L’Afrique est indéniablement le continent dans lequel la moyenne d’âge des chefs d’Etat est de loin la plus élevée, faisant donc de la population africaine, la plus jeune de la planète (450 millions de personnes âgées de moins de 15 ans et environ 850 millions âgés de moins de 60 ans, soit près de 85% de sa population) des sujets dirigés par des chefs d’Etat les plus vieux au monde.
Le mal est si profond qu’il gangrène la quasi-totalité des partis politiques africains, majorité et opposition confondues.
Notre pays, le Mali, n’échappe pas à la règle. En effet, de l’ouverture démocratique, en 1992, à nos jours, le Mali a certes réussi des alternances démocratiques, souvent même enviées, mais sans jamais connaitre un renouvellement de son personnel politique.
Autrement dit, ce sont toujours les mêmes, de Alpha Oumar Konaré à IBK, en passant par Amadou Toumani Touré, qui sont encore là, et qui tiennent fermement la manette du pays, avec en toile de fond, un système de « passe-passe », genre « pousses-toi que je m’y mette, en attendant qu’on rebelote ensemble, peut-être sous un autre label politique » !
Pour ce qui concerne l’Afrique, et spécifiquement le Mali, l’alternance démocratique, selon certains analystes politiques, ne suffit plus, il faut aussi de l’« alternance générationnelle ». Un terme qui divise, car pour certains, ce concept est fondé quasiment sur une opposition entre jeunes et moins jeunes, ce qui n’est pas forcément le problème, qui se situerait plutôt en termes de renouvellement du personnel politique, un enjeu majeur pour nos pays.
Mais, pour qu’on puisse livrer bataille aux « vieux briscards » politiques qui font tout pour se maintenir, faudrait-il qu’il y ait des jeunes capables de relever le défi. Or, relever le défi, pour la jeune génération, doit commencer au sein des formations politiques. Autrement dit, les partis politiques doivent s’atteler à promouvoir de jeunes leaders auxquels la population pourra s’identifier plus aisément.
A défaut, il appartient aux jeunes de mener ce combat-là ! Mais, chez nous le plus souvent, on voit des jeunes inféodés, caporalisés, préparés financièrement pour mener le combat de la vielle-garde contre leurs pairs, perçus par leurs commanditaires caciques comme des « empêcheurs de tourner en rond », sans expérience politique. Pourtant, les jeunes émergent ailleurs dans plein d’autres secteurs, souvent avec une force et une capacité extraordinaires de mobilisation, mais dès qu’on entre dans l’arène politique, on se retrouve face à un blocus qui ne dit pas son nom.
Tous les jeunes leaders politiques maliens, de Housseini Amion Guindo à Moussa Mara, en passant Tiéman Hubert Coulibaly, Ousmane Ben Fana, Dramane Dembélé, Racine Thiam, et sur lesquels on avait nourri l’illusion de voir un jour pouvoir changer la donne, ont fini par capituler…
La situation est telle qu’on ne saurait parler d’alternance, ni démocratique, ni générationnelle en 2018, et quel que soit le vainqueur de cette échéance qui pointe à l’horizon, que ce soit IBK ou Soumaïla Cissé ou encore Modibo Sidibé! Si bien que nous assistons au Mali à une situation inédite, faite d’incertitude et de désespoir qui, malgré sa délicatesse, offre pourtant une opportunité exceptionnelle propice à un changement générationnel au sommet du pouvoir d’Etat.
Mais vu que ceux-là en qui nous avions porté espoir ont échoué, il nous faudra patienter encore, le temps de voir d’autres jeunes plus ambitieux et politiquement engagés, prêts à mener une politique de l’action face à la démystification du discours politique classique actuel, auquel les Maliens ne croient plus vraiment d’ailleurs.
L’enjeu, à analyser les choses sous ce prisme, va au-delà de la seule question de gestion de pouvoir d’Etat, pour atteindre la classe politique dans son ensemble. En effet, le renouvellement du personnel politique concerne aussi les partis politiques, de quels que bords qu’ils soient.
Cela est d’autant plus vrai que très peu de « présidents fondateurs » de partis sous nos tropiques, ont accepté d’eux-mêmes de céder la place à d’autres, à fortiori les jeunes. On a comme l’impression qu’un parti politique au Mali est une entreprise familiale, créée par son fondateur dans le seul but d’y rester « président à vie » !
Les partis politiques maliens doivent donc faire d’une priorité, la promotion des jeunes en leur sein, à défaut, ceux-ci doivent, en tant que couche majoritaire, et certainement celle qui mobilise le plus, en imposer aux partis.
Le contraire serait de s’accrocher à une idée chimérique de croire que les « vieux briscards » le feraient de leur plein gré, face à des intérêts particuliers aussi variés qu’inavoués. C’est dire finalement que le renouvellement du personnel politique, ou encore l’alternance générationnelle, ne se décrète pas. Ça se forge…Aux jeunes politiques maliens d’aller à la conquête de leur droit légitime, d’accepter de se former et de s’assurer de leur représentativité politique. Autrement dit, ils doivent, en plus des compétences, avoir des bases acquises à leur cause et avoir des idées novatrices, pour espérer émerger.
Housseini Traoré