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Mangues : La filière tient le cap, malgré les contraintes
Publié le vendredi 5 mai 2017  |  L’Essor
Filière
© Autre presse par DR
Filière mangue
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Les producteurs font face à l’infestation des parcelles par les mouches destructrices des fruits. A cela s’ajoutent certaines mauvaises pratiques que le ministère de l’Agriculture a entrepris de corriger

Les dates d’ouverture et de fermeture de la campagne des mangues 2017 ont été communiquées le 10 mars dernier par la direction nationale de l’Agriculture. Cette communication concerne 3 dates parmi lesquelles on peut retenir le 20 mars dernier pour l’expédition des mangues par voie aérienne et l’exportation de la variété « Amélie » par bateau, le 20 avril pour l’expédition par avion et par bateau pour l’ensemble des variétés de mangue. La date du 15 juin, elle, marque la fermeture de ladite campagne. Sur les 13.641 hectares de vergers de manguiers répartis dans les différents bassins de production (Sikasso, Koulikoro, Bamako), c’est l’agitation, et le branle-bas général pour la conquête du marché européen. Une bonne partie des mangues produites au Mali est destinée à l’exportation, essentiellement vers l’Europe. Le business est très fructueux. Il a rapporté à la filière en 2015, 25 milliards de Fcfa. La campagne 2016 qui a généré 22,8 milliards de Fcfa de chiffre d’affaires à la filière a été, elle, marquée par des troubles au niveau de l’exportation. En effet, sur le marché européen, durant ladite campagne, les mangues maliennes ont fait l’objet de 66 saisies. Un chiffre record pour un pays qui n’enregistrait qu’une dizaine de saisies par an. Selon le bilan 2016 de l’interprofession de la filière mangue Mali, il s’agit de « l’une des plus grandes catastrophes de l’histoire de la mangue malienne ». Ces saisies record qui ont secoué les acteurs de la filière ont été imputées aux mouches des fruits et à quelques « certificats phytosanitaires ». Qu’est-ce qu’une mouche des fruits ? Ce sont des ravageurs de manguiers qui ont le statut d’insecte de quarantaine (c’est-à-dire indésirable) en Europe qui, faut-il encore le rappeler, est la destination privilégiée d’une bonne partie de nos mangues. L’insecte pique le fruit et dépose ses œufs dans la pulpe. Il est considéré parmi les ravageurs comme le plus redoutable du manguier à cause de sa capacité de nuisance. « Nous sommes vraiment menacés, car si nous dépassons cette année le même nombre de saisies que lors de la campagne passée, nous recevrons un carton jaune. Ce qui est un avertissement avant l’exclusion de nos mangues du marché européen », s’inquiète Moctar Diarra, producteur de mangues et président de la Fédération nationale des producteurs de mangues du Mali et vice-président de l’Interprofession de la filière mangue du Mali (IFM-M). Pour faire face à cette menace des mouches, la filière mangue peut aussi bien compter sur l’Office de protection des végétaux (au niveau national) que sur le Plan régional de lutte et de surveillance des mouches des fruits en Afrique de l’Ouest. Ce plan est conjointement financé par l’Union européenne, l’Agence française de développement, la CEDEAO et les Etats bénéficiaires, dont évidemment le Mali. Chez nous, le projet doit poser, sur l’ensemble des bassins de production de mangues, un total de 1.200 pièges sur lesquels seuls 20 ont été installés. A ce manque de vivacité, Mamadou Karabenta, chargé du Programme de lutte contre les mouches des fruits à l’OPV, a une explication. « Nos opérateurs économiques n’ont pas l’habitude de vendre ce genre d’articles, c’est pourquoi ces matériels sont très difficiles à trouver sur le marché. Mais nous y travaillons, nous avons pris contact avec certaines personnes qui travaillent dans le domaine en vue de nous procurer rapidement ces matériels », a souligné M. Karabenta. La filière mangue Mali en dépit des difficultés tient bon le cap. Depuis 2014, les volumes exportés ne font que monter. En 2014, 37.572,77 tonnes de mangues ont été exportées, on compte 38.528,78 tonnes pour la campagne 2015. En 2016, les chiffres ont rebondi. L’on y a enregistré 43.285,95 tonnes de mangues exportées. Il faut rappeler que le Projet Compétitivité et Diversification agricoles (PCDA) a estimé le potentiel de production annuelle de la filière mangue Mali à 575.000 tonnes.

Khalifa DIAKITÉ

PROPOSITIONS CONTRE L’INFESTATION


Le spécialiste de la protection des végétaux
recommande des mesures pour éviter les ravageurs
Dans les vergers de Moctar Diarra et Moussa Traoré qui s’appellent en bons cousins à plaisanterie « kôrô » et « dôgô », des récipients jaunes sont suspendus à des branches de manguiers. Ce sont des pièges installés dans le cadre des activités du comité national de surveillance et de lutte contre les mouches des fruits de mangue. Pour Moctar, ils permettent d’identifier les types de mouches qui fréquentent les champs, et les moments, où ces fréquentations ont lieu. Ensuite des pisteurs arriveront périodiquement pour le décompte des mouches captives, ils repartiront à chaque fois avec des données relatives aux types de mouches capturées, les moments où elles s’attaquent aux mangues etc. La lutte alternative est un moyen efficace contre les mouches des fruits. Elle comporte un certain nombre de pratiques. Parmi elles, il faut compter la propreté des vergers, l’observation de la taille de régénération des manguiers et le labour de fin de cycle. Pour le chargé du Programme de lutte contre les mouches des fruits à l’Office de protection des végétaux Mamadou Karabenta, « les mangues piquées qui tombent et trainent dans le champ constituent les premières sources d’infestation du champ. Quand vous voyez à terre une mangue piquée, ramassez-là et mettez-la dans un sachet noir que vous exposerez au soleil. Le sachet noir absorbe la chaleur du soleil et tue par conséquent la mouche », explique le spécialiste. « Il faut garder le champ propre», recommande-t-il. Avant de déplorer la pratique qui consiste pour certains producteurs à laisser aux alentours des vergers de manguiers des plantes alternatives hôtes des mouches des fruits. Cette négligence permet au ravageur (la mouche) de boucler son cycle tout en restant dans cette zone. Le labour de fin de cycle, l’observation de la taille de régénération sont aussi des luttes alternatives. Le premier permet d’exposer les larves des mouches à la chaleur insupportable du soleil. Le second qui confère au manguier une taille réduite, permet aux mangues piquées de ne pas s’ouvrir en tombant et évite du coup la réalisation de la métamorphose à l’issue de laquelle la larve se transforme en mouche. Mais pour Karabenta, certaines pratiques rendent difficile la propreté des vergers : « Généralement, ces terres plantées de manguiers sont un héritage. Et souvent, ils appartiennent à beaucoup de personnes, donc on ne sait pas qui est responsable de quoi ? Car si l’un des héritiers s’occupe bien du champ, on le soupçonnera de manigancer quelque chose. Résultat, des manguiers sont délaissés, ce qui ne facilite pas l’entretien du champ. Or, la conséquence d’une plantation non propre est quasi immédiate. Elle expose directement le verger à une infestation et représente aussi un danger pour les vergers voisins ». K. D.

L’INVASION DES HABITATIONS

Samedi 15 avril, sur la route de Siby situé à 50 km de Bamako, une chaleur presque insupportable tant pour les hommes que pour les engins, impose une pause à certains chauffeurs. Notre véhicule de reportage quitte la route principale et prend la direction de Ouenzimbougou. Ce village est une des zones stratégiques pour la production de mangues. Ici, une menace aussi sérieuse que les mouches des fruits guette la filière, à savoir l’urbanisation effrénée. De part et d’autre du sentier menant à Ouenzimbougou, des logements sont érigés sur des terres qui, jadis, étaient des vergers de manguiers. Devant certains logis, des jeunes prenaient du thé, et devant d’autres, des enfants jouaient au ballon. On pouvait apercevoir dans le paysage des véhicules de haut standing garés devant des villas en chantier, signe indéniable de l’urbanisation qui est aux portes de la forêt de manguiers de Ouenzimbougou. 17 heures venaient de sonner quand le véhicule de reportage a enfin atteint les terres de manguiers de Moctar Diarra. Un espace de 20 hectares avec 2000 pieds de manguiers, une véritable manne qui est cependant sous pression à cause de l’urbanisation rapide. Presque côte à côte avec des maisons d’habitations, ces terres de 2000 pieds de manguiers constituent une sorte de ligne de démarcation entre la ville qui s’y étend et les vergers de manguiers, dont les propriétaires résistent au business sur le foncier. Là, vergers de manguiers et logements se regardent en chiens de faïence. « Le danger de l’urbanisation est omniprésent ici dans la commune rurale du Mandé, à Ouenzimbougou précisément», nous dit Moussa Kéita. Lui, c’est le gardien de la forêt de manguiers, pour ainsi dire. Son verger et celui de Moctar étant l’un à côté de l’autre, il veille donc sur les deux « mannes » quand Moctar est absent. Tenant à ses terres comme à la prunelle de ses yeux, Moussa Kéita ne les quitte presque jamais. Il vient au « champ » au lever du soleil pour n’en repartir qu’à la nuit tombée, et ce, 12 mois sur 12. « Il n’y a pas longtemps, nous explique-t-il, alors que nous étions allongé sur une natte à l’ombre d’un manguier, des gens se réclamant de la mairie sont venus nous menacer, prétendant que si nous ne faisons pas morceler nos champs, l’Etat viendrait nous les prendre, quand il en aura besoin en clamant. Car, a-t-il clamé, c’est toujours à l’Etat qu’appartiennent les terres ». C’est pour ça que Traoré, dont il nous indique le champ, a morcelé son verger par peur de le perdre à jamais. Mais, pour lui, il est hors de question de morceler ses terres. Car dans la vie, affirme-t-il, je ne connais que le travail de la terre. Si on me prend ma houe, que va-t-il me rester, se demande-t-il ? Avant de retomber dans une profonde réflexion qui avait certainement pour sujet l’avenir de ses terres ».

K. D.

DES REGLES PAS FORCEMENT RESPECTEES

Selon Moctar, le défaut de la cuirasse en ce qui concerne nos mangues sur le marché européen n’est pas exclusivement les piqûres de mouches. Ce sont aussi les faux certificats phytosanitaires qui sont délivrés. Sur ce point précis, le technicien déplore certaines pratiques. « Des gens viennent de Mauritanie avec de gros camions pour nous vendre des poissons. Sur le chemin du retour, ils entrent dans les champs et trouvent des producteurs de mangues si impatients qui leur vendent des mangues non mûres. Ce sont les mêmes mangues qu’on conditionne à Nara pour ensuite les envoyer en France avec le label et des certificats phytosanitaires maliens non authentiques. Comment peuvent-ils se les procurer ?», s’interroge Moctar en décrochant son portable qui n’avait pas arrêté de sonner depuis un moment. Par ailleurs, il a assuré que des exportateurs mélangent les mangues et d’autres produits dans le même carton. Une fois qu’on détecte des corps étrangers sur ces mangues en Europe, c’est toute la filière qui en fait les frais, car elles seront saisies et détruites. Et ça, ça porte préjudice à toute la filière », regrettait-il. Mais à partir de cette campagne qui vient de s’ouvrir une décision exécutoire traite des problématiques de l’exportation des mangues, de l’organisation de l’exportation. Il s’agit de l’arrêté n° 2017 0494/MA-SG du 6 mars 2017. Cet arrêté du ministère de l’Agriculture comporte 3 articles. Le 1er article fixe les dates d’ouverture et de fermeture de la campagne d’exportation des mangues qui sont fixées par le directeur national de l’Agriculture en concertation avec l’Office de Protection des Végétaux et de l’Interprofession Filière mangues. Le 2ème article stipule que l’enregistrement des exportateurs de mangues est obligatoire en vue de leur catégorisation et de leur contrôle selon leurs profils à risques. Cette décision serre bien la vis à des exportateurs non respectueux des contraintes du marché européen, un marché aux opportunités incommensurables et sur lequel la filière se fait le maximum de revenus. Quant au 3ème article de cet arrêté, il stipule que l’enregistrement des exportateurs de mangues est annuel et qu’il s’effectue avant la date limite fixée par la direction nationale de l’Agriculture en prélude à l’ouverture des campagnes.

K. D.
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