Les propriétaires de maisons en chantier sont obligés de débourser plus encore pour se procurer la tonne de ciment. Elle est subitement passée de 90.000 FCFA à 92 000 ou 92.500 FCFA par endroit dans le District de Bamako. Ces prix sont valables pour le ciment importé que pour les productions locales. A l’origine de cette montée d’adrénaline sur le marché du ciment au Mali : la mise en œuvre effective de la directive de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) relative au contrôle de la charge à l’essieu.
Ces prix sont valables autant pour les ciments importés que pour les productions locales. Les commerçants rencontrés pointent un doigt accusateur sur le gouvernement, qui selon eux, a augmenté les charges de transport de la matière précieuse. Or selon nos sources, les objectifs visés par les autorités de l’Union sont entre autres, d’aider les pays de l’interland comme le Mali à lutter contre la fraude à l’essieu dans le but de mieux protéger leur économie. Le cas du ciment en est une illustration parfaite.
Le Mali, aujourd’hui est un pays producteur du ciment avec deux usines de fabrication de cette poudre indispensable à la construction des bâtiments et autres ouvrages de BTP même dans les industries extractives. Mais, nonobstant ces unités de fabrique, le Mali importe l’essentiel de son ciment du Sénégal pour plus de 200 milliards FCFA par an.
Quelle absurdité ? Mais le hic qui fait tilt, c’est que malgré la longue distance parcourue par les camions, le ciment sénégalais battait de loin, celui du Mali en termes de prix. Dans des conditions normales, comment une telle situation peut s’expliquer ? Au fait, la stratégie était intelligemment bien montée pour être perceptible d’un seul coup d’œil. Le Mali a librement souscrit au traité de libre échange préconisé par les conventions de l’UEMOA et de la CEDEAO et même de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Au nom de ces dispositions sous-régionales et internationales, le Mali ne peut empêcher les commerçants maliens à se procurer des marchandises sénégalaises pour des besoins de commerce. Donc, le ciment sénégalais peut librement être vendu au Mali, pourvu qu’il remplisse les conditions. C’est justement où se trouvent tous les problèmes.
Car, les importateurs pratiquaient ce qu’on appelle de la fraude à l’essieu pour se remplir les poches. Le mécanisme consistait à remplir les camions jusqu’à hauteur de 70 tonnes. Mais, au contrôle à la frontière, ils déclarent 28 tonnes, le poids normal requis plus les 18 tonnes du poids du véhicule. Soit un total de 40 tonnes à l’essieu. Le surplus de poids non déclaré n’est donc pas taxé.
Il est vrai que pour les produits d’origine communautaire, les commerçants ne paient pas de droit de douane, mais ils paient certaines taxes, notamment la TVA de 18% qu’ils récupèrent à la vente. C’est cette différence de poids non taxée qui offre un avantage indu au ciment sénégalais au détriment de la production nationale.
Ajoutés à cela, les autres avantages commerciaux que les industries sénégalais accordent aux distributeurs maliens, notamment la facilité du transport de la marchandise qui est presque livrée à domicile et la cession du ciment à des prix frôlant le dumping. Celui-ci consiste à vendre en dessous du prix réel dans le but d’écraser les concurrents. L’on comprend mieux les raisons de l’envahissement de notre marché par le ciment sénégalais au détriment de la production nationale. Les commerçants jouaient sur le surplus de poids non taxé pour livrer une concurrence déloyale au ciment malien.
C’est pourquoi depuis 2011, le ministère du Transport peine à appliquer les mesures communautaires relatives au contrôle de la charge à l’essieu. Le hic qui fait tilt c’est la solidarité entre les commerçants et les transporteurs à faire échec à la mise en œuvre de l’initiative. L’on a l’impression que les transporteurs qui se battent en lieu et place des commerçants sont plus dynamiques que les seconds dans ce combat. Quand bien même que la mesure est dans leur intérêt. Pour la simple raison que l’importateur est obligé de multiplier les camions pour être sûr que ses marchandises arrivent à destination.
A. Diakité