Comme attendu, depuis le premier tour de la présidentielle française, c’est Emmanuel Macron qui sort vainqueur avec 66,10%. Il fallait s’y attendre d’ailleurs avec les nombreux soutiens visant tous à barrer la route à Marine le Pen. De ce point de vue, Emmanuel Macron apparaît comme le ‘’vainqueur par défaut’’. Presque tous les candidats ayant appelé à voter Macron l’ont fait par dépit, n’ayant pas d’alternative. C’est pourquoi, le score élevé obtenu par Macron ne reflète en rien les convictions des Français en sa personne, mais plutôt en certaines valeurs dites ‘’républicaines’’. Aussi, si l’on veut être objectif, on peut dire qu’en terme de légitimité – et non de légalité – le suspense reste entier ; d’aucuns diraient même qu’elle serait du côté de le Pen dont le score honorable reflète au moins les convictions profondes d’une grande majorité de Français. Contrairement à Macron dont le score n’est qu’une addition de tendances aussi disparates que dépourvues de réelles convictions. Comme toujours le Front National a été diabolisé. Venant des Français et des Européens, cela est compréhensible puisque Marine le Pen a clairement exprimé son intention de quitter la maison européenne. L’Union Européenne lui en voulait aussi pour sa ‘’proximité’’ avec la Russie de Poutine. Il est d’ailleurs assez probable que le complot monté contre le premier favori de cette présidentielle, en l’occurrence François Fillon, vienne aussi de la position conciliante et réaliste de ce dernier vis-à-vis de Poutine et de sa politique en Syrie. Fillon avait clairement exprimé sa préférence de la politique de Poutine qui est d’abord de lutter contre l’ennemi n°1, à savoir le terrorisme, avant de chercher vaille que vaille à renverser Bachar el Assad. Cette position n’était pas du goût de François Hollande ni de l’ex président américain, Obama. Poutine ayant mis en échec la politique de ces deux présidents aveuglés par leur haine d’Assad, tout candidat soutenant une positon quelconque de la Russie devenait systématiquement une cible à abattre des systèmes américain et français. Si l’on ajoute à cela la déroute d’Hilary Clinton, semble-t-il suite à l’implication des Services secrets russes, on peut facilement comprendre que Barack Obama, qui s’était promis de se venger de Poutine, ait publiquement soutenu Macron. C’était assez singulier pour être signalé de la part d’un ancien président des Etats-Unis. Cette sortie hasardeuse d’Obama est à mettre dans la haine qu’il nourrit contre Poutine, mais aussi dans le cadre du lobby juif. Sur ce dernier point, l’on sait que les le Pen n’ont pas une bonne réputation auprès du milieu juif et israélien, notamment depuis que Jean Marie le Pen a déclaré que « les chambres à gaz n’étaient qu’un détail de la seconde Guerre mondiale ». Quant à Obama, certains lui attribuent aussi une ascendance juive, du côté de sa mère ; ce qui n’est pas dénué de sens pour qui sait qu’aux USA, on devient difficilement président si on n’a pas une origine juive ou si on n’est pas soutenu par le légendaire lobby juif. Une des explications de l’accession d’un Américain Africain à la Maison Blanche était donc qu’Obama aurait une origine juive. Cela reste encore à démontrer ; ce qui est certain, en revanche, est que, comme tout chef d’Etat américain, son soutien à Israël était et reste inconditionnel. En somme, les deux candidats proches idéologiquement du Kremlin ont été combattus par Hollande, Obama, toute l’Union Européenne et leurs alliés. Surmonter tous ces obstacles relèverait aujourd’hui du miracle de la part de François Fillon et de Marine le Pen.
Pour revenir à Marine le Pen, la position des Français et des Européens est fort compréhensible. En revanche, cela paraît discutable du côté des Africains, le plus souvent entraînés -malgré eux – dans cette guéguerre idéologique. En effet, c’est surtout sa vision de l’immigration que les Africains lui reprochent le plus souvent. Or, Marine le Pen ne fait que dire tout haut ce que les autres font tout bas. Tous les gouvernements successifs français chassent les immigrés en situation irrégulière. L’Accord de réadmission, qui a failli créer une crise ici même au Mali, n’est pas le fait de Marine le Pen, mais celui de l’UE, de la France, de Hollande et de son gouvernement dont a fait partie, du reste, un certain Emmanuel Macron.
Sur un autre plan, Marine le Pen, on le sait, est contre la France –Afrique et les Réseaux. Sincèrement, cela devrait plutôt réjouir les peuples africains. En effet, la France – Afrique, les Réseaux, c’est uniquement dans l’intérêt des dirigeants africains (pour leur maintien au pouvoir notamment) et non dans celui des populations africaines. Marine le Pen, c’est moins de France en Afrique, dans les affaires africaines. C’est l’Afrique aux Africains, c’est le destin de l’Afrique entre les mains des Africains, et non géré depuis l’Elysée ou le Quai d’Orsay. Aussi, il paraît contradictoire que les Africains veuillent prendre en mains leur destin et soient contre une idéologie qui pourrait enfin les faire sortir de l’assistanat et du dirigisme. D’où cette question : savons-nous véritablement ce que nous voulons, nous Africains ?
Que faudrait-il attendre de l’élection de Macron ?
Le nouveau président élu a encore le bénéfice du doute. Nous disons ‘’encore’’ parce que nous nous appuyons uniquement sur ses propos au sujet de la colonisation (qu’il considère comme ‘’un crime contre l’humanité’’) et de son rejet – à priori- de la France – Afrique. Sauf que nombre de ses prédécesseurs ont dit la même chose. Y compris, peut-on dire, François Hollande qui se voulait un ‘’président normal’’ et qui prétendait vouloir d’un autre type de rapport avec l’Afrique. La suite, on la connaît, et nous Maliens en particulier : « Le Sauveur est devenu le Bourreau ». Hollande va quitter l’Elysée pendant qu’IBK ne peut encore mettre le pied à Kidal. Ça, c’est le fait de Hollande et de lui-seul. S’il y a un autre responsable, ce sont les dirigeants du Mali plutôt soucieux de leur siège que du sort de Kidal. Mais il y a aussi le peuple malien dans son ensemble qui semble s’accommoder de la situation ambiante. Car, la France a beau être puissante, elle ne saurait vaincre tout un peuple déterminé à se battre jusqu’au dernier élément pour garder sa souveraineté.
On ne peut pas perdre de vue qu’Emmanuel Macron a fait partie du gouvernement de Hollande, avant de ‘’jeter l’éponge’’ pour lancer son mouvement ‘’En marche’’. N’était-ce pas plutôt un ‘’Accord en marche’’ entre le Système (Hollande) et Macron ? Question légitime quand on voit tous ces ténors du parti socialiste rejoindre Macron, paradoxalement contre le candidat officiel du Parti Socialiste, Benoît Hamon. C’est le cas de Jean Yves le Drian, celui-là même qui a l’habitude de dire que « les Touareg sont nos amis ». C’est aussi lui, en tant que ministre de la Défense, qui a empêché les FAMA d’entrer dans Kidal aux côtés des troupes françaises et tchadiennes. C’est cet Yve le Drian qui fait partie des principaux soutiens de Macron. Or, le Drian, c’est un symbole du Système, de la France-Afrique et de tout ce qui va avec ce concept. Hollande aussi a apporté son soutien sans réserve à Macron. En prenant en compte tous ces paramètres, difficile de ne pas se dire qu’on veut faire du neuf avec du vieux.
Les services de renseignement : un Etat dans un Etat
Par ailleurs, sachant que les Services de renseignement dans les pays occidentaux constituent ‘’un Etat dans un Etat’’, que les Chefs d’Etat sont en général, même malgré eux, contraints de suivre la ligne tracée par ces services en matière de politique étrangère (au nom ‘’de l’intérêt supérieur de la nation’’), alors Emmanuel Macron pourrait être obligé de revoir sa copie. « La France n’a pas d’amis, elle a des intérêts », a dit de Gaule. Et cela ne s’est jamais démenti avec le temps. Un candidat peut raconter sa vie lors des campagnes, mais dès qu’il a la lourde tâche de présider aux destinées de la nation, il est contraint sinon forcé de se débarrasser de son habit romantique ou parnassien (l’art pour l’art) pour se camoufler dans celui du Réalisme pur et dur. Cela pourrait être le cas du nouveau président de la France dont nos chefs d’Etat ont tant applaudi la victoire.
Le soulagement d’IBK
Le président malien salue la victoire de Macron. Non sans raison, car selon lui, il a reçu deux émissaires de Macron candidat qui l’avaient rassuré sur l’avenir du Sahel et donc du Nord-Mali. En d’autres termes, ces émissaires laissaient entendre que si Macron était élu, ce serait le ‘’changement dans la continuité’’. Dans la continuité, peut-on dire, de la politique de Hollande au Mali et dans le Sahel. C’est donc ‘’normal’’ qu’IBK soit rassuré ou ‘’soulagé’’ comme le lui a demandé Christophe Boibouvier de RFI, lui qui semble convaincu que c’est la France qui va faire le Mali à la place des Maliens et qui, à ce titre, s’accommode allègrement du diktat français sur la ‘’Question Kidal’’, sans oser même réfléchir à une ‘’autre alternative’’. C’est l’occasion de rappeler ces propos de Jeamille Bittar qui, récemment, a eu le courage de dire clairement que la solution à la crise passe par la recherche d’autres facilitateurs que les groupes armés pourraient écouter. Alors, le président IBK est rassuré, soulagé, mais c’est moins évident du côté de la population qui n’attend plus rien de la France.
Alpha Condé : Plus de France-Afrique, plus de Réseaux
On peut ne pas l’aimer, mais le président guinéen, non moins président en exercice de l’Union Africaine, ne mâche pas ses mots. Pour lui, le président élu « n’est pas lié à la France – Afrique ou aux Réseaux ». Implicitement donc, ce qu’il attend de Macron, c’est la fin de la ‘’France – Afrique et des Réseaux’’. Et c’est justement ce genre de discours qui est attendu des Chefs d’Etat africains. Alors Bravo Alpha Condé !
« Qu’il respecte l’Afrique !»
C’est la phrase prononcée par un auditeur sénégalais de RFI dans un micro-trottoir. Nous pensons que sincèrement, cet auditeur a prononcé la meilleure formule qu’un Africain puisse et doive adresser à un dirigeant du monde occidental, particulièrement de la France dont les dirigeants sont souvent réputés pour leur arrogance. Comme s’ils étaient la Tour Opérateur en termes de normes, de valeurs, etc. Cet auditeur a donc mieux résumé l’attente des Africains vis-à-vis du nouveau président élu de la France : du respect. Il l’a fait mieux que nos dirigeants qui, on le comprend, ne peuvent aller à une telle audace. Au risque de se faire éjecter de leur somptueux siège. Qu’ils perdraient facilement sans l’entretien des Réseaux et de la France –Afrique.
Pour le reste, la France ne fera pas l’Afrique à la place des Africains. L’Afrique, ce sont les Africains et uniquement les Africains qui la feront. En s’ouvrant aux autres, en coopérant, mais aussi et surtout en refusant d’être des éternels assistés. Il n’y a guère de problème sans solution. Et c’est souvent cet assistanat qui nous fait perdre de vue nos propres capacités à venir à bout de nos défis.
Politique et morale ne semblent pas faire bon ménage
Le président élu de France est un jeune de 39 ans, mais sa femme en a 64. Drôle d’amour entre un professeur et son ancien élève. On se pose désormais des questions. Le jeune garçon aurait-il vu dans la dame un moyen rapide d’ascension sociopolitique ? La dame aurait-elle des dons de voyance qui lui auraient permis de voir dans le jeune homme le futur président de la France ? Pour l’heure, elle dit avoir vu en lui un ‘’homme brillant’’. Brillant ou pas, leurs détracteurs ne voient dans le ‘’jeune homme’’ qu’un Gigolo classique. Faudrait-il voir à partir de là la perversion de la politique un peu partout dans le monde, et particulièrement en France ?
On se souvient encore de l’affaire Monica Lewinsky avec Bill Clinton aux USA. En France, Dominique Strauss-Kahn était le favori des sondages à l’élection présidentielle lorsque la Guinéenne Nafissatou mit fin à sa carrière politique d’une façon déconcertante. Nicolas Sarkozy, même président de la République, ne se gênait pas à s’afficher avec sa deuxième épouse au bas-ventre en l’air. Le président sortant, François Hollande est sans épouse. A ce titre, il a pu multiplier les ‘’compagnes’’. Autres cieux, autres mœurs, qu’en est-il chez nous, car chacun doit balayer devant sa porte.
Qui nous gouvernent ?
Chez nous au Mali, la situation n’est guère brillante au niveau de nos responsables, hommes politiques et autres dirigeants. La palme d’or revient indiscutablement à l’ancien président Amadou Toumani Touré, n’en déplaise à ces très nombreux fans. Mais il est loin d’être le seul à ne pas s’embarrasser de considérations éthiques. La plupart des responsables politiques et autres dirigeants successifs n’ont jamais boudé ce plaisir. Les faits sont connus de l’opinion en général. Au point que l’on se demande si ‘’être sérieux ne serait pas un frein incontournable aux hautes fonctions, et encore plus à l’accession à la magistrature suprême’’. Le peuple aurait-il peur des candidats jugés ‘’un peu trop sérieux’’, qui le priveraient de ses plaisirs, de son libertinage, de son impunité… ? Tout porte à le croire quand on sait qu’il suffit d’être indexé de ‘’sérieux’’ pour que les portes de l’ascenseur se referment. Comme quoi, le penseur n’avait pas tort de dire que « tout peuple mérite le dirigeant qu’il a ». Tout dirigeant est à l’image de son peuple, en d’autres termes.
La Rédaction