L’élection présidentielle de 2018 approche à grands pas et les états-majors politiques s’activent. Le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, sera, sauf changement inattendu de dernière minute, candidat à sa propre succession.
Lors d’une conférence de presse animée jeudi 22 décembre 2016, Bocary Tréta, président du Rassemblement pour le Mali (RPM), a d’ailleurs déclaré que ce parti « fera réélire IBK malgré tout ce que les gens disent et sans l’aide de qui que se soit ». Conformément à cet engagement, le RPM travaille à préparer le terrain pour son champion.
L’ADEMA dit non
C’est dans cette optique que le RPM a convoqué, il y a quelques mois, une réunion de la Convention de la Majorité présidentielle (CMP).Lors de cette rencontre, le RPM, par la voix de son vice-président Boulkassoum Haidara, propose à ses alliés de soutenir tous ensemble la candidature d’IBK à la présidentielle. Refus catégorique de l’ADEMA. Cette formation, deuxième force électorale de la CMP, a fait savoir qu’elle ne saurait décider sans consulter sa base. D’autres formations membres de la CMP (« Yelema » de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, par exemple) s’engouffrent dans la brèche ainsi ouverte pour refuser de promettre leur soutien au futur candidat IBK.
Afin de contourner l’obstacle tout en maintenant l’objectif, le RPM propose, lors d’une seconde réunion, que la CMP accepte le principe d’un candidat unique de la mouvance présidentielle, que ce candidat soit IBK ou un autre. L’astuce ne fonctionne pas car tout le monde comprend sans difficulté que le candidat unique en question ne peut être que le chef de l’Etat sortant. Par conséquent, l’ADEMA oppose à la proposition le même refus qu’auparavant.
Consultée officiellement le 25 mars 2017, la conférence nationale, instance suprême de l’ADEMA entre deux congrès, décide sans surprise que l’ADEMA présentera bel et bien à la présidentielle un candidat issu de ses propres rangs. La conférence instruira même au Comité exécutif d’engager le processus de sélection dudit candidat. C’est sur ces entrefaites que le gouvernement Modibo Kéita démissionne. Le cas ADEMA revient naturellement sur le tapis…
Ultimatum aux ministres
Malgré la décision prise par la 15ème conférence nationale de l’ADEMA, les proches d’IBK ne désespèrent pas de rallier ce parti à la candidature du chef de l’Etat. Ils partent d’uncalcul simple: l’ADEMA n’a jamais craché sur un morceau de pain et a fait toute la preuve de sa vocation alimentaire. Il suffira donc de confier à certains de ses responsables des ministères juteux pour que ces responsables puissent inverser les choix du parti en faveur d’IBK. C’est pourquoi, loin d’être exclu du nouveau gouvernement dirigé Abdoulaye Idrissa Maiga, l’ADEMA se taille une part appréciable :
-le ministère du Commerce confié à Abdel Karim Konaté, premier vice-président de l’ADEMA ;
-le ministère de l’Aménagement du territoire et de la population confié à Adama Tiémoko Diarra, secrétaire politique de l’ADEMA ;
-le ministère des Mines confié à Tiémoko Sangaré, président de l’ADEMA.
Selon nos sources, Tiémoko Sangaré et les autres ministres ADEMA ont reçu un véritable ultimatum du RPM: soit ils ramènent l’ADEMA dans le « droit chemin » avant six mois et alors, ils gardent leur portefeuille au gouvernement avec la promesse d’y rester après 2018 ; ou bien ils échouent à imposer leurs vues au parti, auquel cas ils seront considérés comme ennemis et renvoyés de l’équipe gouvernementale.
Réussiront-ils leur mission ? Nul ne le sait. Cependant, la tâche s’annonce difficile. « L’ADEMA n’a rien gagné à accompagner IBK », souligne un haut responsable du parti qui indique que les cadres du parti font l’objet d’une chasse dans l’administration publique. Un autre responsable juge qu’un parti aussi grand que l’ADEMA doit absolument présenter son propre candidat en 2018, quitte, en cas d’échec, à rallier l’un des candidats finalistes au second tour du scrutin. A la question de savoir si la voix des ministres pèse déjà plus lourd que celle des autres membres du Comité Exécutif, une source nous répond que les cadres du parti ne reçoivent aucun subside de Tiémoko Sangaré décrit comme très pingre. Le même interlocuteur nous confie que « même hors de tout poste public, certaines voix au sein du parti sont audibles car elles disent une évidence: l’ADEMA n’a jamais été associé aux prises de décision par Koulouba ».
Autres loups aux dents longues
L’ADEMA n’est d’ailleurs pas le seul parti qui rêve de s’émanciper. Depuis son départ de la primature, Moussa Mara bat campagne avec un but évident : conquérir Koulouba en 2018. Mara sillonne le monde entier pour parler de sa vision politique et sa cible de prédilection n’est autre que les imams, base électorale d’IBK. Personne ne doute que Mara sera candidat en 2018.
Dr Oumar Mariko, le leader de SADI, n’a jamais fait vraiment partie de la CMP même s’il s’est longtemps déclaré partisan du chef de l’Etat. Ces derniers temps, Mariko a carrément rompu les amarres avec le pouvoir qu’il ne se gêne pas de critiquer dans les médias. Sa candidature ne fait pas de doute en 2018.
Un autre candidat potentiel n’a pas encore dévoilé ses cartes: Housseini Guindo, le leader de la CODEM, 3ème force de la CMP. On en saura davantage sur ses intentions après le congrès de la CODEM qui s’est ouvert le samedi 13 mai 2017 à Bamako.
En tout cas, à l’ADEMA comme chez d’autres alliés du RPM, un discours revient souvent : la CMP aurait été créé pour soutenir l’action du président IBK sous son 1er mandat et non pour soutenir sa candidature pour un second mandat.