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Ibrahim Boubacar Keita (IBK) : L’autopsie de la chute brutale d’un chef d’État populiste
Publié le vendredi 12 mai 2017  |  Nouveau Réveil
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© aBamako.com par A.S
Lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita
Bamako, le 11 juin 2015, le CICB a abrité la cérémonie de lancement des festivités du centenaire du Président Modibo Keita, c`était sous la Haute présidence de SEM, Ibrahim Boubacar KEITA
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Le Président Ibrahim Boubacar Keita (IBK) avait entamé son mandat sous de bons auspices. En osmose totale avec un peuple qui, en le plébiscitant en 2013, signifiait son rejet de la classe politique d’alors, accusée de tous les péchés d’Israël. Entre populisme et culte de personnalité, comment le président malien en est-il arrivé à scier graduellement ce solide atout sur lequel reposait son ascension fulgurante à la magistrature suprême, il y a quatre ans ?

IBK avait bien commencé. Technocrate bon teint, intrépide homme de développement, président visionnaire, volontariste, pragmatique et ambitieux. Il en a fait rêver plus d’un avec son credo de changement et du « Mali d’abord », marqué par des actions fortes à l’entame de son premier quinquennat. Redressement éclair de l’économie nationale, extinction de plusieurs crises sociales de l’ère ATT et de la transition, ouverture de plusieurs chantiers d’infrastructures, grande croisade contre la corruption et la mal gouvernance, visites surprises dans les entreprises et administrations publiques, etc.



Le peuple, sorti de dix ans du régime ATT marqué par une crise de confiance aiguë avec l’élite politique, croit enfin trouver le messie. Les cadors de la vieille garde politique, dépassés par les événements, ont dû jeter l’éponge pour accrocher leur destin au train à grande vitesse du « Mali d’abord ». Oumar Mariko du parti SADI, Moutaga Tall du CNID, Blaise Sangaré de la CDS, Housseyni Amion Guindo dit Poulo de la CODEM et des caciques de l’ADEMA-PASJ, tous avaient porté l’homme du « Mali d’abord » pour l’installer sur le fauteuil du palais de Koulouba avec 77% des suffrages exprimés au second tour de la Présidentielle du 11 Août 2013. Le Mali tout entier avait jubilé, convaincu d’entrer dans une nouvelle ère de gouvernance. Hélas !

Les premiers faux pas

La lune de miel n’a duré que l’instant d’un feu de paille. La côte de confiance entre le chef de l’État et son peuple s’est sérieusement rognée au fil des jours. Le président Kankélentigui (homme à poigne) ayant très tôt fait l’option tout aussi surprenante que suicidaire, de se muer en un redoutable animal politique, prêt à en découdre avec tous ses adversaires, réels ou supposés. Grisé par des performances économiques spectaculaires en début du premier mandat, le président malien ouvre les vannes du trésor public en prenant soin de nommer au préalable, Mme Fily Bouaré, une ministre des finances trop fragile à ses yeux pour servir sa nouvelle cause. La pègre aux aguets s’engouffre dans ce boulevard désormais ouvert pour renouer avec les pratiques peu orthodoxes d’antan. Achat de l’avion présidentiel, marché d’équipements militaires, engrais « frelatés », machines agricoles, logements sociaux, etc. Le régime IBK s’embourbe progressivement dans des scandales en série qui ternissent en un temps record, l’image du changement. Cerise sur le gâteau, l’affaire supposée ou non jamais élucidée de blanchiment de capitaux de 700 millions FCFA de la part de Dramane Dembélé, ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme d’alors, a creusé le fossé. Un profond désamour s’installe entre le peuple et son président, aidé par une machine politique à tout broyer.

La Convention de la majorité présidentielle (CMP), une machine contre productive

La création de la Convention des partis politiques de la majorité présidentielle (CMP), à la veille des législatives, est un tournant tout aussi décisif dans la conduite des affaires à l’ère du « Mali d’abord ». Ragaillardi par les succès électoraux de cette alliance acquise à sa cause, IBK a tôt fait de se voir planer au firmament du Mali, seul maître à bord du jeu politique. Culte de personnalité à travers des marches de soutien, prêches et prières de remerciement de ses laudateurs promus, IBK tombe fatalement dans le populisme. Sans sourciller, il accapare un à un les principaux leviers de l’État en mettant sous coupe réglée, la plupart des institutions démocratiques. La machine CMP, plus préoccupée par sa survie politique et ses intérêts partisans que par le succès de son leader, enchaîne marches de soutien, prières au chef de l’État, attaques aux adversaires…, dans une salve d’éloges et d’applaudissements qui rappellent certains régimes populistes de triste mémoire. Les appels à la raison de leaders religieux et politiques, les tentatives de résistance de l’Assemblée Nationale n’y ont rien pu. IBK, avec la complicité de sa machine CMP, s’éloigne progressivement du « Mali d’abord », puis de son propre changement et des desideratas de son peuple. Baignant dans une autosatisfaction totale et devenu sourd aux cris de détresse d’un peuple qui a désormais de la peine à reconnaître son président, le chantre du changement et du « Mali d’abord » multiplie les remaniements ministériels et autres nominations au gré de ses humeurs, préférant les laudateurs CMP, aux cadres compétents qui font la gloire et l’efficacité de son régime. Décisions controversées, rétropédalages, discours peu républicains, tensions permanentes… meublent désormais le quotidien des Maliens. Ce climat délétère est corsé au passage avec d’autres rocambolesques affaires qui portent un seul nom. IBK, grand amoureux de la télévision transforme la chaîne publique de télévision ORTM en une caisse de résonance, reconnue sous le vocable « IBK-TV » et diffusant à longueur de journaux télévisés les logorrhées du Chef de l’État. Il n’en faut pas plus pour dresser l’opposition politique contre cette télévision d’État à vocation de service publique.

Le dossier Tréta, un piège sans fin

Le magnat secrétaire général du RPM, devenu président du parti, le Dr Bocary Tréta s’est déjà fait signaler lorsqu’IBK était à la quête du pouvoir. Les indiscrétions font état de ce que c’est le sémillant cadre du RPM qui a sorti le chéquier ayant réglé la note salée du ralliement de la classe politique d’alors à travers l’alliance IBK-2012 à Ibrahim Boubacar Keita pour le second tour de la Présidentielle de 2013. Une affaire de livraison d’engrais « frelaté », qui, de l’avis du gouvernement, avait plutôt contribué à prolonger le coma de la filière coton, est à l’origine des premiers malentendus entre IBK et son ex-ministre du Développement Rural, le Dr Bocary Tréta. C’est le premier épisode de la fin de l’idylle entre IBK et l’un des principaux artisans de son accession au Palais de Koulouba. Une crise de confiance qui finit par pourrir les relations entre les deux hommes, notamment avec les dossiers de détournement des subventions d’intrants, et la surfacturation des 1000 tracteurs. Pour la première fois, le redoutable mécène politique était sur le point de goûter aux délices des barreaux, accusé de vouloir faire échouer l’économie nationale. Le divorce atteint finalement son pic avec les yeux de Tréta pour la Primature et le message annonçant IBK pour mort, qui ont conduit les deux amis d’hier à la porte du non retour. Ayant perdu toute confiance en son entourage, IBK finit par radicaliser son régime et se met à dos, nombre de ses collaborateurs et soutiens qui n’hésitent guère à se jeter dans les bras de son ennemi, l’ADP Maliba qui poursuit de débaucher dans les rangs du parti présidentiel. En face, IBK sort le grand jeu. Mais à quel prix ?

Le choix de Modibo Keita à la Primature, la goutte d’eau de trop !

En portant à la surprise générale, son choix pour la Primature, sur le grand commis de l’État, IBK croyait sans doute résoudre l’équation Tréta, mais aussi le casse-tête chinois qu’il avait à trancher entre une multitude de candidatures RPM pour la Primature qui menacent la cohésion et la discipline qui ont toujours fait la force de son régime. Mais en réalité, IBK s’est tiré une balle dans les pieds, en prévision de la présidentielle de 2018 qui s’annonce des plus rudes. Il a surtout péché par excès de confiance, en minimisant la capacité de nuisance de ses anciens alliés et surtout le courroux d’un peuple qui l’attendra de pied ferme dans les urnes. En effet, la quasi-totalité des ténors du RPM dont Bocary Tréta, ont du mal à avaler cette pilule (le refus de la Primature au RPM, au moment opportun). Même s’ils adoptent différentes postures pour exprimer leur déception. In fine, c’est un attelage cauris en lambeaux, rouillé et dépouillé de ses pièces maîtresses qui finit par rallier, non sans rechigner, ce choix insolite (Modibo Keita) d’IBK pour le contrôle de la Primature. En bloc, une terrible humiliation pour le président IBK qui a fait du choix de l’homme pour la primature, son challenge personnel.
Ainsi s’annonce la fin du quinquennat du président IBK. Aujourd’hui, l’épilogue est peu glorieux pour le président IBK et il est incontestablement, l’homme prodige du Mali qui aura été l’un des plus grands bourlingueur du Mali depuis les indépendances. Mais hélas, un homme qui, avec un style de management politique enclin à l’autoritarisme, s’est délibérément et inutilement mis à dos ses propres soutiens. Lesquels s’apprêtent aujourd’hui à chanter à cœur joie, le requiem de ces quatre ans passés à la tête du Mali. De son élection à aujourd’hui, IBK n’a pas connu le sommet de la gloire. Mais, il a aussi touché le plafond du déshonneur. Dans un pays visiblement plus jaloux de sa démocratie que de son progrès. Le passage d’IBK au pouvoir, est en soi, une véritable leçon de vie. Mais l’homme saura t-il en tirer de précieuses recettes pour l’avenir ?

Jean Pierre James

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