fois au cours de son mandat, l’Institut du monde arabe. Un rappel nécessaire pour dire combien il est profondément attaché à la culture africaine et arabo-musulmane. « Je suis ici pour une exposition particulièrement remarquable. Je salue les présidents africains qui sont ici présents. Ce sont des amis. Ils ont été déterminants pour faire prévaloir la démocratie dans leurs pays respectifs, déterminants pour lutter contre le terrorisme, déterminants aussi pour assurer la cohésion de l’unité africaine », a-t-il témoigné. Par ailleurs, François Hollande notera que l’inauguration de cette exposition qui coïncide également avec le 30è anniversaire de l’Institut du monde arabe, a un objet artistique et politique. Il s’agit, a-t-il détaillé, de montrer la vision de l’islam en Afrique au sud du Sahara. « Nous avons pu voir des œuvres qui n’avaient jamais été montrées au public… Je pense aux manuscrits de la bibliothèque Mamma Haïdara de Tombouctou », a-t-il dit avant de poursuivre : « Tombouctou est un symbole de l’islam universitaire, de l’islam ouvert depuis plusieurs siècles. C’est aussi un symbole de ce qui a été une entreprise de destruction, de démolition, de mise à sac. Il était important que nous puissions protéger ses biens. Les premiers qui l’ont fait, ce sont les Maliens de Tombouctou eux-mêmes. Ils ont risqué leur vie pour cacher les manuscrits. Et il fallut la libération du nord du Mali pour que nous puissions restaurer les mausolées qui ont été détruits et les restes des manuscrits. Ce fut un travail colossal et je dois ici remercier l’UNESCO et sa directrice générale. Nous avons vu la destruction ensemble et nous avons admiré la réparation ensemble ». Tout en luttant contre les terroristes qui s’en prennent aux vies humaines et aux monuments historiques, le président français estime qu’il est nécessaire de protéger le patrimoine culturel dans les zones de conflit. Il a, enfin, souligné que la pratique de l’islam est universelle et que cette exposition est une occasion de mieux partager cette réalité. UN PARCOURS éLOQUENT. En s’adressant à la presse à la fin de la cérémonie, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita s’est dit honoré de participer à l’inauguration de cette exposition pendant laquelle le public découvrira un pan important de l’histoire de notre pays à travers les manuscrits de Tombouctou. « Nous sommes venus ici pour dire la réalité de l’islam, une culture de paix, de tolérance. Son parcours qui va de Tombouctou à Zanzibar est éloquent. Cette exposition permet de montrer toute la diversité culturelle et historique de l’islam », a-t-il indiqué. « Nous pratiquons chez nous un islam unique, de tolérance, de convivialité, d’entente et de compréhension entre les peuples. C’est cet islam qui est célébré ici à travers les manuscrits de Tombouctou dont on a dit encore une fois le courage avec lequel ils ont été sauvés à Tombouctou dans un temps où les gens risquaient leur vie à le faire », a ajouté le chef de l’Etat, avant de rappeler que la « Cité des 333 saints » fut une terre de civilisation ayant beaucoup contribué à l’essor de l’humanité. « La médecine était enseignée à Tombouctou. Un chirurgien d’origine tombouctienne a opéré de la cataracte le dauphin de François Henri IV. On ne le dit pas assez », a-t-il révélé, avant de noter qu’il existe depuis très longtemps un échange fécond entre notre pays, la France et l’ensemble du monde musulman. Comme en atteste le célèbre voyage, en 1375, de l’empereur Kankou Moussa à la Mecque. Pour une première, l’Institut du monde arabe réunit sur 1 100 m2, près de 300 œuvres multidisciplinaires pour témoigner de la richesse artistique et culturelle de la pratique de l’islam en Afrique subsaharienne. Tout au long de l’exposition, l’art contemporain est également mis à l’honneur pour interroger l’histoire de ces échanges. Des artistes majeurs parmi lesquels Rachid Koraïchi, Hassan Musa, Abdoulaye Konaté, Youssef Limoud et Aïda Muluneh témoigneront de l’effervescence actuelle de la scène artistique africaine .