Ça n’est pas la première fois que l’homme a été malmené. Mais la fois d’avant, personne n’avait bronché ; il est vrai qu’en face, il y avait des islamistes.
Il est de bon ton aujourd’hui de sortir pour fustiger ceux qui ont osé lever la main sur les cheveux blancs d’un vieux comme Dioncounda. C’est même une obligation de ne pas le faire, c’est être un mufle. Pourtant en 2010, il avait été malmené encore plus gravement qu’aujourd’hui après le vote du code de la famille. En effet, qu’est-ce qui est plus pénible pour un individu donné: être tapé physiquement ou se faire dire que sa mère devait l’évacuer avec ses urines pour éviter de le mettre au monde ? Cela n’est qu’un échantillon de la cassette sortie, vendue et écoutée par tous les Maliens en 2010 après le vote par l’Assemblée nationale du fameux code. Dioncounda n’avait ni bronché encore moins démissionné. Et personne au Mali n’avait osé ou voulu tousser à cette occasion. On a fait comme si rien ne s‘était passé. Une femme députée, présidente de la commission loi de son état avait été elle aussi injuriée publiquement sous son pagne. Cela s’est passé au Mali. Personne n’avait levé le petit doigt et rien, absolument rien n’est arrivé à ceux qui ont fait ça. Au contraire. Pour quoi ? Par peur des barbus, pardi !
Après le tabassage du lundi 21, cela a été tout le contraire. Tout le monde y va de sa dénonciation, proclame son indignation et soutient que notre ‘’danbé’ interdit l’atteinte aux cheveux blancs (cheveux blancs que l’intéressé lui-même a farouchement répudié par ‘’haram’’).
Partout on jure les mains sur le cœur qu’on a jamais apprécié Dioncounda, qu’on ne fait pas de politique et qu’on est juste indigné par l’atteinte à nos valeurs ancestrales. L’Adema n’a jamais dépensé autant d’argent pour acheter les espaces sur les ondes de radios pour faire la promotion du nouveau produit Dioncounda, histoire d’atténuer l’aversion des Maliens à son encontre et préparer le terrain au ‘‘grand projet’’ en préparation, faire tomber le gouvernement. Les Maliens n’ont jamais autant téléphoné aux radios privées pour s’épancher sur la question et jamais animateur de radio n’a laissé l’antenne aux auditeurs pour dénoncer un acte. C’est la plus grosse unanimité de l’ère démocratique. Avec un passage obligé : dénoncer l’intolérable. Et cela n’est pas prêt de s’arrêter. Pour l’Adema, que d’aucun soupçonne d’avoir planifié le tabassage par calcul politique, c’est une aubaine et une riche ruche de miel à recueillir jusqu’à la dernière goutte. Mais aussi de donner l’occasion au partenaire Cedeao de jouer sa partition dans le projet commun.
C’est ainsi que Mohamed Bazoum, ministre nigérien des Affaires Etrangères et parlant au nom de la Cedeao, a fait une sortie très musclée et très coléreuse sur les ondes e la Bbc, le 24 mai dernier pour accuser ouvertement et violement le capitaine Sanogo d’être « hypocritement » responsable du tabassage de Dioncounda. Il a ajouté que l’armée aurait refusé d’obéir à ce dernier sur ordre du capitaine Sanogo. Bazoum a alors lancé des menaces ulcéreuses au chef du Cnrdre, « lui et les petits partis décadents qui l’accompagnent ». On a rarement vu un diplomate parler d’une façon aussi crue, aussi directe et aussi emportée. Le porte-parole de la Cedeao a révélé que pour sévir contre «ceux qui sont à l’origine de tous les problèmes que le Mali connaît aujourd’hui, les ministres des Affaires Etrangères de la Cedeao s’étaient déjà réunis le samedi 19 pour décider de l’envoi à Bamako des militaires chargés d’aller « combattre le capitaine Sanogo et les siens sans demander l’ avis du Mali.»
Il convient de noter ici le fait que le samedi 19, c’est le jour du début des deux jours de négociation qui a abouti à la signature du protocole d’accord par lequel le capitane accepte de laisser Dioncounda faire une année de transition et se retirer des affaires. Ce qui veut dire que la Cedeao ‘‘savait’’ déjà qu’il allait envoyer des gens frapper Dioncounda et avait donc anticipé le tabassage. A moins que ce soit un coup monté d’avance.
En ce qui concerne l’envoi, sans l’avis du Mali, des militaires combattre l’ex chef d’Etat ‘’qui refuse de partir réellement’’, il est permis de se demander s’il n’est pas remis à plus tard. Les déclarations du Premier ministre, qui est revenu, le samedi 26 de deux jours de périple à Ouaga puis à Abidjan le laissent entrevoir.