Général (2 s) Vincent Desportes, ancien directeur du Collège interarmées de défense, professeur de stratégie à Sciences-Po et à HEC.
L’engagement militaire français est nécessaire. La France est aujourd’hui la seule à pouvoir réguler, un peu, le désordre du Sahel, et à limiter les flux de terroristes et de trafiquants, faute de quoi cette région deviendrait très vite une zone de non-droit d’où émergerait une menace grave pour notre sécurité. Il n’y a pas d’autre solution parce que personne d’autre au monde n’est en mesure de le faire à notre place.
Depuis les résultats acquis en 2013, la situation s’est plutôt dégradée, en particulier au Mali, où les forces de l’ONU sont régulièrement attaquées, et il est possible de mieux faire. Sur le plan de la méthode, l’organisation du G5 Sahel et le travail avec les pays subsahéliens sont une bonne chose pour que, à long terme, ces nations puissent assurer elles-mêmes le contrôle de la zone.
Pas assez de moyens
Par ailleurs, la France n’a pas déployé suffisamment de moyens dans la zone, en raison de leur insuffisance et de leur saupoudrage sur plusieurs théâtres d’opérations, en particulier au Moyen-Orient.
La question de la répartition de nos moyens militaires se pose donc, compte tenu du faible impact stratégique de notre déploiement militaire au Moyen-Orient. Nous avons peu de poids dans la conduite des opérations de la coalition en Irak et en Syrie et nous ne sommes pas présents à la table des négociations.
Le Sahel doit être la mission prioritaire parce que nous en sommes responsables et que c’est notre étranger proche. Contrairement à l’Afghanistan, c’est notre guerre, une action militaire dans la durée qui demandera d’accompagner les armées locales pendant très longtemps.
Le Sahel n’est pas seulement une menace, mais aussi un atout, une profondeur stratégique. Dans l’état actuel des forces armées françaises, il faudrait donc se concentrer sur ce théâtre. À long terme, il va falloir réinvestir dans notre défense à la hauteur des enjeux de sécurité.
Une solution politique
Enfin, l’engagement militaire au Sahel n’a pour objectif que de créer les conditions favorables à la mise en œuvre d’une solution politique. Le problème du Sahel, c’est l’explosion démographique et l’absence d’emploi. Il est temps de bâtir une véritable stratégie globale, aujourd’hui manquante, pour avancer simultanément sur trois lignes d’opération : sécurité, gouvernance et développement.
En Afghanistan, la coalition a dépensé en vain 1 000 milliards de dollars dont environ 800 milliards pour financer du kérosène et des bombes. Ce volet à construire ne peut être qu’européen, et le premier partenaire à convaincre, c’est l’Allemagne.