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Nouveau gouvernement : Le décret attaqué !
Publié le lundi 24 avril 2017  |  L’aube
Conférence
© aBamako.com par A.S
Conférence de presse de Soumaila Cissé
Bamako, le 30 juillet 2015. Le chef de file de l’opposition malienne, honorable Soumaila Cissé était face à la presse à la Maison de la presse. Objectif : échanger avec les hommes de media sur le statut de l’opposition, le rôle du chef de file et donner son point de vue sur l’actualité au Mali
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Coup de tonnerre à Koulouba et à la Cité administrative: Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la Démocratie (Urd) et non moins Chef de file de l’Opposition politique, a attaqué devant la Cour suprême le décret 2017-0320/P-RM du 11 avril 2017 portant nomination des membres du gouvernement. Et pour cause: le president de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta et le Premier minister, Abdoulaye Idrissa Maïga, ont violé ouvertement l’article 1er de la loi N°2015-052 en date du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives et qui stipule: « A l’occasion des nominations dans les Institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30 %. »

Un piétinement des textes impardonnable si l’on sait que selon la norme fondamentale du 25 février 1992, d’une part, « le Premier ministre assure l’exécution des lois », et, d’autre part, « le président de la République est le gardien de la Constitution » et qu’il a juré devant Dieu et le peuple malien « de préserver en toute fidélité le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intéret supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité́ nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité́ du territoire national ».

Alors, aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers la Cour suprême dont la Section administrative « est compétente pour connaitre en premier et dernier ressorts des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets, arrêtés ministériels ou interministériels et les actes des autorités administratives nationales ou indépendantes… ». Nouhoum Tapily et ses conseillers vont-ils dire le DROIT ? Les Maliens sont sceptiques. A moins que, pour une fois, la Cour suprême.

C’est une première en cinquante-sept ans d’indépendance du Mali qu’une entité de la vie nationale soit amenée à demander l’annulation d’un décret de nomination de membres d’un gouvernement. C’est l’exaspération ! De Modibo Kéïta, en 1960, à Dioncounda Traoré (2012-2013), nul ne pouvait imaginer un tel scénario en République du Mali, respectueuse des principes constitutionnels.

Et pourtant, le 18 avril dernier, le parti Urd, représenté par son président, Soumaïla Cissé et ayant pour conseil Maître Demba Traoré, Avocat à la Cour, a adressé au président de la Section administrative de la Cour suprême une requête aux fins d’annulation du décret 2017-0320/P-RM du 11 avril 2017 portant nomination des membres du gouvernement, le premier du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga.

Pour le requérant, la loi dite sur le genre a été violée de manière flagrante et en connaissance de cause par le chef de l’Etat et le chef du gouvernement, les deux plus hautes institutions constitutionnelles du Mali qui ont nommé seulement 8 femmes (au lieu de 11) sur 35 ministres. A l’appui de ses arguments, il invoque le piétinement de deux textes majeurs : la LOI N°2015-052/ DU 18 DECEMBRE 2015 INSTITUANT DES MESURES POUR PROMOUVOIR LE GENRE DANS L’ACCES AUX FONCTIONS NOMINATIVES ET ELECTIVES et le DECRET N°2016-0909/P-RM DU 6 DECEMBRE 2016 DETERMINANT LES FONCTIONS NOMINATIVES ET ELECTIVES POUR L’APPLICATION DE LA LOI SUSMENTIONNEES.

Aussi, convient-il, avant d’entrer dans le vif des motifs de l’Urd, de rappeler des passages saillants de ces deux dispositions.

La loi n°2015-052/ du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives stipule dans son article 1er : « A l’occasion des nominations dans les Institutions de la République ou dans les différentes catégories de services publics au Mali, par décret, arrêté ou décision, la proportion de personnes de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieure à 30 % ».
L’article 2 enchaine : « A l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée nationale, des membres du Haut Conseil des Collectivités ou des Conseillers des Collectivités territoriales, aucune liste d’au moins trois (03) personnes, présentée par parti politique, groupement de partis politiques ou regroupement de candidats indépendants, n’est recevable si elle présente plus de 70 % de femmes ou d’hommes… »

L’article 3 spécifie : «Les listes de candidature aux élections locales doivent respecter l’alternance des sexes de la manière suivante : si deux candidatures du même sexe sont inscrites, la troisième doit être de l’autre sexe ».
Quant au décret n°2016-0909 du 6 décembre 2016, il détermine les fonctions nominatives et électives pour l’application de la loi sur le genre.

Son article 3 dispose clairement : « Les mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives sont appliquées dans les Institutions de la République et dans les catégories de services ci-après : Cabinets ministériels ; Secrétariats généraux des départements ministériels ; Services de l’administration centrale ; Services régionaux et subrégionaux ; Services rattachés ; Services extérieurs ; Organismes personnalisés ; Autorités administratives indépendantes ; Services des Collectivités territoriales ; Cours et Tribunaux ; Services des Forces Armées et de la Sécurité ».

Juste avant, l’article 2 stipule que: « La fonction nominative est toute fonction à laquelle on accède par désignation par un acte réglementaire. »

Naturellement, dans sa requête, l’Urd fait allusion à ces dispositions accablantes, tout en enfonçant le clou avec quelques repères tout aussi accablants de la Constitution du Mali du 25 février 1992. Extrait de la requête :

Attendu que l’article 29 de la Constitution du Mali du 25 février 1992 précise clairement que : « …Le Président de la République est le gardien de la Constitution … »;

Que ladite Constitution en son article 37 stipule que « Le Président élu entre en fonction quinze jours après la proclamation officielle des résultats. Avant d’entrer en fonction, il prête devant la Cour Suprême le serment suivant :

« Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver en toute fidélité́ le régime républicain, de respecter et de faire respecter la Constitution et la Loi, de remplir mes fonctions dans l’intéret supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité́ nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité du territoire national.

Je m’engage solennellement et sur l’honneur à̀ mettre tout en œuvre pour la réalisation de l’unité́ africaine… »;

Qu’il ressort de cet article que le Président de la République, Monsieur Ibrahim Boubacar Keïta, s’est engagé à respecter et à faire respecter la Constitution et la Loi;

Que dès lors, pourquoi a-t-il refusé de respecter la loi N°2015-052 en date du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives lors de la nomination des membres du Gouvernement ?


Attendu qu’aux termes de l’article 55 de la Constitution : « … le Premier ministre assure l’exécution des lois.. »;

Que s’il est théoriquement évident que le Président de la République nomme les membres du Gouvernement sur proposition du Premier ministre, il est tout de même incontestable que ce dernier, en proposant une liste de 35 personnes dont 8 femmes, soit moins de 30% de l’effectif, a méconnu la loi N°2015-052 en date du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives;

Que mieux, lors de la célébration de la fête du 8 mars 2017, le Président de la République a solennellement déclaré qu’il respectera la loi précitée lors de la formation du prochain Gouvernement ;

Que c’était sans savoir que ni la loi encore moins cette promesse n’allaient pas être respectées;

Que dès lors cet excès de pouvoir doit être sanctionné par l’annulation du décret 2017-0320/P-RM du 11 avril 2017 PORTANT NOMINATION DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU MALI;

Attendu qu’aux termes de l’article 111 de la loi n°2016-046/ du 23 septembre 2016 portant Loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême et la procédure suivie devant elle:

« La Section Administrative est compétente pour connaitre en premier et dernier ressorts :

– des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décrets, arrêtés ministériels ou interministériels et les actes des autorités administratives nationales ou indépendantes… »;

Attendu que le recours pour excès de pouvoir est un instrument mis à la portée de tous au service de la légalité méconnue;

Attendu que dans le cadre de ce recours, le requérant demande l’annulation d’un acte, qu’il estime contraire aux normes juridiques qui lui sont supérieures. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la légalité de l’acte à la date de son édiction (CE Sect., 22 juillet 1949, Société des automobiles Berliet : Rec. p.264).

Attendu que si l’acte attaqué est effectivement contraire à ces normes, comme c’est le cas dans ce dossier, le juge l’annulera, et ne fera rien d’autre que de prononcer cette annulation;

C’est pourquoi, il échet d’annuler purement et simplement le Décret 2017-0320/P-RM du 11 avril 2017 PORTANT NOMINATION DES MEMBRES DU GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU MALI.

Les Maliens sont donc dans l’attente du verdict de la Cour suprême. Sans espoir qu’elle soit favorable au requérant. Sauf miracle !

Sékou Tamboura
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