De grands arbres abattus à la tronçonneuse, des centaines de dragues artisanales dans le lit du fleuve Baoulé aux fins d’orpaillage, tel est le constat désolant fait par le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, Mme Kéita Aïda M’Bo, lors de sa visite en fin de semaine dernière dans cette localité
La commune rurale de Kèmè Kafo est située à environ 160 kilomètres de Bamako, dans le Cercle de Dioïla en 2è Région. Elle abrite l’une des dernières réserves de faune de notre pays. Elle est aussi arrosée par le fleuve Baoulé. Ces ressources naturelles constituent le vivier des populations de la zone. Aujourd’hui, ces ressources font l’objet d’une exploitation abusive et anarchique de la part d’exploitants venus de plusieurs régions du pays et du District de Bamako. Face à cette situation qui suscite l’inquiétude, les autorités communales ont interpellé le gouvernement à travers le département en charge de la protection de l’environnement. Suite à une plainte du maire de Kèmè Kafo, Amadou Sidibé, le ministre s’est transporté sur les lieux, accompagné des membres de son cabinet, dont le secrétaire général, Abdoulaye Berthé et du directeur national des Eaux et Forêts, le général Mamadou Gackou. La surprise de la délégation ministérielle fut grande lorsque, à la sortie du village, elle tombe sur un caïlcédrat fraîchement abattu par des individus qui ont pris la fuite après s’être rendus compte de notre présence. Sur place, on découvre l’immense tronc d’arbre scié et prêt à être transporté certainement vers un lieu de stockage. Ce sera le début d’une série de découvertes de scènes d’abattage de grands arbres, dont des pieds de karité. Scandalisé, le ministre a instruit aux agents locaux des Eaux et Forêts de prendre des mesures immédiates nécessaires pour arrêter la pratique.
Après cette étape, la délégation s’est rendue sur les berges du fleuve Baoulé dans le village de Duma, à une cinquantaine de kilomètres du chef-lieu de commune. Ici, le lit du cours d’eau est noir de drague. Ces engins de fabrication artisanale qui fonctionnent à l’aide de moteur de véhicules « Mercedes 190 » sont utilisés pour la recherche de l’or. Sur un tronçon de quelques kilomètres, on dénombre près de 200 machines. Des tentes de fortune servant d’abri aux orpailleurs tapissent les berges du fleuve. Sève nourricière de la localité, il est soumis à toutes sortes de pollutions (fuel, mercure et autres produits chimiques employés dans la recherche de l’or). Cette situation a entrainé la disparition de toute forme de vie aquatique dans la zone. Selon le témoignage d’un habitant du village de Duma, les populations sont confrontées à un véritable problème de santé publique. Les besoins en eau des 10 villages et de la vingtaine de hameaux sont satisfaits à partir de cette seule ressource. Toute chose qui a alarmé le ministre et sa délégation. Afin de mieux comprendre le problème, le ministre a mis en confrontation certains orpailleurs propriétaires de dragues et les responsables communaux à l’origine de la plainte.
Les propos étaient contradictoires. A en croire le maire Amadou Sidibé, aucun exploitant ne dispose d’une autorisation pour mener cette activité dans la commune. Ils sont tous installés illégalement dans la zone. Youssouf Traoré, un orpailleur et propriétaire d’une drague sur le site, a exhibé une carte en bonne et due forme, délivrée par la Fédération nationale des orpailleurs du Mali, dont le siège se trouve dans la capitale. Ce document qu’il a acquis au prix de 100.000 Fcfa donne droit à son titulaire de posséder une drague. Une autre, délivrée à 75.000 Fcfa, lui confère un droit d’exploitation. Avec ces deux documents, M. Traoré justifie sa présence sur les lieux, en indiquant que c’est sur autorisation de son organisation faîtière qu’il opère. « En plus de ça, on ne s’installe jamais sur un site sans l’aval des chefs coutumiers et des maires auxquels nous versons une taxe », a-t-il assuré. Mme Kéita Aïda M’Bo a fait savoir aux orpailleurs que l’utilisation des dragues dans le fleuve aux fins d’orpaillage est strictement interdite par la loi. A cet effet, rien ne peut justifier l’emploi de ces engins dans le fleuve. Face à ce désastre écologique qui prend de l’ampleur dans notre pays, la première responsable en charge de l’environnement a annoncé des mesures d’urgence pour parer au danger. Il s’agit dans un premier temps d’informer et de sensibiliser tous les acteurs sur les dangers que représentent ces activités pour les ressources naturelles et l’environnement. En attribuant certains comportements à la méconnaissance des textes et règlements en la matière par les exploitants et les populations locales, elle préconise une large information du public sur la législation en vigueur, car la bonne connaissance des textes est un préalable à toute action de répression. Elle a fondé l’espoir sur la réaction positive des populations qui prennent de plus en plus conscience de la situation en dénonçant les auteurs. Avec l’adoption prochaine de la Politique nationale forestière (PNEf) et une grande communication autour de la question, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre dans la protection de l’environnement dans notre pays.