Indignés par les promesses électorales non tenues, la mal gouvernance, mais surtout l’OPA d’une poignée d’individus sur les marchés publics, les Maliens tentent, chaque jour que Dieu, de contenir leur colère. Mais le pouvoir, lui, se comporte comme si tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Si rien n’est fait pour désamorcer cette « bombe », les prochains mois risquent d’être durs. Très durs. Trop durs.
« Nous sommes déjà morts. Nous n’avons plus rien à attendre de ces politiciens, dont le seul objectif est de se faire élire pour accumuler des richesses pour eux et leur descendance. La pauvreté, la misère et l’humiliation….sont, entre autres, notre quotidien depuis plus de deux ans. Nous n’avons plus rien à perdre, plus rien à espérer de cette classe dirigeante, qui pervertit, chaque jour, notre pays et notre dignité de Malien avec ».
Voici, entre autres, ce que le « Mali d’en bas » pense du « Mali d’en haut ».
Constituée d’une poignée d’hommes, roulant carrosse sous les yeux ahuris de l’écrasante majorité abonnée à la misère et à la mendicité, la classe dirigeante n’a pas évolué depuis la révolution de mars 1991, qui a renversé le régime dictatorial du Général Moussa Traoré. Depuis 25 ans, ce sont les mêmes hommes, ou leurs ayants-droits, qui dirigent le pays. Avec le même système. Que ce soit sous les présidents Konaré ou ATT, les mêmes hommes se sont relayés aux manettes du pays. Avec le mode de gouvernance : népotisme, mal gouvernance, détournement impuni du dénier public, corruption, une justice à deux vitesses (celle des riches et celle des pauvres), une éducation et une instruction au rabais, un chômage endémique, une économie sous perfusion et une administration pléthorique, inefficace…..
Une OPA sur les marchés publics
En élisant IBK, Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré durant six ans d’affilée, les Maliens espéraient changer les choses. Candidat du parti RPM (Rassemblement Pour le Mali), IBK promettait – devant Dieu et le peuple tout entier – de travailler pour le « Bonheur des Maliens », pour rendre aux Maliens leur fierté bafouée. D’où son élection, au second tour, avec un score inédit de 77,3 % des voix.
Mais à 12 mois de la fin de son quinquennat, le résultat est là, amer. Tous ceux qui ont applaudi, – à se rompre les phalanges -, le jour de son investiture ont déchanté. Tous ceux, qui espéraient le voir combattre la corruption, la délinquance financière, le népotisme, le pillage impuni des caisses publiques, le chômage…. Sont restés sur leur faim.
Quand ses électeurs s’attendaient à voir, dans le gouvernement, des hommes et des femmes réputés pour leur intégrité morale et intellectuelle afin d’enclencher les changements attendus, il n’a fait que « reprendre les mêmes pour recommencer ». Résultat : le pays n’a pas évolué d’un iota. Pire, il a connu un net recul sur bien de points. Avec, à la clé, l’OPA lancé sur les marchés publics sur une poignée d’individus. Proches, voire très proches du pouvoir, ils opèrent à visage découvert. Ils ont, depuis trois ans, la haute main sur tous les marchés publics. Qu’ils soient financés par le budget national. Ou par les partenaires techniques et financiers. Avec la complicité de certains ministres à leur solde, ils attribuent à qui ils veulent ces marchés en y tirant de substantielles dividendes. Tous les opérateurs économiques, ou entrepreneurs, qui ont tenté de s’y opposer ont appris la « leçon » à leurs dépens. Les journalistes qui ont tenté de dénoncer ces « pratiques », aussi. Certains sont, encore, dans leur viseur ; d’autres ont disparu. Miraculeusement. Sans laisser de traces. Autres promesses d’IBK restées sans lendemain : la fin de la crise du nord, le retour de la paix et de la sécurité dans le septentrion malien. Aujourd’hui, plus qu’hier, l’insécurité n’est plus l’apanage des seules régions du nord. Elle s’est étendue sur l’ensemble du pays. Avec un bilan qui donne le vertige. Chaque jour que Dieu fait, les victimes se comptent par dizaines. Des civils comme des militaires. Du côté des opérateurs économiques, la colère frôle la crise de nerf. Qu’ils soient vendeurs de friperie, de pièces détachées, de denrées de première nécessité, importateurs ou exportateurs….. ils ont tous un dénominateur commun : la mévente. Ils se sont tous éclipsés au profit des « nouveaux maîtres » du pays.
De l’espoir à la désespérance
Partout, l’espoir a fait place au désespoir, à la désespérance. Partout, la colère le dispute à l’indignation. Partout, on crie à la trahison, celle des électeurs. Qui caressaient l’espoir d’un véritable changement. Trop de déceptions, d’amertumes se sont cristallisées, ces quatre dernières années, dans les cœurs et dans les esprits. Mais le pouvoir, confiné dans sa bulle, semble ne rien voir, ne rien sentir, ne rien entendre.
Et si rien n’est fait pour inverser cette tendance, le réveil risque d’être brutal. Si brutal, qu’il provoquera le vertige chez les « Princes » qui nous gouvernent.