La visite du Premier ministre malien Moussa Mara à Kidal provoque des affrontements entre l’armée malienne et les rebelles du MNLA, du HCUA et du MAA. Les rebelles s’emparent du gouvernorat après des combats qui font plusieurs dizaines de morts. La Minusma et les Français de l’opération Serval interviennent et parviennent à obtenir un accord de cessez-le-feu entre l’armée malienne et les rebelles. Le 19 mai, les groupes armés appellent à l’apaisement et à «la relance du processus de paix», mais le 18 à Gao, le Premier ministre Moussa Mara déclare que «La République du Mali est dorénavant en guerre».
Les jours suivants, l’armée malienne envoie des renforts à Kidal. Le 20 mai, inquiètes, les diplomaties étrangères et notamment, Hélène Le Gal, conseillère du président français, Djibrill Bassolé, ministre burkinabè des Affaires étrangères et les représentants des Nations unies, appellent le président Ibrahim Boubacar Keïta à ne pas rompre les pourparlers avec les groupes rebelles. Le chef de l’État malien promet de ne pas lancer d’offensive militaire pour reprendre la ville.
Au début du mois de mai, la garnison malienne à Kidal est forte de 200 soldats. Mais après les affrontements du 17, celle-ci reçoit ensuite plus de 1 500 hommes en renforts venus de Gao et Anéfif. Dès le 17, le GTIA «Balazan» basé à Anéfif fait mouvement sur Kidal. Commandée par le lieutenant-colonel Sérémé, cette unité est forte de 600 à 700 hommes formés par l’EUTM Mali ; elle dispose de pick-up mais ne possède aucun blindé, elle arrive à Kidal le lendemain. Les 18 et 19, deux groupes de 300 bérets rouges du 33e régiment des commandos parachutistes quittent également la caserne de Djicoroni, à Bamako, pour se rendre au nord. Des bérets verts de Kati prennent également la route de Kidal.
Finalement, le 21 mai, les forces maliennes présentes à Kidal sont fortes de 1 500 à 2 000 hommes issus des GTIA «Balazan», «Sigi» et «Elou», du 33e régiment des commandos parachutistes et de la force «Delta», constituée d’hommes de l’ancienne milice de Touaregs imghads du général Gamou. Elles sont commandées par le général de brigade Didier Dakoou, chef d’état-major général adjoint des armées, le général de brigade El Hadj Ag Gamou, chef de l’unité «Delta», et le colonel-major Abdoulaye Coulibaly, chef d’état-major adjoint de l’armée de terre.
Côté rebelles plus 2 000 combattants ont pris part aux affrontements du 21, alors que l’armée malienne n’estimait leur nombre qu’à 400 ou 500 combattants, mais leurs forces se sont avérées être plus importantes. Je constate que le ministère de la Défense du Mali à minimiser les explications de Moussa Nimaga et de Djibril Sow qui avaient passé des journées entières avant le 21 mai à démontrer la présence des djihadistes notamment la présence des Katibas Abdelkrim_Al Targui et Ahmada Ag Ahma aux côtés des rebelles et avec des images à l’appui.
Les rebelles ont engagé plus de 1 500 hommes dans la bataille du 21 mai, dont environ 600 pour le MNLA et MAA, 700 hommes du côté du HCUA et 200 hommes du côté djihadiste. Parmi les chefs rebelles figurent : Mohamed Ag Najem, chef de la branche armée du MNLA ; Cheikh Ag Aoussa, qui commande les forces du HCUA, Brahim Ould Handa, commandant pour le MAA, Assaleth Ag Khabi, un ancien colonel de l’armée malienne passé au MNLA et Haroun Ag Dawoud. Les rebelles ont l’avantage de connaître parfaitement toutes les ruelles de la ville et bénéficient également du soutien de la majorité de la population ; ils avaient réussi à monter la population contre l’armée malienne comme des assassins et des occupants...
Déroulement des faits
Avant le début de la bataille, l’armée malienne occupe le Camp 1, au sud-ouest de la ville. Les rebelles tiennent de leur côté le gouvernorat et la plus grande partie de la ville. Le MNLA est surtout en force au nord-est. Les combats commencent le matin du 21 mai, à 10h10. L’armée malienne lance son offensive à l’ouest, au sud et au nord de la ville, avec des fantassins soutenus par des blindés. À chaque avancée, les soldats maliens demandent aux civils d’évacuer la zone des combats. Quelques minutes après leur entrée dans la ville, les combats s’engagent. Depuis le Camp 1, les militaires tirent des obus sur la zone de cantonnement du HCUA. Le gouvernement malien déclare dans une communiqué : «A environ 10h00 ce matin, les forces maliennes ont lancé des opérations pour sécuriser et prendre le contrôle de Kidal. Les opérations sont en cours.»
Le ministère de la Défense déclare : «Les combats se poursuivront jusqu’à ce que nous ayons entièrement libéré la ville. Les bérets rouges du 33e régiment des commandos parachutistes sont engagés en première ligne alors que les bérets verts sont placés en soutien. Les Maliens ont d’abord l’avantage, ils progressent à l’intérieur de la ville et vers 11 heures, ils parviennent à reprendre le contrôle du gouvernorat. Les premiers rapports évoquent un succès de l’opération. Cependant, la situation va ensuite basculer avec l’entrée dans la danse des forces djihadistes de Abelkrim Al Targui et Ahmah Ag Ahma, et une autre main invisible.
Le porte-parole du gouvernement, Mahamane Baby, évoquera «des problèmes de coordination, de renseignement» du côté des forces gouvernementales. Vers 13h 00, les rebelles lancent une contre-attaque et se divisent en trois groupes. Le premier affronte les bérets rouges à l’intérieur de la ville ; le deuxième se porte en direction du Camp 1 qui sert de base à l’armée malienne tandis que le dernier groupe contourne les lignes et assaille les bérets verts qui étaient en soutien. Ces derniers, surpris par cette attaque soudaine, sont les premiers à fuir en pensant à tort que les forces d’avant-garde ont été détruites, c’est-à-dire les bérets rouges. Le Camp 1 qui sert de quartier général à l’armée malienne se retrouve alors directement menacé et sans défense suffisante.
Le général Dacko, le colonel-major Coulibaly et une quarantaine d’officiers abandonnent alors la zone et foncent trouver refuge au Camp 2, tenu par la Minusma, à 800 mètres du Camp 1. Quant aux bérets rouges, ils sont les derniers à céder. Isolés à l’intérieur de la ville, ils subissent les plus lourdes pertes. Vers 15h 00, la bataille est gagnée pour les rebelles. Dans l’après-midi, dans un communiqué publié à 16 h 30, le MNLA déclare que les «forces de l’Azawad» ont pris le contrôle total de la ville et notamment du Camp 1. Si un groupe d’une centaine de militaires maliens avec 27 véhicules trouve refuge au Camp 2, tenu par la Minusma, le gros de l’armée malienne se replie vers le sud, avec notamment le général El Hadj Ag Gamou, ancien commandant militaire de Kidal qui connaît bien le terrain. Ils sont cependant poursuivis par les djihadistes et le colonel Fayçal Ag Kiba, bras droit du général Gamou, est tué au niveau du rond-point, ce qui a déstabilisé les forces de l’armée malienne.
À Anéfif, les Maliens font jonction avec une autre troupe qui arrivait en renfort, puis ils se replient ensemble sur Gao. Le soir du 21 mai, le gouvernement malien reconnaît la défaite de son armée et le président malien Ibrahim Boubacar Keïta demande «un cessez-le-feu immédiat». Reposent en paix mon colonel Ag Fayçal et militaires, gendarmes et policiers tués dans la bataille du 21 mai à Kidal, vous êtes morts pour la patrie et on ne va jamais vous oublier.
Moussa NIMAGA II
Le Mali se communautarise !
Quand un Etat est incapable d’assurer la sécurité pour tous ses citoyens, cet Etat laisse un vide qu’il faut combler d’une manière ou d’une autre.
C’est ce qui se passe depuis l’avènement de la rébellion touarègue au Nord du Mali. Nous assistons chaque jour à la création d’une association, d’un mouvement ou d’un groupe d’autodéfense, sous le regard passif des autorités qui ne font qu’acter. Depuis le 21 mai 2017, la communauté de culture songhay vient ajouter à la longue kyrielle de mouvements communautaires, «Ir Ganda», qui veut dire «Notre terre». La naissance de ce mouvement, qui ne sera pas le dernier, est diversement interprétée dans l’opinion nationale malienne.
Les populations meurtries, victimes des attaques quasi quotidiennes, voient en «Ir Ganda», un espoir de protection, en l’absence d’un Etat défaillant, qui de toutes les façons ne maîtrise plus son destin avec la présence des forces étrangères sur son sol. Les autres mouvements communautaires et groupes armés existants voient en «Ir Ganda» un ennemi déclaré qui viendra rebattre les cartes géopolitiques de la région.
Quant à l’Etat, il est pris entre le marteau et l’enclume. Même incapable d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens dans les zones de conflits, l’Etat ne pourrait applaudir la naissance d’un énième mouvement communautaire. Et comme il n’a jamais levé le petit doigt contre la création des mouvements déjà existants, il ne peut pas combattre aussi la naissance de nouveaux mouvements, comme c’est le cas de «Ir Ganda».
Aujourd’hui au Mali, il y a toutes sortes de mouvements communautaires et de groupes armés : Nous avons des associations culturelles régionalistes, ethniques au sein de presque toutes les communautés du Mali. Face à cette communautarisation du Mali, que faire ? Rien, sinon que de constater. Ce qui pourrait nous conduire à une division du Mali en plusieurs morceaux.
Si aujourd’hui, les communautés les plus en vue dans cette communautarisation sont celles des régions du Nord et une partie du centre, demain, ça pourrait toucher les communautés de l’Ouest, du sud. Les communautés ne faisant plus confiance à l’Etat central, elles n’hésiteront plus à tenter de se prendre en charge ou de faire pression sur l’Etat.
Nous avons vu comment les communautés de Kayes avaient fait pression sur l’Etat pour obtenir la construction d’un deuxième pont à Kayes. L’unique remède contre la communautarisation du pays est, selon moi, un Etat fort, fondé sur une justice sociale équitable pour tous, avec des dirigeants intègres et exemplaires. Un Etat fort se construit dans le temps avec des hommes et femmes convaincus. Le Mali que nous avons connu a cessé d’exister.
Il nous faut le refonder pas à pas. Mais déjà, il urge de rétablir la justice sociale, pierre angulaire de toute coexistence pacifique intercommunautaire. Difficile de ne pas accepter la naissance de «Ir Ganda», même si, ni «Ir ganda», ni CMA, ni Gatia, j’en passe, ne sont des solutions pérennes à l’existence de l’Etat malien. L’état malien doit reprendre sa place laissée aux mouvements communautaires. Pour ce faire, il lui faut reconstruire une Armée forte et républicaine, car un Etat sans armée est un Etat voué à disparaître.