Le nouveau ministre de l’Economie Numérique et de la Communication, Arouna Modibo Touré, était hier au pupitre de la représentation nationale pour défendre le projet de loi de ratification de l’Ordonnance N°2016-001/PRM du 26 janvier 2016 portant création de l’Agence de Gestion du Fonds d’Accès Universel.
Comme son nom l’indique, il faut entendre par « Fonds d’accès universel », des ressources collectées auprès des opérateurs des télécommunications pour permettre l’accès au plus grand nombre de la population aux services de communication. L’Union Internationale des Télécommunications (UIT) se limite à la définition de la notion « d’accès ». Selon elle, « l’accès » est la possibilité pour chacun d’avoir accès à des installations et services de communication mis à la disposition du public. Mais dans sa compréhension, en règle générale l’accès est assuré par les publiphones, les télécentres communautaires et les terminaux communautaires d’accès à l’internet. Toutefois, la réalisation de ces télécentres communautaires toutes considérés à ce jour comme rudimentaires, entraine des incidences financières très importantes que l’Etat seul ne peut supporter. Au même moment, le champ d’application des missions de service public assurées par les opérateurs réseaux est limitatif. En termes clair et compréhensif, au Mali, la loi régissant la gestion du secteur des télécommunications ne fait pas obligation sur les opérateurs privés de couvrir les localités non rentables. Quand bien même que l’accès aux services de communication fait partie des droits fondamentaux des citoyens reconnus par la Constitution d’avril 1992.
Que faire donc pour permettre à tous les citoyens de la République, notamment ceux vivant en milieu rural, d’user de leur droit constitutionnel ? C’est dans ce cadre qu’intervient l’Ordonnance relative aux télécommunications et aux technologies de l’information et de la communication (TIC) pour obliger les opérateurs des réseaux ouverts au public, de contribuer aux missions et charges de développement du service d’accès universel. Les opérateurs n’ont certes pas obligation de couvrir les localités non rentables, mais en échange, ils sont tenus d’aider le gouvernement à remplir cette mission de service de public. C’est dans cadre qu’il a été créé, il ya plus d’une décennie, le Fonds d’accès universel des télécommunications/technologies de l’information et de la communication (TIC). Constitué depuis 2003 par les contributions des Opérateurs, à hauteur de 1% de leurs chiffres d’affaires, contre 2% en moyenne dans certains pays africains, le Fonds d’accès universel, dans sa version malienne comme d’ailleurs partout dans le monde, est destiné à favoriser le développement des réseaux et services de télécommunications dans les zones à priori non rentables pour les opérateurs.
Mais, le hic qui a motivé la création d’une Agence pour gérer ce Fonds au Mali est que depuis sa création à ce jour, celui-ci est collecté et géré par l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications et des Postes (AMRTP), jadis Comité de Régulation des Télécommunications (CRT). Ce qui pose naturellement le problème de la transparence dans la gestion de cette importante manne financière, surtout lorsque l’autorité de régulation est gérée par un politique ou que la direction de cette dernière relève d’une autorité politique. Qu’elle soit nommée ou élue. Le cas du Mali suscite de la méfiance. L’AMRTP, jadis CRT relevait du Ministre en charge de l’Economie Numérique et de la Communication. Elle a ensuite basculé sous la tutelle du Premier ministre pour finalement se retrouver sous la coupole du président de la République actuellement. Dans chaque cas de figure, c’est un politique qui est aux manettes. Donc, il est sujet au jeu d’influence politique. Le risque est donc grand que l’argent destiné au développement des réseaux et services de télécommunication change de direction et de vocation.
C’est donc dans le but d’affranchir le fonds de ces risques que le gouvernement d’Abdoulaye Idrissa Maïga a décidé de dépoussiérer ce vieux dossier, égaré quelque part dans un tiroir de la Primature, pour lui redonner vie. Surtout que celui qui a défendu le dossier devant les députés est un fin connaisseur des finances publiques pour avoir établi sa notoriété partout où il a posé sa valise. Arouna Modibo Touré, puisqu’il s’agit de lui, n’est plus à présenter. Après avoir redoré le blason au Pari Mutuel Urbain du Mali (PMU-Mali), il est évident que le nouveau fonds qui sera porté sur fonts baptismaux très bientôt après le quitus de l’Assemblée nationale et la promulgation de la loi par le président de la République, sera dans de bonnes mains. L’enjeu est de taille. Il s’agit pour lui de mettre en œuvre la politique de développement des TICs du président IBK à quelques encablures de la fin de son quinquennat dans un contexte de crise. C’est donc la course contre la montre. Dès l’adoption de la loi, Arouna Modibo Touré devra passer à l’acte en vue de réduire considérablement la fracture numérique qui sépare les citoyens des milieux ruraux de leurs frères et sœurs des grands centres urbains. C’est d’ailleurs rendre justice à ceux qui paient cher leur citoyenneté au nom desquels, le Mali s’endette auprès des Institutions financières internationales pour financer les projets de développement. Au Mali, les populations rurales sont tenues en marge du progrès.
Désenclavement numérique du pays
La création de l’Agence de Gestion du Fonds d’Accès Universel (AGEFAU) apportera un souffle nouveau dans le domaine de la communication en ce qui concerne l’extension des services et des infrastructures de communication sur tout le territoire national. Ainsi, de par ses missions, l’AGEFAU va donc contribuer de manière significative au désenclavement numérique de notre pays. Elle permettra l’accès aux différents services de télécommunication au plus grand nombre d’usagers, notamment ceux vivant en milieu rural. Il s’agit donc de raccorder au réseau national de télécommunication, toutes les communes, tous les villages et les centres administratifs. Il est à signaler que plus de 200 communes n’ont pas accès aux services téléphoniques des opérateurs. Plus de 400 communes n’ont pas également accès aux services internet. L’AGEFAU va donc améliorer la disponibilité et l’accessibilité des TICs dans les zones rurales non économiquement rentables et contribuera en priorité à la couverture des zones où les services sont inaccessibles.
Notons que le projet de loi, ainsi voté par les députés à la majorité vise à créer un Etablissement Public à caractère Administratif (EPA), chargé de la mise en œuvre du fonds. Le statut d’EPA conféré à l’AGEFAU vise à assouplir sa gestion, notamment son autonomie financière, à faciliter la mobilisation des ressources additionnelles auprès des partenaires publics et privés, des collectivités territoriales et d’obtenir des subventions de l’Etat. Il permet également de séparer les fonctions de régulation de celles de mise en œuvre de la politique de développement des réseaux et des services de télécommunication par la réalisation des activités concrètes dans ce sens. Il permet aussi de faciliter les actions de contrôle de gestion et de l’évaluation des résultats, le recentrage de l’autorité de régulation sur ses fonctions premières (arbitrage entre l’Etat et les Opérateurs du secteur, entre les opérateurs eux-mêmes ou entre ceux-ci et les utilisateurs des services de télécommunications ou de technologies).