Me TAPO, Ministre des droits de l’homme et de la réforme de l’Etat nous disait « qu’il nous faut un Etat moderne, avec une gouvernance démocratique et performante et qu’il va reprendre le projet d’abolition de la peine de mort… »
C’est en ces termes que Me TAPO compte baliser son programme de travail .Il l’a annoncé à la presse nationale dans une interview exclusive. Ce challenge n’est pas sans conséquence sur le climat social au Mali à cause de l’opposition des religieux durant une législature toute entière (2007-2013). Vouloir donc s’exprimer en ces termes sur un sujet aussi perturbateur que sensible sur le climat social, il faut être vraiment un existentialiste pour affronter les adversaires qui ont fait tomber plus d’un régime (celui d’ATT) et contraindre un Ministre à renoncer à ses engagements officiels. Qui est donc cet homme à l’allure d’un Jules CESAR qui aime l’ordre et la méthode ? Qui est-il en définitive ?
Me Kassoum TAPO est désormais le nouveau Ministre en charge des Droits de l’Homme et de la Réforme de l’Etat du gouvernement Abdoulaye Idrissa MAIGA. Né le 11 novembre 1956 à Mopti, Me Kassoum TAPO a fait ses études supérieures entre 1974 et 1976 à la Faculté de droit et de lettres de Nice (France). Après, il ouvre un cabinet d’avocat à Paris, avant de rentrer en 1989 au Mali. Il est élu en 1995 bâtonnier de l’ordre des avocats du Mali et est chargé par le Président de la République Alpha Oumar KONARE de diriger la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) lors des élections de 1997. Pour le compte de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), il participe comme observateur à plusieurs élections en Afrique et en Haïti. En 2001, il coordonne la campagne du candidat Amadou Toumani TOURE à l’élection présidentielle. En 2002, il est élu député de Mopti et devient Vice-président de l’Assemblée Nationale. Kassoum TAPO milite activement depuis longtemps pour l’abolition de la peine de mort au Mali. Il a été on ne peut plus clair dans l’interview relative à l’abolition de la peine de mort qu’il a accordé aux medias, il a aussi fait allusion aux adversaires de ce projet en ces termes :« Je suis un militant de l’abolition de la peine de mort. Depuis 2000, j’avais déjà invité Robert BADINTER, qui a fait abolir la peine de mort en France, à Bamako pour un colloque. Etant député, j’avais initié une proposition de loi et je crois que le gouvernement même, dans la dernière législature, avait déposé un projet d’abolition de la peine de mort. Je crois que très bientôt je vais reprendre ce projet et surtout discuter avec les acteurs intéressés autrement dit, ceux qui semblent s’opposer à cette abolition. C’est un combat d’arrière-garde. En abolissant la peine de mort, nous allons donner au Mali sa place dans le concert des grandes nations démocratiques. Je vais m’atteler à prouver à ceux qui s’y opposent que la peine de mort dans le code pénal n’a rien à voir avec la peine de mort issue de la Charia qui, d’ailleurs, ne s’applique pas au Mali. Nous sommes un pays laïc. Je vais reprendre le débat pour montrer pourquoi aujourd’hui le Mali doit abolir cette peine qui n’a pas été appliquée depuis plus de trente ans ».
En effet la peine de mort a une histoire qui vaut la peine d’être connue.
« J’ai l’honneur au nom du Gouvernement de la République Française de demander à l’Assemblée Nationale l’abolition de la peine de mort en France ».
Cette phrase prononcée deux jours avant, a abouti au vote de cette loi le 18 septembre 1981 par 363 voix contre 117 après un débat très animé. Le Maitre d’œuvre de cette abolition a été le Ministre français de la justice, garde des sceaux Monsieur Robert BADINTER. Douze jours plus tard, le texte a été voté dans les mêmes termes par le Sénat Français par 160 voix contre 126. Ce vote a été l’aboutissement d’un long combat mené depuis deux siècles par la cohorte de ceux qui dans les enceintes parlementaires, dans les prétoires ou dans leurs écrits ont défendu la cause de l’abolition devant une opinion réticente, voire résolument hostile. Fidèle à sa promesse de campagne François Mitterrand, dès sa prise de fonction a demandé au garde des sceaux, Robert BADINTER de préparer un projet de loi dans ce sens. La procédure a été conduite avec une exceptionnelle célérité : passage en conseil des Ministres le 26 août 1981, adoption par la commission lois le 10 septembre, examen en séance publique et adoption par l’Assemblée Nationale les 17 et 18 septembre. Le 10 décembre a été décrété par les Nations-Unies journée internationale des droits de l’homme. Depuis 2007, la même journée est dédiée à la lutte contre la peine de mort célébrée dans plus de soixante pays dans le monde.Me TAPO sait que ce sont toujours les grands hommes qui font l’histoire. Pour cela, il faut avoir de l’ambition pour le pays et personnellement avoir de l’audace. Ces deux qualités ne le manquaient pas jusque-là. N’a-t-on pas l’habitude de dire que celui qui veut écrire l’histoire ne s’intéresse pas aux faits divers. Mais ce qui nous fait craindre dans la mise en œuvre de ce projet, c’est le volte-face de son mentor IBK. Ce dernier a toujours été du côté des premiers dirigeants sunnites du Haut Conseil Islamique du Mali. Ceux-ci ont prouvé plus d’une fois qu’ils sont intraitables sur certaines questions sociétales notamment le code de la personne et de la famille voté en juillet 2009, mais non promulgué sans sa forme acceptée par les députés.La loi sur le quota de 30% sur les listes électorales et dans les fonctions administratives a fait son parcours de combattant avant d’être voté par l’Assemblée Nationale. C’est donc, vous dire que si Me TAPO, parvenait à faire voter cette loi, qu’il va certainement rentrer dans l’histoire des droits de l’homme au Mali, au même titre que Badinter en France. Le chemin qui le conduira à ce statut est parsemé d’embuches. Il le sait et se prépare en conséquence. Comme le disait le Président Laurent BAGBO lors de la campagne présidentielle de 2010, que « devant c’est maïs ». Ce n’était pas le cas, car il a perdu ce combat en avril 2011 pour se retrouver à la CPI.
Badou S KOBA