…A ces propos, il y eut beaucoup de murmures dans la salle ; certains allant jusqu’à applaudir le colonel Danzié, pendant que d’autres avaient une moue plutôt dubitative, sinon de désapprobation.
-Le Président de la Cour : Silence, silence ! Sinon je fais évacuer la salle…Bien, Monsieur Danger…Pardon, Monsieur Danzié, n’aviez-vous pas d’autres alternatives face à l’immobilisme des plus hautes autorités, comme, par exemple, alerter l’opinion publique eu égard à l’imminence d’une menace existentielle ? Menace existentielle, c’est bien de cela qu’il s’agissait.
-Le Représentant de la Sécurité d’Etat : Monsieur le Président, la Sécurité d’Etat est une structure qui se veut discrète, comme d’ailleurs tous les corps relevant des forces armées et de sécurité. Ceci dit, le pays était, comme vous l’avez souligné, dans une situation exceptionnelle de menace sécuritaire. Aussi, à un moment donné, nous nous sommes demandé, si face au manque de réactivité des plus hautes autorités, il n'y avait pas autre chose à faire.
Par ‘’autre chose’’, je n’entends nullement une atteinte à l’ordre établi, à la sûreté de l’Etat, mais un moyen d’alerte en dehors des circuits habituels fermés. Il nous est même arrivé de songer à la Société civile dans l’éventualité de lui fournir certains renseignements classés ‘’Top secret’’, afin qu’elle en fasse un bon usage, c’est-à-dire l’aider à faire pression et à amener les autorités à sortir enfin de leur torpeur. Mais cette équation, à l’analyse, se heurtait à plusieurs inconnues.
En effet, la Société civile, comme le reste des regroupements de tous genres, est diverse, plurielle, je pourrais même ajouter ‘’infiltrée’’, je sais de quoi je parle.
On y trouve des personnages de tous bords, et donc proches du pouvoir. Par ailleurs, il n’est guère facile de contrôler le genre de renseignements qu’on aurait pu mettre à sa disposition. Enfin, notre société est telle aujourd’hui, croyez-en ma modeste expérience, qu’on ne peut jurer de rien. Je veux dire par là qu’il est difficile voire impossible de trouver des hommes et femmes sincères, uniquement dévoués à leur patrie. Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, nous avons mis du temps à nous décider quant à cette alternative. Entre temps, l’imparable est survenu. Et la suite, nous la connaissons tous.
-Le Président de la Cour : Une dernière question, colonel Danzié : Pourquoi n’avez-vous pas jeté l’éponge, démissionné de vos responsabilités, mesurant la menace qui pesait sur votre pays, et votre impuissance à faire bouger les lignes ? Cela aurait pu servir d’alerte aussi ?
-Le représentant de la Sécurité d’Etat : Monsieur le Président, j’ai bien conscience que la patrie est au-dessus de mon Serviteur, et encore plus de ma modeste personne. Mais, Monsieur le Président, j’estime utile, une fois de plus, de rappeler la spécificité des forces armées et de sécurité. La démission n’est pas –heureusement ou malheureusement – un concept à usage courant dans notre milieu.
Une démission signifierait la fin de votre carrière, voire plus, car elle pourrait vous attirer plein d’ennuis. Aussi, même si j’étais le premier responsable de cette structure, je ne reste pas moins un être humain, un mortel guidé avant tout par l’instinct de conservation. En ma qualité d’officier, je suis bien disposé à me sacrifier pour sauver ma patrie, mais le temps ne m’en a pas, en définitive, donné l’occasion, les événements s’étant précipités, les uns à la suite des autres.
-Le Président de la Cour : Je vous remercie, Monsieur le Représentant de la Sécurité d’Etat. Cela suffira pour aujourd’hui. Mesdames et messieurs, comme nous le savons tous, il n’y a pas que les porteurs d’uniforme à être concernés par la crise, objet des présentes assises. Le prochain appelé à la barre est le Représentant des Services de Douanes. Le Représentant des Services de Douanes sera entendu demain. La séance est suspendue. Gong ! A suivre. S.H.