Pour les militants Adema de la région de Sikasso, plus question de soutenir un candidat à l’élection du président de la République si celui-ci n’est pas « fils du terroir ». Une option politique au relent « régionalisme » ?
Le samedi dernier, l’ensemble des sous-sections de l’ADEMA PASJ de la région de Sikasso, était en réunion dans la capitale verte. Les participants ont, à l’unanimité, décidé de jeter leur dévolu sur le camarade Kalfa Sanogo, comme porte drapeau de la région au cas où il y aurait des primaires ou dans le cas contraire, porte-étendard de l’ADEMA aux présidentielles de 2018. Une décision qui tombe, au moment où le président du parti, le Pr Tiémoko Sangaré était en tournée dans la région.
La nouvelle qui pourrait être une surprise pour certains, ne l’est pas pour le desk politique du journal Le Pouce. En effet, au mois de juin 2016, une grande partie des ressortissants de la région de Sikasso, venus de l’intérieur comme de l’extérieur, s’étaient donnés rendez- vous à Sikasso pour rendre hommage à celui qu’ils nomment « fils du terroir » en la personne de Kalfa Sanogo, porté à la tête de la municipalité de Sikasso à l’issue des dernières élections communales. Les ressortissants de la localité tenaient à lui rendre hommage pour les actes qu’il a posés dans le cadre du développement de la région et de l’amélioration des conditions de vie des populations. Rappelons que Kalfa Sanogo était précédemment PDG de la CMDT avant d’être relevé de ces fonctions. Les partisans de l’homme notamment ceux de la région de Sikasso, avaient dénoncé un acte de trahison de la part du président « IBK ».
Donc, au cours de ce grand rassemblement de 2016, la décision avait été prise de changer de stratégie politique et de ne plus se présenter comme un simple « bétail électoral » à exploiter. Conscients que la région de Sikasso, constitue un vivier électoral pour les différents candidats à l’élection du président de la République, les ressortissants de la région, posent désormais des conditions. La première et la plus importante nul doute, est celle qui fait référence au soutien à une candidature locale. En termes clairs, ne plus soutenir que la candidature d’un fils du terroir à l’élection du président de la République. Un message fort au Bureau politique Adema ? Ou juste de la surenchère politique ?
Toujours est-il que cette prise de position au relent régionaliste, pose, une fois de plus, la question du choix politique de l’ADEMA en vue des futures élections présidentielles. Membre de la coalition de la majorité présidentielle qui soutient le président « IBK » depuis son élection, l’ADEMA est aujourd’hui dans le dilemme partagé entre l’option d’une candidature interne et celle de soutenir le président « IBK » dès le premier tour. Ce parti est conscient de son poids politique sur l’échiquier national. Ses adversaires et alliés également. Et c’est certainement l’une des raisons qui a amené le président « IBK » à faire des places à ce parti dans les différents gouvernements qu’il a eu à former depuis qu’il est élu président de la République. Mieux vaut avoir l’Adema comme ami que comme ennemi ? Mais pour certains observateurs de la scène politique nationale et même des militants du parti, l’ADEMA n’est pas à sa place. En effet, depuis que ce parti a perdu les élections présidentielles en 2002, il s’est toujours rangé du côté de la majorité présidentielle alors que certains auraient souhaité le voir animer l’opposition politique. Les responsables du parti ont certainement leurs raisons.
Mais, est-il aussi honnête d’être de la majorité présidentielle, de bénéficier de ses faveurs et ensuite sortir du lot pour présenter un candidat contre celui que vous avez soutenu jusque-là ? Les Maliens apprécieront. Sikasso, région rebelle, donne le ton. Le « licenciement » de Kalfa Sanogo à la tête de la CMDT, a-t-il sonné la révolte des Sikassois ? Le forfait serait que « IBK » a fait licencier un « allié ». Du coup, toutes les frustrations sont remontées à la surface. Sikasso, se dit « faiseur de roi » à cause du vivier électoral qu’il représente mais estime ne pas avoir toutes les considérations dues à son statut.
La question est : Kalfa Sanogo se plait-il dans ce rôle de « candidat de la contrée » ? Elu à l’issue des élections communales passées, l’homme s’était engagé de consacrer tous ses efforts au développement de sa circonscription. Sa candidature, il faut le dire, avait été portée par les populations de Sikasso qui estiment qu’il était le mieux placé pour trouver solutions à leurs multiples préoccupations étant « fils du terroir ». Là aussi, on pouvait parler de poussée « régionaliste » sauf que ce sont des élections de proximité.
Mais cette affaire de candidature aux primaires de son parti afin d’être candidat à l’élection présidentielle, permettra-t-elle à Kalfa Sanogo de se consacrer entièrement à ce pour lequel les électeurs des communales lui ont fait confiance ? C’est-à-dire œuvrer à l’épanouissement de Sikasso, ville au passé glorieuse mais qui aujourd’hui présente un visage de ruine. Kalfa est sans nul doute favori dans sa région où il peut compter sur de nombreuses voix pour le soutenir. Qu’en-t-il sur l’échiquier national ? A-t-il le poids politique nécessaire pour s’imposer au sein de son parti ? Qu’adviendra-t-il s’il venait à perdre le combat à l’intérieur de son parti ? Ira-t-il créer un autre parti ou rejoindra-t-il un autre parti ? On connait à l’ADEMA le sort habituellement réservé aux « rebelles ». Kalfa Sanogo est-il « rebelle » dans son parti ?
Plus on se rapprochera des élections présidentielles de 2018, plus les ambitions se multiplieront. Les Bureaux politiques des partis réussiront-ils à canaliser toutes ses ardeurs ? Il en va de la survie de la cohésion interne. Une chose est certaine : la ruche se prépare à des turbulences dont elle en a l’habitude à la veille de chaque échéance électorale. Une séquence qui sera beaucoup suivie avec attention depuis Koulouba.