« Je suis ici chez vous. Et c’est à moi de défaire la gloire de ce pays. Je le bâtirai à l’image de Satan. Il sera le plus faux, le moins chaud. Une terre de rejet, d’inhospitalité, d’inhumanités. Une terre de divisions. Ma chère patrie, je ferai de toi la moins enviée du monde ». Méchant ce rappeur qui a déformé le poème poignant de Sogoba mis en voix par quelqu’un qui a eu le bon goût de se tirer bien des années plus tôt – le veinard !
Aussitôt déclamé, aussitôt fait. Et vite fait, comme si c’était écrit. Les briques de l’édifice sont tombées les unes après les autres découvrant une structure en cellophane. La vitrine chantée partout a explosé en plein jour et au lieu de recoller les morceaux, chacun prend qui il peut et cherche à lui entailler les veines. Pourtant tout le monde nous aime. Les Français, les Tchadiens, les Nigérians, les Sénégalais, les Ivoiriens, les Burkinabe et tous les autres. Le seul problème du pays, ce sont ses propres nationaux. Au point que je suis tenté des fois de demander l’asile politique au Gondwana. Où tout est plus clair car là-bas la norme, les valeurs, les références et la loi, c’est Président-Fondateur. Lui seul et personne d’autre. Mais faut pas que le descendant de jihadistes que je suis se mêle des affaires locales. Ce n’est pas que j’ai peur hein. D’ailleurs les anciens de l’Uneem me connaissent ; comme la plupart d’entre eux qui se tapent la poitrine après avoir vécu sous le lit pendant les moments chauds, j’ai fait moi aussi la prison à Menaka, Bougheissa et Taoudenit. Si je me retiens, c’est parce qu’il ne faut pas que le personnel du Républicain ne soit obligé de tenir ses réunions de rédaction à Bamako-Coura.