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Enquête sur un phénomène social inquiétant : Pourquoi les jeunes divorcent sitôt mariés ?
Publié le dimanche 7 mai 2017  |  Aujourd`hui
Célébration
© aBamako.com par Momo
Célébration du mariage de Mr Boulan Barro et Fada Dramé
Bamako le 26 avril 2015 la cérémonie de célébration du mariage de Mr Boulan Barro et Fada Dramé a eu lieu a la mairie de Badalabougou
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«Aujourd’hui à la mairie et demain au tribunal !». Ce slogan s’entend souvent dans le foyer de la plupart des nouveaux couples de notre société. S’il était banni autrefois par les religions, aujourd’hui le phénomène du divorce prend plus en plus de l’ampleur parce que le mariage considéré comme une union sacrée entre un homme et une femme, est bafoué de nos jours par les jeunes couples. C’est dire que la problématique du mariage qui tourne rapidement au divorce se pose avec acuité dans toutes les couches de notre société. Que disent la loi et les religions sur le divorce devenu un vrai phénomène de société ?

Au tribunal de la commune IV du district de Bamako, un magistrat préférant rester sous couvert de l’anonymat, nous livre les statistiques sur les divorces prononcés au cours de ces trois dernières années. En 2014: 350, 2015: 400 et 2016: 569. Ce qui fait plus de 1 000 divorces durant trois ans, uniquement au tribunal de la commune IV du district de Bamako. Le magistrat précise que pour la demande de divorce, il n’y a pas de limite d’âge : «Même les couples de plus de 25 ans demandent le divorce et en générale ce sont les épouses qui le demandent beaucoup plus, disons à plus de 60%. C’est donc dire que la tendance au divorce est à la hausse».



Ainsi, il nous précise que selon l’article 352 de code de la famille, un époux peut demander le divorce en cas d’adulaire de l’autre, d’excès de sévices et injures graves de l’autre rendant la vie conjugale impossible, en cas de condamnation de l’autre à une peine affective et infamante, en cas d’alcoolisme invétéré ou de toxicomanie, de manquement à un engagement substantiel. L’épouse peut demander le divorce lorsque le mari refuse de subvenir à ses besoins essentiels comme la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux.

Après la loi, que disent les religions sur le mariage et le divorce ?

Témoignage de l’imam Tanapo de Djicoroni-para

A la grande mosquée de Djicoroni para, nous avons rencontré l’imam Souleymane Tanapo qui précise que, selon le Coran : «Le mariage est une exigence de la religion. Dieu a d’abord mis au monde Adam, puis Hawa. Lorsqu’Adam a tenté de toucher Hawa, il fut contraint par les anges, au motif qu’il n’avait pas avancé de dot. Après la célébration de leur mariage, 100.000 hommes sont venus sur terre avant la mort d’Adam».

«Dans la religion musulmane, pour se marier, il y a certains critères qui doivent être respectés à la lettre, nous précise L’imam Tanapo qui continue : «Dans la religion musulmane, avant de se marier, il faut savoir d’abord si les deux personnes sont de la même religion, s’assurer du consentement des deux parents de la mariée et de celui des deux témoins respectifs et savoir que la dot a été versée. C’est en ce moment qu’on pourra célébrer le mariage».

Mais pour le divorce, l’imam précise que chez Dieu il n’y a pas de divorce car Dieu a condamné le divorce. «Dieu dit d’aimer sa femme et la femme aussi doit aimer son mari, dans le respect et dans la convivialité, de ne pas écouter les on-dit car la femme est faite pour être soumise et son premier Dieu sur cette terre est son mari», souligne l’imam Tanapo.

Témoignage du pasteur Eno Koné de l’Eglise évangélique Assemblée de Dieu

S’agissant des chrétiens, le pasteur Eno Koné de l’Eglise évangélique Assemblée de Dieu révèle: «La bible dit dans la genèse 18 -24 qui parle sur l’idée du mariage entre Adam et Eve que «L’homme doit se multiplier et remplir la terre et aussi ne doit jamais rester seul». Le pasteur ajoute que Dieu a voulu que tous les hommes se marient dans l’amour car une fois mariés dans la religion chrétienne, les deux conjoints ne peuvent plus divorcer ni se remarier, sauf si la mort les sépare. Il continue ses propos en précisant qu’il n’y a pas de divorce dans la religion chrétienne car une fois qu’on est marié, c’est pour la vie. «Si tu divorces, tu commets un péché» précise-t-il.

Le pasteur souligne que le mariage n’est pas une invention scientifique car Dieu a ôté la femme d’une côte d’un homme. En effet, il rappelle que dans genèse 23-24, Dieu dit : «Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair! On l’appellera femme, parce qu’elle a été prise de l’homme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme et ils deviendront une seul chair».

Le mariage, fait pour toute la vie, devient aujourd’hui saisonnier pour les jeunes mariés. La question que l’on se pose maintenant : pourquoi le mariage n’est-il plus sacralisé ? Il est plus que nécessaire d’ouvrir le débat sur les causes du foisonnement des divorces.

Son mari revient avec cinq années d’abandon du domicile conjugal

A.C., mariée depuis plus de 45 ans, nous livre un témoignage sur ce qu’elle a vécu dans son foyer : «Je me suis mariée quand j’avais 15 ans et mon mari en avait 30. Après mon mariage, j’ai réalisé combien une femme pouvait souffrir. Une année après notre union, j’ai donné naissance à des jumeaux. Deux mignonnes filles. Après leur naissance, tout a commencé à changer dans mon foyer. Tout ce que je faisais, mon mari percevait cela mal. Quelque temps après, j’ai contracté une nouvelle grossesse. C’est en ce moment que tout a basculé. Le pire moment de ma vie de couple allait réellement commencer.

Au cours du premier trimestre de ma grossesse, mon mari a consulté une voyante pour connaître le sexe de l’enfant car en ce moment-là, il n’y avait pas d’échographie. Dès son retour de là-bas, il s’est mis à me battre jusqu’à casser un de mes bras. Tous les jours, c’était le même scénario. Dès qu’il me voyait, il commence à me frapper. Comme si cela, ne lui suffisait pas, même le jour de mon accouchement, quand le travail commençait un peu tard de la nuit, je l’ai averti. Mais il ne s’est même pas donné la peine de me regarder ou de me parler. Ainsi abandonnée, c’est une voisine qui m’a amenée à l’hôpital et j’ai accouché d’un garçon. Quand il a entendu cette nouvelle, c’était le médecin après la mort car de retour de l’hôpital, il est parti de la maison. Je l’ai beau supplier, mais il est resté sur sa position et m’a rejetée.

Quand il est parti, je vendais des petits trucs et lavais les habits des gens pour pouvoir subvenir aux besoins de ma famille. J’ai élevé mes enfants toute seule dans cette situation. D’autres hommes me demandaient en mariage, mais je me considérais toujours comme une femme mariée car on était encore lié par les liens sacrés du mariage et j’avais toujours espoir de revoir mon mari un jour. 5 ans après, il est finalement revenu à la maison. Quand il a vu son fils, il s’est fondu en larmes et s’est agenouillé en nous demandant pardon à moi et mes enfants. Dès ce jour, on a commencé une nouvelle vie.

C’est pour dire tout simplement aux jeunes couples nouvellement mariés que la vie du foyer n’est pas toujours rose car il y a des hauts et des bas. Malgré les obstacles, on doit toujours être solide et prête à affronter toute épreuve. Toutes ces choses font partie de la vie d’une femme et que seul l’amour de sa famille peut aider une femme à surmonter ces épreuves. Donc il faut que les jeunes filles soient préparées pour le mariage et qu’elles sachent que c’est que du mariage. En présence de toutes sortes de problèmes, il faut qu’elles mettent dans leur tête qu’elles sont mariées et c’est pour toute la vie. Et pas question d’abandonner leur foyer.

Je dis à tous les jeunes mariés d’être patients car seule la patience paie. Si non, moi j’ai relevé mon défi et maintenant je suis heureuse dans mon foyer».

Avec son Malien de l’Extérieur, Awa a déchanté

L’expérience personnelle d’Awa Kamissoko, une jeune mariée de 5 ans, est aussi à méditer : «Mon mariage fut un mariage arrangé par mes parents. Mon mari vit en France et moi ici au Mali. Après notre mariage, j’ai fait six mois sans le voir. On ne parlait que par téléphone. Je lui demandais à chaque fois de venir pour qu’au moins nous puissions consommer notre mariage, mais il me disait à chaque fois ne pas pouvoir le faire et d’attendre l’année suivante, lors de son congé. J’avais accepté à cause du respect de mes parents. Lors de son congé, il était venu. Au début, nous vivions heureux, mais vers la moitié de son séjour, il avait commencé à changer. Il sortait chaque soir et tout ce que je préparais, il le critiquait.

A la fin de son séjour, j’avais l’impression que lui et moi vivions dans deux planètes différentes. Je supportais tout. Retourné en France, il ne m’appelait jamais, sauf si je lui faisais 10 à 15 appels en absence. Par surprise, un beau jour, il est revenu. Mais cette fois il donnait l’impression d’être déterminé à me faire partir de chez lui. Chaque jour, il me provoquait, m’insultait. Je ne disais rien car je connaissais son intention et je l’évitais. Mais au bout de 3 mois, je ne pouvais supporter davantage cette situation et c’était la bagarré entre nous deux, tous les jours. Les interventions des parents, des amis et même de l’imam de notre mosquée sont restées vaines et maintenant nous sommes dans la procédure de divorce devant le tribunal.

Tout ce que je peux dire aux jeunes filles, c’est ne pas se marier à la hâte. Ni par pression, ni par simple intérêt. Je leur dis de prendre tout leur temps avant de se décider car le mariage doit être unique et pour toute la vie».

Aïssatou Doumbia et Fanta Keïta (stagiaires)

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