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L’horizon compromis de la force « Barkhane » au Mali
Publié le jeudi 11 mai 2017  |  Le monde.fr
Arrivée
© AFP par STEPHANE DE SAKUTIN
Arrivée du Président de la France à Gao en marche du 27è Sommet Afrique France
Arrivée du Président de la République Française, François Hollande à Gao le Vendredi 13 Janvier 2017 en marche du 27è Sommet Afrique France qui se tient à Bamako.
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Selon Yvan Guichaoua, Paris met son veto aux négociations que les autorités de Bamako tentent de mener avec les djihadistes maliens pour sortir le pays de la crise.

En visite à Gao, au Mali, le 13 janvier, tout juste quatre ans après le déclenchement de l’opération « Serval », depuis transformée en déploiement « Barkhane » dans le vaste espace sahélo-saharien, François Hollande déclare aux soldats français sur place : « Nous le savons tous, les terroristes qui attaquent notre propre territoire, qui agissent sur notre propre sol, sont liés avec ceux qui sont au Levant, en Irak et en Syrie mais aussi ici, dans la bande sahélo-saharienne. (…) C’est le même combat, c’est le même enjeu. »

Cette manière de justifier la présence militaire française au Sahel a quelques présupposés hautement discutables pour ce qui concerne le Mali (et vraisemblablement d’autres parties du globe). Elle sous-entend l’existence d’une menace globale et coordonnée. Elle évacue tout questionnement au sujet des cibles : tout se passe comme si une pathologie exogène infectait un corps politique sain choisi au hasard.

Le clivage mis en exergue est binaire, la pathologie uniforme. Enfin, cette représentation de la crise contient par construction son mode de traitement : « On ne négocie pas avec les terroristes. » Postuler l’uniformité de la menace, c’est justifier l’uniformité de la réponse : la force est le seul mode opératoire approprié. Attacher le label « terroriste » à son ennemi, c’est disqualifier par avance la possibilité d’un dialogue avec lui.

Le paradigme du contre-terrorisme

Aucun des postulats mentionnés ci-dessus ne va de soi dans le contexte malien. Or mal énoncer le problème, c’est risquer d’y apporter des réponses inappropriées. S’entêter dans le paradigme du contre-terrorisme comme mode principal de résolution de la crise malienne a de fortes chances de mener vers une polarisation explosive du paysage politique. Au contraire, requalifier la crise malienne au plus près de ses enjeux immédiats permet d’entrevoir les espaces dans lesquels la paix peut, éventuellement, s’insinuer.

Un fait majeur s’est produit il y a quelques semaines au Mali : la recomposition, officialisée par une vidéo, de différents mouvements djihadistes autour d’un chef touareg originaire de la région de Kidal, Iyad Ag-Ghaly. Depuis la publication de cette vidéo, il ne se passe guère de jour sans qu’une attaque meurtrière dans le nord ou le centre du pays ne soit revendiquée par la nouvelle entité djihadiste, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. L’année 2016 fut très mauvaise sur le plan des violences politiques au Mali. L’année 2017 ne s’annonce guère meilleure.

L’idiome qu’utilise Iyad Ag-Ghaly dans sa vidéo de promotion est très explicitement celui du djihad global. L’allégeance aux grandes figures d’Al-Qaida est proclamée. Un djihadologue patenté y retrouvera des figures de style familières. Le djihad global n’est pas un simple vernis rhétorique. L’inscription de la lutte d’Iyad Ag-Ghaly et des siens dans ce mouvement transnational a des implications idéologiques claires, dessine les contours d’une offre de gouvernance identifiable (testée temporairement pendant l’occupation du nord du Mali par la coalition islamiste en 2012), désigne des ennemis, façonne un art de la guerre particulier, permet des transferts de technologie guerrière et ouvre les portes de réseaux de soutien étendus.

Ancrages communautaires

Mais la djihadologie « par le haut » n’épuise pas l’analyse des choix stratégiques et tactiques du mouvement armé qu’a fondé Iyad Ag-Ghaly, pas plus qu’une nouvelle identité djihadiste n’annule automatiquement les formes de socialisation antérieures des néo-moudjahidines. Les commandants et les combattants de ce mouvement armé sont, dans leur très grande majorité, extraits du contexte sahélien, lieu d’enjeux religieux et politiques spécifiques.

Les chefs emblématiques du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, Iyad Ag-Ghaly et Hamadoun Koufa, sont respectivement touareg et peul. Le tour de table de la vidéo qui entérine la naissance du mouvement était aussi formé d’Arabes. Cette diversité communautaire unie sous la bannière du djihad n’échappe à personne au Mali. Jusqu’à récemment, Iyad Ag-Ghaly et Hamadoun Koufa étaient connus comme porte-drapeaux de leur communauté respective. Le premier s’est battu dans les années 1990 au nom du séparatisme touareg et fut un intermédiaire incontournable entre autorités centrales et séparatistes touaregs. Le second, doté surtout de capital religieux plutôt que combattant, prêchait encore il y a deux ans le retour de l’ordre théocratique peul du Macina, en référence à l’empire du même nom créé au début du XIXe siècle.

Ces ancrages communautaires ne sont que partiellement reniés par les deux hommes au profit du djihad. Surtout, ils offrent à l’organisation djihadiste un environnement relativement protecteur et informent les choix de ceux qui la rejoignent. C’est dans la zone de Kidal dont il est originaire qu’Iyad Ag-Ghaly opère et recrute, tandis que Hamadoun Koufa en fait autant dans le Macina.

Dégoût à l’égard des élites corrompues

Au centre et au nord du Mali, chaque communauté, possiblement chaque famille, fait ainsi face au départ des siens vers la rébellion islamiste. Cette rébellion séduit ceux qui ont des comptes à régler avec le statu quo. L’ordre rejeté peut être local, fait de hiérarchies communautaires excluantes ou d’inégalités d’accès aux ressources naturelles, etc.

Il peut aussi être national : défiance à l’égard des forces de l’ordre, dégoût à l’égard d’élites corrompues. Le djihad procède par percolation, dans des sociétés fracturées et violentes, comme le montrent à l’échelle du centre du Mali un rapport récent du Centre pour le dialogue humanitaire ou, à une échelle plus vaste, les travaux comparatifs de l’International Crisis Group. Le djihad ne prospère pas au hasard, contrairement au portrait paresseux qu’en fait François Hollande. Il émerge dans les espaces où aucune forme de gouvernement légitime ne prévaut. Ces espaces abondent au Mali, dont les autorités ont fait de l’instrumentalisation de milices communautaires un mode privilégié de gouvernance du nord du pays depuis de nombreuses années.

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