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Moussa Ag Acharatoumane du MSA : “Dans les conditions actuelles, il est difficile, voire impossible d’appliquer l’accord”
Publié le vendredi 26 mai 2017  |  L’Indicateur Renouveau
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Sollicité pour se prononcer sur les deux ans de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, le coordonnateur du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), Moussa Acharatoumane, analyse sans détour les échecs et les réussites. Selon lui, il est impossible d’appliquer l’accord dans les conditions actuelles. Entretien.
Vous étiez un membre influent du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), aujourd’hui vous dirigez le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), quelle est la raison de votre départ ?
Nous avons quitté nos anciens mouvements MNLA, HCUA pour des raisons multiples qui concernent plusieurs aspects autant politique, sécuritaire et communautaire, car nous n’avons pas pu à l’intérieur de ces organisations trouver et apporter les réponses adéquates à plusieurs maux qui touchent nos populations, nos régions, nos voisins, notre économie, notre sécurité et la politique qu’on souhaite mener pour répondre aux aspirations de nos populations. L’accord d’Alger est essentiellement basé sur la régionalisation, elle est aussi une des raisons pour lesquels nous avons fait se choix de repositionnement interne pour mieux concentrer nos efforts sur cet aspect qui nous semble d’une importance capital dans le cadre d’une meilleure gouvernance locale.
Le MSA mène des actions communes avec le Gatia et les FAMa à Ménaka notamment des patrouilles ? Comment se passe la cohabitation ?
La cohabitation est parfaite dans la région de Ménaka entre nous, nous sommes en train depuis un certain temps de faire des patrouilles mixtes avec le Gatia et les FAMa pour ramener la sécurité à nos populations. Comme dans toutes les autres régions, Ménaka a connu des actes de banditisme, d’assassinats sans précédent, face à cela, vu la lenteur des accords, vu l’absence d’une armée reconstituée et reformée, nous avons décidé de prendre nos responsabilités en harmonie avec notre gouverneur et le président des autorités intérimaires au niveau de la région de Ménaka avec les moyens maigres soient-ils pour lancer une dynamique qui s’articule autour de deux axes majeurs : sécurité et cohésion sociale. C’est cela qui a animé tous les fils qui se sont donnés la main pour lancer cette nouvelle dynamique qui, selon nous, est la porte qui va nous mener vers la quiétude et le bien-être tant recherché. Cette initiative a besoin d’être accompagnée et soutenue aujourd’hui par les plus hautes autorités auxquelles nous lacons un appel ardent et urgent…
Vous êtes trop proche du général Gamou, un adversaire redouté de vos ex-alliés de la CMA. Quelle est la nature de votre collaboration ? Comment est-ce qu’elle est perçue par les responsables de la CMA ?
Nous sommes ensemble depuis les assises d’Anefif (première rencontre que j’ai eue avec lui en tant que responsable des Idaksahak) pour la réconciliation entre nos communautés. Depuis lors nous sommes restés en contact pour faire le suivi des engagements pris, malgré les crises et les morts survenus après Anefif, nous avons continué à chercher et trouver des solutions pour stopper ces guerres fratricides qui n’ont que trop endeuillées nos populations dans leur ensemble. Notre collaboration repose sur le bien-être de nos populations, maintenir cette dynamique de réconciliation, de paix et de sécurité entre toutes les populations qui sont sous notre protection et plaider pour les droits élémentaires de ces populations autant dans l’accord qu’en dehors de l’accord. Voilà l’essentiel de notre collaboration fraternelle.
La perception qu’en font mes collègues m’importe peu, ce qui est important, c’est ce que les populations meurtries, blessées, endeuillées et qui souffrent de cette crise en pensent, c’est ce qui est important. Aujourd’hui, je ne dirai pas que nous avons tout réussi, mais nous sommes en train de faire des efforts qui contribuent à anéantir l’insécurité sans précédent dont sont victimes nos populations dans leur ensemble. Une bonne partie d’entres elles, pour ne pas dire toutes, reprennent du souffle et saluent ces initiatives.
Vous avez créé le MSA mais vous vous réclamez toujours de la CMA. Quels sont vos rapports ?
Rapport difficile, compliqué pour certains et souple, continuel pour d’autres, ça dépend des individus en face. Nous avons bien dit depuis la création du MSA que nous avons quitté nos anciennes organisations (MNLA-HCUA) mais pas l’ensemble CMA.
Il y a des repositionnements internes, la redéfinition des rapports de forces autant militaires que politiques, d’occupation du territoire et d’orientation idéologique mieux en phase avec le contexte actuel depuis la signature des accords. Ceci dit, j’ai eu une rencontre récemment avec un de mes amis proches, premier responsable du MNLA, pour voir comment il faut rassembler toute la CMA même si, sur un certain nombre de sujets nous ne partageons pas forcément les mêmes positions. Une rencontre doit avoir lieu dans un lieu et une date à définir de commun accord avec nos amis des autres mouvements composants de la CMA.
L’accord a été signé mais son application tarde. A qui la faute ? Gouvernement, Plateforme, CMA ou médiation internationale ?
Oui, l’accord est aujourd’hui aux abois et son application est de plus en plus incertaine, car on ne peut pas appliquer un accord, lorsque les acteurs qui sont censés le mettre en œuvre sont divisés, opposés par rapport à un certains nombres de sujets importants, nous pensons que la responsabilité de la non application de cet accord est malheureusement la faute de tous, et la solution pour l’appliquer aussi c’est nous tous. Il faut que les gens arrêtent de penser que la Minusma, Barkhane ou la Médiation va faire la paix à notre place, bâtissons et construisons notre propre paix.
Il y a deux ans l’accord pour la paix et la réconciliation a été signé. Quelles ont été les réussites et les échecs ? Quelle appréciation faites-vous de sa mise en œuvre ?
Des réussites ? A regarder l’horizon politique et sécuritaire dans lequel nos populations vivent, on n’en voit pratiquement pas, les autorités intérimaires qui étaient censées former une administration transitoire de proximité pour subvenir aux besoins de nos populations, ne sont pas jusqu’à présent pas opérationnelles dans la plupart de nos régions. Quant au Moc, une bonne partie de ceux qui la composent se sont malheureusement spécialisés dans le vol des voitures. Le point de départ de l’application de l’accord, ce sont les autorités intérimaires et le Moc. Aujourd’hui, plus que jamais, nous pensons que l’application de l’accord passe d’abord par un travail local que chaque acteur épris de paix doit au préalable faire pour baliser le terrain et le rendre plus docile pour l’accord. Dans les conditions actuelles des choses, il est difficile, voire impossible d’appliquer l’accord.
Certains estiment que si l’accord n’a pas été appliqué, c’est par la faute des groupes signataires qui refusent le cantonnement. Vous pensez la même la chose ?
La responsabilité de la non-application ou du non-avancement de l’accord ne peut, ne doit et ne pourrait être mise sur le dos des mouvements armées seulement, la responsabilité est partagée. Quant au cantonnement, aucune mesure n’est prise aujourd’hui pour que le cantonnement se fasse conformément aux engagements pris par les uns et les autres. Comment voulez-vous aujourd’hui que les gens désarment dans ces conditions où ils sont entourés de tout bord par des individus qui sont prêts à passer à l’action contre tout le monde sans distinction ? Chaque jour, une partie des communautés continuent à s’armer pour s’auto-sécuriser et se protéger. Comment les gens vont-ils se cantonner alors que personne n’est là pour leur sécurité ? Il y a des problèmes de fond et de forme qui sont là auxquels personne, ni la Minusma, ni Barkhane encore moins le gouvernement et les parties signataires n’ont apporté de réponses, ce sont ces réponses là que le peuple attend.
Les autorités intérimaires sont installées mais elles n’arrivent pas à décoller véritablement. Est-ce qu’elles n’ont pas échoué ?
Echoué ? C’est peut-être un peu tôt pour le dire, mais elles n’avancent pas, c’est un constat alarmant et triste, tant de bruit pour des maigres résultats. Elles sont pas la solution c’est une certitude mais c’est une étape qu’il fallait réussir, nous y sommes aujourd’hui, chacun doit donner le meilleur de lui pour les faire avancer, c’est une étape forcée mais ce n’est pas la résolution aux profondes questions de gouvernance.
Les patrouilles mixtes ont commencé à Gao mais elles n’ont pas produit l’effet escompté. Vous croyez en la sincérité des acteurs ?
Elles ont été bâclées et comme beaucoup d’autres initiatives qui sont censées faire avancer l’accord, elles ne se font pas comme il le faut et le temps n’est pas pris pour bien faire les choses et cela ne peut que produire les résultats auxquels nous assistons aujourd’hui. Le Moc est devenu un grand magasin à ciel ouvert où les voleurs (certains éléments du Moc) viennent s’approvisionner en voitures. C’est une catastrophe pour les pauvres populations auxquelles ils étaient censés apporter la sécurité et la quiétude.
Malgré l’accord, l’insécurité est grandissante et les attaques terroristes se multiplient. Est-ce qu’à ce niveau, l’accord peut apporter la stabilité ?
J’ai des doutes sur cela, depuis le début de cette crise, l’insécurité n’a atteint ce degré de violence, aujourd’hui nous assistons à des morts, des braquages, des attaques chaque jour partout. Des civils meurent pour des raisons inconnues et inexplicables par nous, et cela doit nous interpeler tous. Un nouvel accord ? Pourquoi ? Des accords ne manquent pas au Mali, ce qui fait défaut et qui manque, c’est l’application de ces accords et le sens de responsabilité de tout un chacun, c’est cela qui fait défaut. Ceux qui signent les accords, doivent savoir que les accords sont signés pour être appliqués. Nous en appelons aussi au gouvernement malien, qui est le premier acteur dans la mise en œuvre de l’accord, de prendre toutes ses responsabilités ainsi que les autres parties signataires. Les solutions de la crise doivent émaner de la base (locale) vers le haut (nationale et internationale) et non le contraire…
Propos recueillis par Alpha Mahamane Cissé
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