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Secteur socio-sanitaire : « Si on prenait la décision que le Président de la République et les membres du gouvernement se soignent obligatoirement dans le pays, ils équiperont au moins un hôpital au niveau international », Dr LANDOURE
Publié le mardi 25 avril 2017  |  Le Flambeau
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Selon le Dr Landouré, la grève qui aurait duré 38 jours et qui visait l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, n’a finalement pas servi à grand-chose. Parlant de la gratuité de l’AMO pour les personnels socio-sanitaires, bien que bénéficiaire, il dira qu’il trouve cela anormal.
Le Flambeau : présentez-vous à nos lecteurs s’il vous plait
G L : Je suis Dr. Guida Landouré, Praticien Hospitalier au Service de Neurologie du Centre Hospitalier Universitaire du Point G. Je suis natif de Djenné mais c’est à Sikasso que j’ai eu mon DEF et mes 1er et 2ème BAC. C’est ensuite que j’ai été admis à la Faculté de Médecine en 1993. J’ai soutenu ma thèse de médecine générale en Juillet 2002 dans le Service de Neurologie du CHU du Point G. En 2004, j’ai intégré la fonction publique et affecté dans le même service. Plus tard, j’ai bénéficié d’une bourse de formation professionnelle aux Instituts de Santé des Etats-Unis où j’ai passé 3 ans. En 2008, j’ai rejoint l’University College London de Londres en tant qu’assistant de recherche et faisant mon PhD en même temps. J’ai soutenu ma thèse le 28 Juillet 2011 et suis rentré au bercail le 13 Août 2011.
Le Flambeau : pourquoi étiez-vous en grève ?
G L : Merci beaucoup pour la considération que vous faites à ma fonction mais aussi à ma modeste personne. Ceci démontre votre volonté de quête de la vérité à propos de cette crise qui a fatigué tous les citoyens, y compris nous personnels de santé. Pour résumer ma réponse, je dirai que nous cherchions un mieux-être et de bonnes structures pour répondre à notre tâche qui est celle de prévenir les maladies, soulager les patients et rassurer leur entourage. Les principaux points de revendications étaient les suivants : « l’équipement des structures de santé », « une prime de fonction », « un versement de contractuels qui ont fait des années dans la fonction publique », « la fusion des émoluments et du salaire pour les bi-appartenant (médecins enseignants) », « l’indemnisation du personnel de la chaine de lutte contre Ebola », « la gratuité de l’AMO pour les personnels socio-sanitaires »…
Le Flambeau : En quoi les négociations ont-ils aboutis ?
Sur les 9 points de revendication, un seul point n’a pas été pris en compte. Il s’agit de celui relatif à l’augmentation substantielle des primes de fonctions spéciales et de garde à hauteur de 300%. Mais après moult tractations, le gouvernement a proposé une augmentation de 100% dont 50% à compter de janvier 2017 et 50% à compter de janvier 2018. Laquelle proposition a été finalement acceptée par les syndicats. Mais pour ce qui me concerne, je pense que la montagne n’aura finalement accouchée que d’une souris.
Le Flambeau : Que penses-tu de la gratuité de l’AMO pour les personnels socio-sanitaires ?
A vrai dire, je ne supporte pas ce point, de même que je ne supporterais pas que l’état donne des faveurs aux douaniers pour dédouaner leur véhicule (il parait que c’est chaque année), ou que le policier fasse faire des cartes d’identité pour sa famille gratuitement ou que l’agent de l’énergie du Mali ne paye que 30% de sa consommation alors qu’on sait qu’il la vend aux autres. Et le berger et le cultivateur qui payent leurs impôts, qu’est-ce que l’état fait pour eux, même pas d’accès à l’eau potable ? C’est injuste !
Le Flambeau : 38 jours de silence des autorités, tu en pense quoi ?
G L : Vous savez, en fait, tout ce que l’homme fait en bien ou en mal retombera sur soit. Pendant la période de grève, un membre haut placé du cabinet du ministre de la santé est venu avec son frère vers 22h dans notre service sous le couvert d’un de nos agents. Quand j’ai su que c’était lui, je me suis opposé à voir le patient par ce que pour moi c’est eux qui devaient sentir la grève mais pas le citoyen lambda. J’ai tout de même cédé puisque je suis médecin et quel que soit la situation je dois prendre en charge le cas. Après la consultation, je lui ai fait mes reproches comme quoi le cabinet du ministère de la Santé ne nous a pas soutenus alors même que le ministre est médecin. Il m’a fait la confidence que c’est le premier ministre qui avait interdit toute communication autour de cette grève. Pour dire comment les gouvernants réfléchissent au plus haut sommet. Ils ne se soignent pas ici ou dans les structures publiques, donc la grève ne les touchent pas directement.
Le Flambeau : Est-ce que cette grève, selon vous restait la seule option pour que vos doléances soient satisfaites ?
G L : Si vous vous rappelez, en fin Septembre début Octobre 2016, on avait fait des grèves. D’abord 48h puis 72h puis illimitée. Au bout de 3-4 jours il y a eu des accords. Donc, si nous sortons aujourd’hui ce n’est pas pour de nouvelles doléances mais un non-respect des engagements pris par l’état. Une seule doléance est nouvelle dans l’actuel cahier de charge de neuf points. Donc on n’a aucune alternative que de grever. Les magistrats nous ont montré la voie. Eux que tout le monde considèrent comme “les enfants gâtés de la république” ont trouvé des augmentations encore.
Le Flambeau : Quels sont selon vous les problèmes du secteur sanitaire malien ?
G L : Vous savez, il est vrai qu’on revendique aujourd’hui une meilleure situation personnelle et infrastructurelle mais le fond du problème est que nous les agents de santé avons notre part de responsabilité aussi. Nous avons baissé les bras ces dernières décennies, surtout dans les structures publiques. On a laissé les choses se dégrader sans crier et on a trouvé comme alternative de faire recours aux cliniques privées. On serait même à penser que cette situation arrangerait certains. Peut-être qu’ils ont été contaminés par les autres secteurs qui eux se sont dégradés depuis belle lurette.
Le Flambeau : Quelle solution proposez-vous pour y remédier?
GL : Il faut aller vers une application de la loi hospitalière qui prévoit des actes personnalisés dans les structures publiques en dehors des heures normales de travail. Comme ça, le patient qui le désire est satisfait par ce qu’il ne veut pas faire le rang ou venir quand il y a du monde, le médecin trouve son compte en termes de retombée financière et l’hôpital gagne. Aussi, on équiper nos structures et empêcher ces fuites des capitaux à travers ces milliers de patients qui partent renflouer les caisses des pays maghrébins et autres qui n’ont rien de plus dans la cervelle que nous.
Je rappelle qu’on a étudié dans les mêmes universités en général. Si on prenait la décision que le Président de la République et les membres du gouvernement se soignent obligatoirement dans le pays, ils équiperaient au moins un hôpital au niveau international. Sauf s’ils veulent le faire à leurs propres frais, dans ce cas ils nous diront où est-ce qu’ils ont gagné cet argent. Selon les confidences d’un médecin chef, un autre problème est que le budget de la santé est majoritairement alloué aux équipements et autres consommables. Les DAF se préoccupent de donner au plus offrant, je veux dire les 10%. Certains ont même leurs propres sociétés. Ils achètent ainsi des appareils qui ne marcheront jamais ou marcheront que quelques mois sans être amortis. Ne nous voilons pas la face, tant que le personnel de santé verra la motivation ailleurs, ils s’y rendront. Regardez l’exemple de l’Hôpital Mère-Enfant Le Luxembourg, à cause de la motivation du personnel, les soins y sont meilleurs que dans les autres hôpitaux même si les prestations y sont plus chères.
Aussi, nous avons un problème de recrutement de médecins spécialisés. Imaginez que le malien peut faire 1000-2000 Km pour voir un spécialiste. A part Kayes où il y a un neurologue, il y en n’a pas dans les autres régions. Il y a actuellement 8 neurologues qui se promènent de clinique en clinique à la recherche du pain quotidien. Cependant, au cours des 2 derniers recrutement, l’état n’a pas recruté un seul neurologue. A quoi bon de construire des hôpitaux (Mopti et Sikasso) équipées par des scanner si ceux qui sont le plus susceptible de les utiliser ne sont pas recrutés.
Le Flambeau : Quels messages souhaiteriez-vous adresser à l’endroit des populations maliennes ?
G L : Mon message aux populations est général. Tant que les populations ne s’impliquent pas elles-mêmes dans la gestion de leurs structures (par ce que tout ceci appartient au peuple), elles ne seront pas à la hauteur de leurs attentes. Il faudrait qu’on commence à demander des comptes aux dirigeants, qu’on s’organise en comités locaux pour aider les dirigeants dans leur tâche mais aussi faire pression sur eux pour une meilleure gestion de nos ressources. Aussi, on crie à la corruption et au désordre. Mais dès que tu commences à appliquer la rigueur, ces mêmes gens te traitent de tous les noms d’oiseaux. Tu fais un service dans une structure publique, l’usager te demande c’est combien. Tu lui dis non c’est l’état qui paye mais il insiste. Tu demandes à faire passer les gens par ordre d’arrivée, un d’entre eux vient te voir en cachette pour te tendre quelque chose pour passer avant les autres. De plus en plus les gens croient que tu n’auras pas satisfaction tant que tu ne donnes pas quelque chose. Et ça tous les secteurs sont concernés
En un mot, il faudrait qu’on réfléchisse, qu’on se dise que nos actes de tous les jours feront de notre nation ce qu’elle sera demain. Il faut changer de comportement et montrer la voie à nos enfants. Il faut songer à leur laisser un Mali prospère. Rendons service et ne nous servons pas de l’état.
Entretien réalisé par KANTAO Drissa
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