De mon observatoire, je vois certains gigoter, se demandant comment un simple nom de domaine sur internet peut-il être une arme politique. Cela ne vous paraît pas évident, je vous le concède, mais je peux vous assurer une chose, l’acquisition de noms de domaine est même une arme d’une efficacité redoutable.
Point besoin de casser ma plume ou de sécher ma salive pour vous en convaincre. Il suffit simplement de passer à la loupe l’avidité avec laquelle le Président américain Donald Trump a acheté, ces vingt dernières années, 3600 noms de domaine. Pour sa défense, il rétorque platement que c’est protéger son image, sa fortune colossale lui valant de nombreuses inimitiés. Avant d’aller plus loin, posons-nous une question simple : c’est quoi un nom de domaine ? Selon afnic.fr, « Une adresse Internet ou nom de domaine est l'équivalent de votre adresse postale sur Internet.
C'est la manière dont vos contacts et clients vont trouver votre site Internet sur le web. Un nom de domaine est donc indispensable lors de la création de votre site web ». En français facile, c’est ce qui se trouve après les www. d’une adresse et qui se termine par un .ml (Mali) ; un .fr (France) ; un .com (entreprise commerciale) ; un .net (association)… Ainsi, cette chronique pourrait s’écrire : www.chroniqueduweb.ml Cette petite explication, certes sommaire, sera suffisante pour les besoins de notre démonstration.
Pour revenir au Président américain, c’est un euphémisme d’affirmer qu’il est homme d’affaires prospère ayant bâti un empire immobilier aussi haut et imposant que le Mont Everest. Ce qu’on lui découvre aussi, un peu sur le tard, c’est sa manie à soigner son image, quitte à ce que cela frise carrément la pathologie, et sa propension morbide de la victimisation face aux « fake news » (fausses nouvelles). Sinon, comment comprendre cette avidité à acquérir des noms de domaine dont beaucoup pointent vers des pages blanches ? Petite explication de Maxence Fabrion : « Donald Trump n’apprécie pas qu’on se moque de lui.
En guerre contre les médias, qui propagent des «fake news» selon lui, le président américain s’est… lancé dans une croisade sur Internet pour empêcher ses opposants de se moquer de lui ou de dénoncer ses actions ». Et c’est la très vénérable chaine d’information en continu, CNN, qui a levé le lièvre au terme d’une enquête minutieuse au moyen d’un outil informatique, DomainTools. CNN précise que « Parmi les noms de domaine achetés par le magnat de l’immobilier, on retrouve des sites classiques, à l’image de DonaldjTrump.com, son premier site Web acquis en 1997, ou encore TrumpOrganization.com, qui a vu le jour en 1999.
Aujourd’hui, ces deux sites renvoient vers le site Trump.com ». CNN poursuit ses révélations : « L’actuel président américain a également mis la main sur des sites commerciaux, comme ChicagoTrumpLimo.com qui redirige vers un site de vente de vêtements estampillés «Proud2bDeplorable» (NDLR : «Fier d’être déplorable»). A l’évidence, le dessein politique de Donald Trump ne remonte pas à ces dernières années qui l’ont vu crever les écrans des télévisions du monde entier. L’enquête de CNN est catégorique : « Au cours de ces dernières années, Donald Trump a multiplié les acquisitions de noms de domaine pour préparer le terrain avant de lancer officiellement sa campagne présidentielle.
Et de pointer le manque d’anticipation des médias : « Deux mois avant l’annonce officielle de sa candidature à la présidentielle américaine, les médias auraient pu l’anticiper puisque Donald Trump achetait à cette période les sites MakeAmericaGreatAgain.us et MakeAmericaGreatAgain.vote («Rendre à l’Amérique sa grandeur»), du nom du slogan du futur président américain. L’homme d’affaires s’est même érigé en shérif de l’internet en y effectuant un nettoyage à grande eau pour préserver son image. Dans la foulée, précise l’enquête de CNN, Donald Trump s’est ainsi emparé des sites TrumpFraud.com(«Trump Fraude»), TrumpScam.com («Trump Escroquerie»), TrumpMustGo.com («Trump doit partir»), NoMoreTrump.com («Trump, ça suffit») ou encore VoteAgainstTrump.com («Votez contre Trump»).
Il a poussé le bouchon jusqu’à faire main basse sur le site DonaldTrumpSucks.com («Donald Trump craint»), qui appartenait initialement à un «cyber-squatter» (NDLR : internaute qui enregistre un nom de domaine à l’avance avec l’intention de le revendre ou par militantisme). Et la meilleure, comme nous l’écrivions plus haut, « Aujourd’hui, la grande majorité des sites acquis par Donald Trump renvoie vers des pages blanches. La plupart d’entre eux redirigent automatiquement vers des sites dédiés au président américain.
Parmi les 3 600 noms de domaines, une cinquantaine est liée aux affaires du milliardaire ». In fine, le Président Trump dont les saillies sur le réseau social Twitter donnent du tournis à son équipe de communication, n’est pas homme à déléguer sa communication. Il adore mettre la main dans le cambouis et, au besoin, descendre dans l’arène pour se battre lors de combats qui autorisent tous les coups. C’est peut-être cela le secret de sa victoire surprise à la présidentielle américaine. Et c’est peut-être aussi l’image qu’il souhaite qu’on retienne de lui… lorsqu’il fait larguer, le jeudi 13 avril 2017, la GBU-43/B, ou Massive Ordnance Air Blast Bomb (MOAB), la "mère de toutes les bombes" (9,8 tonnes) sur des positions de Daesh dans des grottes et tunnels de la province de Nangarhar, à l'est de l'Afghanistan, pour un bilan de 36 djihadistes tués.