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‘‘..Je suis à l’aise, je n’ai pas beaucoup promis’’ : L’intégralité de l’entretien d’IBK sur la chaine ‘‘Al Jazeera’’
Publié le mardi 30 mai 2017  |  La Sirène
Ouverture
© aBamako.com par Momo
Ouverture de la Conférence d’entente nationale
Bamako, le 27 mars 2017 le président IBK préside la Conférence d’entente nationale au palais de la culture
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Contrairement à tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux, voilà en intégralité tout ce que le président IBK a dit sur la chaine Al jazeera. C’était dans le cadre du 17è forum de Doba, consacré à la crise des réfugiés, la stabilité et le développement. (NB : Les questions étant posées en arabe et traduites par un interprète à l’adresse du président IBK, elles ne sont pas toute fois bien formulées. Nous avons quand même fait l’effort). Lisez, un entretien d’environ 50 miutes !

Présentateur : La guerre contre les djihadistes était le titre de la situation dans les pays du sahel (au forum de Doha NDLR). Le Mali est au cœur de ces troubles, pourquoi les troubles se sont-ils concentrés au Mali et non dans d’autres pays ?

IBK : Je ne dirai pas que nous avons une affaire des djihadistes, nous avons une affaire des terroristes. Nous avons eu des problèmes internes de développement. Certains de nos frères s’en sont émus et ont pensé que c’était par la voie de la lutte armée… (Interruption du présentateur)

Présentateur : Ce terme (djihadiste NDLR), je l’ai pris de l’agence France presse (AFP), ce n’est pas un terme à moi !

IBK : Mais l’agence France presse peut dire ce qu’elle veut, et moi, je dis ma façon de voir les choses. Le Mali est un pays musulman. Vous vous rappelez (en Se dressant directement au présentateur NDLR), vous êtes un homme de culture, Tombouctou dans l’histoire musulmane est connu. Donc on ne peut pas parler de guerre djihadiste au Mali, c’est impropre. Il y a une lutte contre le terrorisme au Mali. Il y a eu un fond de revendications politiques qui a été conclu par les négociations en Algérie entre les parties maliennes. Cela a abouti à un accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Mais, depuis, nous continuons encore aujourd’hui à assister à des actions de déstabilisation qui sont terroristes, purement et simplement ! Sur ça, au centre du Mali, un mouvement qui a voulu tromper également, a voulu prendre une coloration religieuse qui ne trompe personne. C’est le front de libération du Macina. Mais tout cela est aujourd’hui presque construit. Et nous sommes résolus, nous aujourd’hui, quand je dis ‘‘nous’’, ce ‘‘nous’’ comprend et le gouvernement et les anciens groupes rebelles. C’est pour vous dire que le Mali a avancé !

Présentateur : Mais, les mouvements séparatistes ou groupes armés, accusent le gouvernement de n’avoir pas respecté l’accord, et de n’avoir pu l’appliquer jusqu’à maintenant ?

IBK : Vous savez, dans la mise en œuvre d’un accord, il y a souvent ces genres de divergences qui interviennent. Dieu sait que cet accord n’a pas été signé sans la présence d’observateurs, sans leur implication. Il y a un comité de suivi de l’accord et tout le monde convient aujourd’hui des efforts que le gouvernement du Mali fait quotidiennement pour la mise en œuvre de l’accord. Tout le monde sait à qui est imputable le retard constaté ça et là. Quand on demande des listes pour les patrouilles mixtes, quand on demande des noms pour mettre en place tel ou tel organisme d’accord parties, les groupes (armés) trainent les pieds pour donner ces listes. Et ils ne sont pas souvent d’accord entre eux. Cela est constant, patent et avéré. Le gouvernement du Mali est si dirigeant qu’il a compris que les groupes armés avaient des difficultés, notamment ne pouvaient maintenir leurs éléments au niveau des salaires, des soldes et des problèmes de nourriture, de logistiques. Malgré la faiblesse de ses moyens, le gouvernement du Mali a avancé sur ces ressources qui devaient provenir d’apports internationaux selon nos accords. Et cela est la preuve de notre disponibilité totale et entière, et notre bonne foi. Nous n’avons aucun intérêt à ce que le processus de paix échoue, nous n’avons aucun intérêt à ne pas appliquer l’accord. Nous savons le prix à payer pour ce faire. Nous savons combien nous avons lutté pour que notre pays arrive à un tel stade, à une telle conclusion d’un accord entre ses fils pour que nous envisageons à un avenir radieux pour le Mali. Donc nous ne sommes pas dans une malice !

Présentateur : Mais, permettez-moi Monsieur le président, les français eux-mêmes, le ministre de la défense française, le 6 novembre dernier a dit, je cite : ‘‘J’ai répété à plusieurs reprises au président Keita de prendre des mesures pour intégrer les populations du nord’’. Ildit que l’application a été empêchée… (Interruption par IBK).

IBK : Mais je n’ai pas besoin de cette leçon de Jean Yves Le Drian (qui était alors ministre français de la défense cité ci-dessus NDLR) pour faire ce que je dois faire. Mon gouvernement, juste après la conclusion de l’accord, a inclus les frères du nord dans notre gestion. Nous avons également dans toutes les sphères de l’administration du Mali nos frères du nord. Donc je ne devais pas attendre Jean Yves Le Drian pour demander d’impliquer nos frères. C’est notre travail quotidien. Et c’est parce que nous nous sentons d’abord maliens avant de nous distinguer de telles ou telles ethnies ou de telles ou telles régions du Mali. Cette leçon est mal venue et elle ne correspond à aucune réalité.

Présentateur : Ceux dont vous appelez les terroristes, les français les appellent les ‘‘djihadistes’’… (Interruption par IBK)

IBK : Les terroristes, c’est autre chose ! Vous savez quand les gens ici au Mali comme ailleurs, tuent sans raison valable, sans qu’il y ait de motif de combattre tel ou tel élément de la société malienne, simplement le plaisir de tuer, de montrer que l’on a la force de tuer et que l’on peut tuer impunément, cela pour moi est absolument à rejeter. Quand je parle de dialogue, de fils du Mali qui doivent s’entendre pour avancer, bien entendu, il est clair que ceux-là ne doivent pas être compris dedans. Vous ne pouvez pas dialoguer avec quelqu’un qui ne cherche qu’à vous tuer, qui n’a aucunement aucune espèce de valeur accordée à la vie humaine. Et surtout qui n’a rien à voir avec notre belle religion de l’islam qui n’est qu’une religion de paix. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Je dis bien ‘‘terroriste’’, ça veut ce que ça veut dire, historiquement, ceux qui sèment la terreur. Ceux qui font peur, ceux qui n’ont que ça comme projet.

Présentateur : Mais, en Avril dernier, il y a eu la conférence d’entente nationale sous votre égide et cette conférence a recommandé qu’il y ait un dialogue entre tous, y compris les djihadistes du front de Macina !

IBK : Non la conférence d’entente nationale n’a pas réclamé cela. Au cours de la conférence d’entente nationale, quelqu’un est intervenu et a dit cela. Mais cela n’a pas été acté pas la conférence d’entente nationale. On ne peut pas considérer cela comme un acte de la conférence d’entente nationale. Dans les propos tenus par les uns et les autres, dans une intervention quelqu’un a lancé ça. C’est son droit de lancer cela, mais la conférence en tant que telle ne l’a pas recueilli en tant que tel ou comme résolution à prendre et à acter, ce n’est pas le cas.

Présentateur : Quel est donc le scénario de la guerre entre vous et les groupes que vous décrivez comme étant des terroristes ? Alors que les Etats-Unis, l’Etat le plus puissant au monde engagé depuis 2001 contre le terrorisme, n’a pas pu le vaincre ?

IBK : Vous savez, il y a aujourd’hui un problème qui se pose au monde entier, pas seulement au Mali. C’est le monde entier qui est aujourd’hui face à des actes terroristes qui sont des actes qui interpellent toute la conscience humaine par rapport à ce qui doit être les relations au sein d’une société entre les acteurs, citoyens, populations vivant sur une même terre. Et dans le cas d’espèce, nous sommes confrontés, nous, à un mélange de terrorisme et de crime ordinaire, notamment le narcotrafic et le trafic humain. Tout cela se nourrit l’un de l’autre et cela n’est pas admissible et doit être combattu par tous ceux qui aspirent à la paix mondiale. Encore une fois, notre belle religion, l’islam, qui est connue au Mali, pas d’aujourd’hui. Vous savez, Je viens de la mosquée de Doha, j’ai remis à l’imam quelques copies des manuscrits de Tombouctou pour indiquer l’antériorité, l’ancienneté de notre tradition islamique ; pour indiquer la permanence de notre tradition islamique ; de dire également que Tombouctou a été un foyer de rayonnement culturel musulman depuis le moyen âge. Cela est avéré ! Les universités de Djingareyber, de Sankoré, sont célèbres dans le monde entier, dans le monde musulman. Donc personne ne viendra apprendre l’islam au Mali et aux maliens, surtout à Tombouctou. Il s’agit d’autre chose et c’est cette autre chose qui est ambiante ailleurs également et qui doit être combattue par tous les hommes épris de liberté et de paix.

Présentateur : Est-ce que l’extrémisme n’est pas quelque chose dans la logique et qui n’est pas …

IBK : Bien sûr… Hélas…Hélas !!!!

Présentateur ; Pourquoi alors vous ne dialoguez pas avec les extrémistes dans votre pays ? Si vous dialoguez avec eux, plusieurs d’entre eux vont peut-être revenir grâce au dialogue !

IBK : Cher ami, nous avons des exemples. Nous avons vu en Algérie notamment, comment un dialogue national a pu inclure un certain nombre de personnes, des gens qui étaient dans la même logique terroriste, pure et dure ! Mais ceux-là avaient indiqué et avaient montré des signes allant dans ce sens. Mais, pendant que vous dites cela, pendant la conférence d’entente nationale elle-même, ceux-là auxquels vous faites allusion, ont continué de tuer et de tuer en masse et de les revendiquer. Vous avez vu que deux jours après dans une base du nord Mali dédiée à la paix et à la stabilisation (MOC NDLR), on a fait éclater une bombe en plein regroupement d’éléments qui s’apprêtaient à aller patrouiller pour la paix. Comment voulez-vous dans ces conditions demander à ceux-là de dialoguer avec vous ! Ils (les terroristes ndlr) ne montrent aucune espèce d’indication tendant à ce dialogue, ils n’ont aucune volonté de dialogue. Ils ne se manifestent pas. Nous sommes conscients que dans toute difficulté, l’idéal, c’est la table autour de laquelle on peut s’asseoir pour discuter, pour avancer. Mais quand l’homme tient une bombe à la main, ne veut que vous tuer, qu’est-ce qui vous reste comme solution ? Le combattre ! Que vous gagniez ou que vous perdiez ? On n’a pas le choix, on ne vous laisse même pas le choix en réalité.

Présentateur : J’ai essayé de suivre ce qui se passe, j’ai remarqué que chaque jour il y a un nouveau groupe dissident. En mars dernier, quatre groupes djihadistes au Mali et dans le sahel sont apparus et se sont fusionnés, et même si vous les combattez il y aura d’autres groupes. La guerre n’entraine que la guerre. Est-ce que cela veut dire que vous pouvez annoncer la trêve un jour ou vous avez décidé qu’il n’y ait que la guerre ?

IBK : Je pense que si ces groupes disent vouloir une paix fondée sur les valeurs de l’islam, ils devront comprendre que l’Islam est une religion de paix, pas une religion où on doit massacrer ses frères, les tuer. Quand ces groupes accéderont à une telle compréhension et voudront que dans le pays on se donne la main pour bâtir ensemble une société juste et de paix, il n’y a pas de problème en ce moment-là. Mais tant que ces groupes auront la bombe à la main, tant que ces groupes auront la kalachnikov à la main, qu’est-ce qui va arranger le gouvernement du Mali en matière de Dialogue. Toute la question est là. Nous ne sommes pas des hommes fermés, nous ne sommes pas des hommes inintelligents de l’histoire. Nous savons ce qui s’est passé ailleurs. Nous savons ce qui peut se passer également. Nous souhaitons la paix pour notre pays. Nous souhaitons que nous créions ensemble les conditions d’un développement au profit de l’ensemble des populations du nord au sud du pays, d’Est en Ouest. Et pour qu’il y ait développement cher ami, pour qu’il y ait des routes, des aéroports, des hôpitaux, des écoles, il faut la paix ! Sans la paix aucun projet de développement ne peut prospérer, donc le pays ne peut se développer en ce moment-là. Nous voulons développer le pays. Notre projet, ce n’est pas la mort. Notre projet, c’est la vie. Et la vie des hommes doit se faire dans les conditions de confort, dans les conditions dignes d’un homme du XXIème siècle, pas de condition de mort, pas de condition de massacre, pas de condition de rejet de l’autre, pas de condition d’obscurité courante, violente, ambiante ! Non ! Nous voulons la paix !

Présentateur : L’on accuse les troupes françaises au Mali d’avoir commis des crimes de guerre à l’encontre des dizaines de personnes civiles ?

IBK : Je crois que les forces françaises ont répondu à cela et leurs porte-paroles sont mieux indiqués pour discuter de cela. Mais je dis une chose encore une fois, dans ce domaine, ceux qui tuent quotidiennement les personnes civiles dans les villes du Mali, ce ne sont pas les troupes françaises. Ce sont bel et bien les terroristes, c’est eux qui font cela. Et je pense… (Interruption)

Présentateur : Et les français ?

IBK : Je ne pense pas que ce soit leur mission et je ne pense pas que ce soit juste de les imputer cela. Je ne le pense pas sincèrement ! Et je crois que…(Interruption)

Présentateur : L’autre partie (les terroristes NDLR) accusent les français de tuer les civiles ?

IBK : Oui, on peut toujours accuser quelqu’un cher ami, mais il faut toujours avoir les preuves de ce qu’on dit. Il est facile de dire, il est difficile de prouver. Cela est constant.

Présentateur : En plus des troupes françaises, 11 mille hommes d’autres troupes (MINUSMA) sont au Mali, malgré tout cela la guerre continue. Ne s’agit-il pas d’une guerre de mirage, est-ce que le Mali restera dans une telle guerre interminable ?

IBK :Non ! Il n’y a pas de guerre proprement parlée. Cher ami, il y a un conflit asymétrique, il n’y a pas de troupes ennemies face à une troupe régulière de l’armée. Il y a une guerre asymétrique qui est faite d’embuscades, de pièges, de mines…

Présentateur : … De banditisme…

IBK : Mon cher ami, cela est aujourd’hui la nouvelle donne dans le monde entier. Et je pense que de ce point de vue, ce que l’on peut noter, c’est que l’Etat de belligérance qui était une réalité au Mali, n’existe plus ! Il n’y a plus de conflit armé entre les groupes armés qui étaient autre fois là en face du gouvernement du Mali. Aujourd’hui, c’est un groupe restreint de 4 à 5 personnes ou 10 parfois qui attaquent des convois ou qui piègent à droite et à gauche. Et cela est une guerre asymétrique qui nécessite de notre part un ajustement intelligent par rapport à ce mode de conflit. Et nous sommes en train de le faire. Vous avez vu d’ailleurs que dans la zone du sahel cela a été perçu comme une menace transfrontalière qui ne concerne pas que le Mali. C’est pourquoi 5 Etats se sont mis ensemble aujourd’hui : Le Tchad, le Burkina Faso, le Niger, la Mauritanie et le Mali, pour créer le G 5 sahel qui a une vocation de protection et de sécurisation de nos frontières. Parce que nos pays veulent la paix, nos pays veulent se développer, qu’on nous laisse tranquilles travailler au bonheur de nos peuples. On ne peut pas continuer comme ça, chaque jour avec des pertes en vies humaines, chaque jour à faire des efforts militaires d’équipements dans le temps même ou nous aurions besoin de ces ressources pour développer des hôpitaux, des écoles…On a besoin de ces ressources, pas de la guerre.

Présentateur : Qu’est-ce que le G 5 sahel que vous présidez peut faire, quand on sait que des pays comme la France et les Etats-Unis n’ont pas pu régler cette question dans des pays comme l’Afghanistan et autres ? Vous ne pensez pas que cherchez les causes de ces situations est plus utile qu’une guerre sans merci contre le terrorisme.

IBK : Bien évidemment cher ami. Les sources sont connues. Des gens qui sont à l’affut de la misère des gens, qui les exploitent par tels ou tels moyens pour montrer que les Etats ne sont pas capables de subvenir aux besoins de leurs populations. Cela est connu et c’est bien pour cela que le G5 Sahel n’a pas seulement vocation de sécurité, elle a une vocation d’indication économique, de mutualiser de nos possibilités pour faire en sorte que notre région soit une région dédiée au développement et non à la guerre. Et nous sommes une organisation qui est ouverte…

Présentateur : M. Le président, est-ce que vous ne pensez que la corruption l’injustice et l’indifférence sociale sont des raisons réelles qui mènent à l’extrémisme et à la rébellion contre les Etats ?

IBK : Si cela est avéré, il n’y a aucun problème ! Je vais vous dire que nous avons tellement souci de cela que nous venons de mettre en place l’office malien de lutte contre l’enrichissement illicite. Dès l’instant où il sera prouvé que tel ou tel responsable, chez nous en tout cas, a accumulé des richesses, sans que cela puisse être adossé à des ressources licites, avouables, tangibles à avérer, il sera poursuivi. Nous avons aussi chez nous, ce qu’on appelle la régularisation de revenus. Cette régularisation de revenus sera dorénavant vérifiée, étudiée pour voir les failles qui sont la-dans, les omissions, les mensonges. C’est pour vous dire que nous avons souci de cela. Nous savons très bien que dans nos pays, dans tous les pays du monde, les ravages que fait la corruption. C’est un système qui est mondiale pour autant…

Présentateur : Mais la corruption dans votre pays est plus élevée à tel point que le citoyen ne sent pas en sécurité, même dans la capitale ?

IBK : Dans tous les pays du monde, il y a la corruption, mais si elle est tolérable à la limite dans les pays développés, elle est criminelle chez nous dans le pays. Mais ce n’est pas la seule en cause, c’est un argument que je voudrais avancer : ‘‘Nous sommes en rébellion, nous nous révoltons, dans ce cas quand on va dans un village et qu’on tue les petits villageois sur un marché’’, est-ce que c’est la lutte contre la corruption. Quand on tue des villageois entre deux foires, est-ce que c’est la lutte contre la corruption. Quand on va à la mosquée dans un village et attendre l’imam à la sortie de la mosquée… (Interruption).

Présentateur : Ils (les terroristes NDLR) luttent contre l’armée et les forces étrangères dans les reportages que j’ai vus… Il y a un point important concernant la corruption. Vous étiez populaire quand vous étiez premier ministre et quand vous étiez président de l’Assemblée Nationale parce que vous avez pu réaliser beaucoup de choses en ces temps. Qu’est ce qui vous empêche maintenant en tant que président de la république de faire ces réalisations ?

IBK : Cher ami, merci d’abord pour votre appréciation par rapport ce que nous avons fait par le passé. Je n’ai pas changé en tant qu’homme. On ne change pas à mon âge. On a des valeurs pour la vie. On ne peut pas être ébloui face le pouvoir quand on a exercé les mandats que j’ai exercés par le passé, dans lesquels je ne me suis pas illustré par mon caractère corrompu ou par mon caractère dissolu, sûrement pas.
Quand vous parlez de l’armée française ou de forces françaises, elles ne sont pas celles qui viennent dans les villages pour tuer les populations. Je crois que là, il faut qu’on soit très clairs. Ceux qui font cela ne peuvent être considérés que comme des terroristes de la pire espèce et doivent être combattus par tout homme qui veut la paix, qui aspire à la paix entre les hommes. Cela est inadmissible. Aucune cause ne vaut cela. Et ce n’est pas en se faisant qu’on lutte contre la corruption en tuant l’imam d’un village au sortir de la mosquée. Est-ce par ce biais qu’on lutte contre la corruption, je ne le crois pas. Et cela est arrivé au Mali récemment à plusieurs endroits. Ce n’est pas ça notre façon de voir la religion, de voir la vie en société, rien ne peut justifier cela. Et aucun gouvernement au monde ne peut admettre ou tolérer cela. Il y a un devoir à ce niveau-là vis-à-vis de son peuple, vis-à-vis du reste du monde de vérifier ce qui doit être dit. Ceux-là disent quelques fois des choses pour complaire le monde extérieure, pour tromper le monde extérieure, ça ne correspond pas à la réalité. La réalité, c’est leur nature criminelle, avérée, patente…

Présentateur : Les agences (de presse) officielles et françaises disent cela, on peut le lire partout, ce n’est pas moi qui l’ai inventé !

IBK : Ils disent quoi…ils disent quoi… Je n’ai pas compris. Les agences (de presse) françaises disent quoi ? Je n’ai pas compris.

Présentateur : Les agences (de presse) françaises disent ce que je suis en train de dire, que les populations ne se sentent pas en sécurité, même dans la capitale et que les populations souffrent pour cause de la pauvreté…

IBK : Il y a aujourd’hui un constat universel, peut-être à Doha (capitale Qatarienne où se tient l’entretien NDLR), sinon je ne connais pas de pays au monde aujourd’hui où l’on se sent totalement en sécurité. Je ne sais pas, peut-être à Doha. Mais je note qu’au Mali, il ya eu au mois de janvier un sommet qui a réuni 35 chefs d’Etats… (Interruption)

Présentateur : (avec un air moqueur) Et nous demandons à Dieu que ça continue !

IBK : Cela dit cher ami, nous ne sommes pas naïfs pour penser que tout est beau et rose. Nous ne sommes pas stupides à ce point. Nous savons qu’il y a des problèmes et nous faisons face à ces problèmes. Mais je dis que ceux qui commettent ces actes de terrorisme, disent ce qui leur plait pour pouvoir tromper le monde entier. Et je crois que vous êtes un homme assez avisé, assez cultivé pour être à l’écoute du monde et savoir le bon grain de l’ivraie, la vérité du mensonge. Dans ce domaine, il y a énormément de mensonge. Ce qui reste constant, ce sont les faits dont je viens d’indiquer. Comment qualifier le meurtre froid, totalement gratuit, d’un vieil imam quand on se dit musulman. Un vieil imam… (Interruption)

Présentateur : Oui, ce sont des crimes inacceptables, je parle maintenant de la sécurité dans la capitale elle-même où les populations ne se sentent pas en sécurité. Etant premier ministre vous avez pu mieux faire qu’étant président de la République ?

IBK : Le président (de la République) que je suis est arrivé en 2013, a trouvé un pays qui n’était pas un Etat, désorganisé, une armée qui n’était pas une armée qui est en reconstruction. Des forces de défense inorganisées que nous sommes en train de reconstruire. Nous sommes en train de mettre en application une reforme du secteur de la sécurité. Nous n’avons pas trouvé un Etat. Nous sommes en construction d’un système qui s’était écroulé. Et nous avons eu une urgence, ne l’oubliez jamais, il fallait réussir à faire la paix avec les groupes armés, cela, nous l’avons réussi… (Interruption)

Présentateur : De quels groupes parlez-vous ? Vous en avez assez !

IBK : Je parle des groupes signataires de l’accord de paix et la réconciliation. Ces groupes qui étaient armés et opposés au gouvernement du Mali et luttaient contre le gouvernement central du Mali. Ces groupes qui étaient avec nous en Alger et avec lesquels nous avons signé un accord le 15 mai 2015 et avec lesquels nous avons signé un accord définitif de paix le 20 juin 2015. Cela devait être fait cher ami, il fallait amener ces groupes à la conviction qu’en face d’eux il y avait des hommes désireux de paix et sincères dans leur volonté de paix. C’est cet accord que nous sommes en train d’appliquer aujourd’hui et vous pensez que nous allons faire cela avec moleste, avec paresse, de manière biaisée, non ! Nous savons très bien que notre pays a besoin de l’accord pour la paix et que l’accord pour la paix n’est pas le meilleur accord, mais il nous offre un cadre possible dans lequel on peut évoluer vers une bonne paix.

Présentateur : Qu’est-ce qui a été réalisé 2 ans après la signature de l’accord ?

IBK : Beaucoup ! Beaucoup cher ami ! Il n’y a plus de guerre entre nous. Les membres des groupes armés circulent dans le pays, personne n’a jamais touché à personne en le reprochant d’avoir pris les armes dans le temps. Nous avons également au plan institutionnel, je vous l’ai dit, deux nouvelles régions qui ont pu mettre en place leurs autorités intérimaires, dont les dernières il y a 20 jours. Nous avons avancé sur le chemin de la paix, il reste beaucoup à faire et nous le ferons. In Challah !

Présentateur: Les guerres entrainent des refugiés et vous vous êtes appuyé sur la question dans votre discours au forum de Doha. Parlant des refugiés vous avez démenti devant le président français le 16 janvier à Bamako de n’avoir pas signé un accord de réadmission, où en est on avec cette situation ?

IBK : On n’a pas signé d’accord, je suis un homme d’honneur ! Ce n’est pas vrai. Il y a eu un démenti cher ami.

Présentateur : Pourquoi les européens le disent alors ?

IBK : Je n’aurais pas dit ce que j’ai dit avec le président Hollande à côté si ce n’était pas vrai. Je suis un homme d’honneur, Nous n’avons pas signé d’accord de réadmission. Ce ministre (Bert Koender’s) a voulu nous mettre dans l’embarras, mais nous avons réagi vigoureusement parce que nous n’aimons qu’on nous méprise quelque part. Quant on respecte quelqu’un qui vous reçoit avec dignité et avec honneur, qu’on ait au moins la courtoisie de dire ce qui s’est passé dans la réalité. Nous sommes un pays d’honneur et de dignité, nous assumons ce que nous faisons. Nous avons toujours dit que la détresse de nos parents à l’extérieur est assez grande pour que le gouvernement ajoute encore en donnant un document qui autorise à faire d’eux ce que l’on veut. Les différents gouvernements du monde où sont nos ressortissants, sont des gouvernements souverains, ils peuvent prendre des décisions qu’ils veulent, mais qu’ils ne nous amènent pas à être co-auteurs de ces documents.

Présentateur : Le sommet franco-africain qui a enregistré la participation de 35 chefs d’Etats à Bamako ; n’était-il pas une reconnaissance de l’influence politique et économique de la France sur ces pays ?

IBK : Oh non…non ! Je crois que l’histoire est l’histoire. Vous savez, nos pays ont un égal souci de dignité. La France également connait nos pays et les respecte. Les parcours coloniaux n’ont pas été de longs parcours tranquilles. Nos pays n’ont toujours pas subi la période coloniale de manière passive, surement pas ! Il y a eu beaucoup de révolte, il ya eu beaucoup de remise en cause. Aujourd’hui, l’intelligence élémentaire veut que nous considérions le passé comme le passé et que nous envisagions un avenir de coopération mutuellement avantageuse. Vous avez vu des pays qui sont dans des vives tensions avec la France qui sont venus là (au sommet Afrique-France). Le président Mugabé du Zimbabwe est venu, le président Paul Kagamé (du Rwanda) est venu, ils ont dit avoir fait le déplacement pour le Mali et son président. Parce qu’ils nous savent, ils nous savent hommes d’honneur, de dignité. Je crois que c’est ça, et le président Hollande est l’homme qui a compris cela également aussi.

Présentateur : Votre présence dans le Franc CFA est-elle une continuation de la dépendance à l’égard de la France ?

IBK : Cher ami, le Franc FCFA est une grande question en débat. Bien sûr, on sait que la monnaie est un instrument de souveraineté. Tout le monde sait ça. Il y a eu, au sortir des indépendances, un accord de coopération monétaire avec la France. Cet accord à ce jour est diversement commenté et apprécié, mais tant que cela n’a pas de préjudices négatifs avérés à nos pays, cela continue. Mais je peux vous dire également aussi qu’au plan africain et régional la réflexion est en train d’avancer assez rapidement vers une indépendance monétaire de nos zones économiques respectives. La CEDEAO a assez avancé dans la réflexion pour une monnaie commune, mais là, il ya encore le problème des zones anglophones et lusophones. Nous sommes assez avancés, c’est dire que nous sommes conscients de ce problème et nous espérons travailler à trouver la meilleure formule pour nos économies. Cela sans aucun préjudice pour la solidarité économique qui a été tissée au nom des années entre les économies des différents pays et la France et les pays européens.

Présentateur : Les Etats-Unis ont des relations militaires avec 49 pays africains, quelles est la nature de ces relations militaires entre les Etats-Unis et le Mali ?

IBK : Elles sont bonnes ? Depuis notre indépendance, nous avons voulu d’abord être un pays non aligné, donc nous n’avons pas voulu faire des fois d’un système précis. Nous avons coopéré avec tous les pays du monde. Singulièrement les Etats-Unis d’Amérique. Et nous avons formé des militaires aussi qu’aux USA, que dans l’ancienne URSS. Nous sommes équipés aux Etats-Unis qu’en URSS. Nos militaires y ont été formés et nous avons mêmes eu des opérations conjointes avec les Etats-Unis. Nous sommes un pays ouvert, sans complexe de coopération avec tous pays du monde pourvu que le Mali y trouve son intérêt, pourvu que cela puisse avancer les intérêts réciproques, bien entendu des deux parties.

Présentateur : A part les français et les américains, est-ce que vous avez d’autres troupes dans votre pays ?

IBK : Non, nous n’avons pas de forces américaines, nous coopérons avec les Etats-Unis, mais nous n’avons pas de forces américaines…

Présentateur : Seulement des forces françaises ?
IBK : on a des forces françaises qui sont sur la bande sahélienne dans une opération appelée ‘‘Barkhane’’. Il y a d’abord eu l’opération ‘‘Serval’’ qui a permis de stabiliser le nord Mali et qui est maintenant une opération sous mandat des Nations Unies de lutte contre le terrorisme (‘‘Barkhane’’ NDLR), qui couvre toute la zone sahélienne et qui est basée à N’djamena. Il n’y a pas de troupes américaines au Mali. Nous coopérons avec les Etats-Unis en matière militaire, de sécurité, d’équipements, de renseignement, mais pas de troupe au Mali.

Présentateur : Vous êtes au pouvoir, il y a quatre ans, quelles sont les promesses politiques que vous n’avez pas pues encore tenir ?

IBK : Hélas… Cher ami hélas ! J’aurais voulu avoir un bilan plus vaste ! Au jour du bilan, je dirai ce qui a marché et ce qui n’a pas marché. J’ai encore un an… Aujourd’hui il reste encore un peu de temps pour essayer d’avancer et de voir ce qui devait être fait, ce qui n’a pas été, si cela peut-être fait ou entamé. Le travail de l’Etat est un travail qui n’est jamais fini, vous commencez, quelqu’un d’autre peut achever. Mais pour l’essentiel, ma tâche la plus importante était la paix. Et sur le chemin de la paix, je dis que ‘‘Al’hamoudoulaye’’ (Dieu merci NDLR), avec l’appui de tous les pays y compris du pays où je suis (Qatar), nous avons pu beaucoup avancer.

Présentateur : Que pouvez-vous promettre à votre pour la seule année qui vous reste au pouvoir ?

IBK : Cher ami, je suis un homme qui aime réaliser qui n’aime pas beaucoup promettre. C’est pour ça que je suis à l’aise, je n’ai pas beaucoup promis. J’ai dit nous réussirons ensemble. Je souhaite, puisque c’est sur ça que vous voulez m’amener, que mon peuple ait plus d’accès à l’eau potable. C’est une honte pour nous, cher ami, qu’en plein XXIème siècle, l’eau potable soit encore un problème. Je voudrais que mon peuple sorte de l’obscurité, que l’électricité soit enfin disponible dans tous les villages du Mali, je le souhaite de tout mon cœur. Je souhaite que les enfants du Mali aient accès à l’école, tous, dans les bonnes conditions, pas dans les classes surchargées. Dans les classes où ils peuvent apprendre, dans les classes dignes de ce nom. Je souhaite que les hommes et les femmes du Mali aient accès à la santé dans des conditions dignes d’être humains du XXIème siècle. Voilà mes souhaits. Croyez-moi, dans tous ces chantiers, nous tacherons de faire autant que nous pourrons. Pour tout cela nous n’avons besoin que de la paix. C’est pourquoi, je n’ai aucun intérêt à freiner la paix. Je suis très content quand je vois aujourd’hui que des chantiers qui me tiennent à cœur, telle que la route qui va à Kidal pour désenclaver nos parents du nord, vont se dérouler ; quand je vois que Kidal va avoir un aéroport digne de ce nom, que Taoudéni va avoir, ‘‘inchallah’’, son aéroport pour désenclaver, pour que la réalité malienne devienne quelque chose de tangible par rapport à nos souhaits. Créer une région est une chose sur le papier, la rendre vivante avec les hommes et les femmes dans des conditions de vie acceptable et de dignité, est également une de mes ambitions. Et je souhaite également, pour pouvoir me rendre dans ces régions …(Interruption)

Présentateur : M. le président, vous parlez de choses essentielles pour la vie qui manquent : l’eau, l’électricité, les hôpitaux ! Pourquoi ces réalisations n’ont pas pu être faites dans ces domaines pendant des années ?

IBK : Cher ami, voilà la question précisément, c’est là que le phénomène de corruption intervient et nos parents du nord le savent, des milliards ont été investis dans le nord du Mali avec vocation de développement du nord, de Kidal notamment, souvent dans des projets dirigés par des frères originaires de la région. Mais le résultat n’est pas là. Hélas ! Hélas ! Hélas ! Là, comme ailleurs, le phénomène de corruption a été ambiant. C’est pourquoi nous le combattrons. En plus, aujourd’hui, il y a eu une prise de conscience au niveau international. Il y a une implication au niveau international qui nous a valu à la conférence de Paris de mobiliser des ressources à hauteur suffisante pour pouvoir impulser le développement du nord du Mali… (Interruption)

Présentateur : Qu’est-ce qui vous empêche en tant que président, de mettre fin à la corruption ?

IBK : Je suis en train de le faire justement. JE suis président du pays depuis 3 ans et demi…3 ans et demi… 3 ans et demi dans la vie d’une nation. Vous me direz : ‘‘vous avez été premier ministre avant, vous avez ministre avant, président du parlement’’, l’histoire jugera… (Interruption)

Présentateur : Si ! Vous connaissez bien l’Etat !

IBK : Si j’ai été élu avec le pourcentage qui a été le mien, c’est que l’attente était forte à ce niveau par rapport à l’homme que l’on connait. Et si cet homme n’a pas eu les résultats flamboyants qu’on le souhaitait, il n’a pas trouvé un pays normal, un pays dont il s’agissait simplement de promouvoir le développement. Il s’agissait d’abord d’assurer la paix dans ce pays, de calmer les passions, d’arrêter le bruit des armes. Ce n’est pas évident dans un pays. C’est déjà une tâche de toute une vie que nous avons pratiquement réussie, le reste, nous le réussirons In’challah !

Présentateur : Donc le peuple malien attend de vous dans une année et demie une lutte contre la corruption ?

IBK : Entre autres ! Et ça a commencé par la mise en place de l’office centrale de l’office centrale de lutte contre l’enrichissement illicite. C’est un indicateur !

Présentateur : Ma dernière question, est-ce que vous avez l’intention de vous présenter pour un nouveau mandat pour réaliser ce que vous n’avez pas pu faire ?

IBK : En tant que croyant, je m’en remettrai à ‘‘Allah Soubahanatalaye’’ (Dieu). sa volonté sera faite. Je ne suis que l’humble instrument de sa volonté.

Présentateur : Nous le sommes tous (des instruments de Dieu NDLR), mais il y a des personnes auxquelles Dieu donne le pouvoir pour changer la vie des autres…

IBK : (rires) Si c’est cela la volonté d’Allah Soubahanatalaye (Dieu), je ne me soustrairai pas. Je vous remercie !

Transcrit par Djibi Samaké
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