Pour éviter l’arrêt de l’activité ferroviaire en attendant la mise en œuvre du nouveau schéma institutionnel, les Etats du Mali et du Sénégal avaient signé une convention de concession avec Transrail-SA en 2003.
Le Sénégal a alors transféré ses prérogatives de service public au PTB, mais notre pays a tout simplement signé la convention pour ensuite laisser un vide juridique doublé d’un manque de suivi.
Conséquences, de 2003 à 2016, le partenariat avec la société Transrail a non seulement été un cuisant échec, mais aussi il aura couté inutilement à l’Etat Malien plus de 58 milliards de nos francs.
En effet, la question du train voyageur (Bamako-Dakar) est devenue un point de crispation. Le niveau de technicité des ouvriers du chemin de fer et celui de la dégradation de l’outil de travail ont donc poussé notre pays et le Sénégal à mettre en œuvre une concession conjointe des réseaux nationaux.
Il s’agit à travers cette concession, d’éviter l’arrêt de l’activité ferroviaire en attendant la mise en œuvre du nouveau schéma institutionnel.
Le Sénégal a alors transféré ses prérogatives de service public au PTB, ce qui a porté ses fruits. Parce que, au jour d’aujourd’hui, force est de constater que, ni le transport ferroviaire de voyageur au Sénégal, ni celui de minerai ne souffre des péripéties de la concession.
Par contre, notre pays, le Mali a tout simplement signé une convention d’un an avec Transrail-SA pour ensuite laisser la place à un vide juridique total doublé d’un manque notoire de suivi qui menèrent immanquablement à des contestations de soldes de part et d’autre, sans parler des accusations de fraude et autres.
Les locomotives affectées à ce transport souffraient déjà d’un arrêt prolongé au moment de la passation de services. Aussi, le programme de réhabilitation proposé en son temps était très loin de couvrir les besoins réels pour remettre les machines dans un état de fonctionnement correct.
Ce partenariat de concession entre l’Etat du Mali et la société Transrail a été un échec total sans que le concessionnaire ne porte la moindre responsabilité. Et, le non-paiement par Transrail-SA de certaines obligations réglementaires ou contractuelles qui équivaut à une forme des subventions d’exploitation déguisées, ne disent pas leur nom.
Déjà, l’offre financière de la concession de l’axe ferroviaire Dakar-Bamako fixait un prix d’acquisition global des matériels RCFM et SNCS de 10.680.000.000 FCFA. Cette somme qui correspond à l’offre financière du groupement Canac-Getma, inclue aussi l’achat des stocks et divers équipement. Alors que, la déduction faite de la moitié des frais de l’inventaire initial conformément à l’article à l’article 2-2 de la convention de concession a finalement été de 10.725.520.563 FCFA, soit 4047.370.300 FCFA pour le Mali et 6.678.150.263 FCFA pour le Sénégal
Le remboursement de ces montants était prévu en 40 paiements trimestriels constants, après un différé de cinq ans à partir de l’entrée en vigueur de la concession à un taux de 3% par an. Et, à la réunion de décembre 2007 à Paris, l’Autorité concédante s’est engagée à convertir cette dette en Dette à Long Terme avec un différé de deux ans minimum.
L’Etat du Sénégal a alors converti en subvention d’équipement la dette du contrat d’acquisition des matériels ferroviaires de l’ex Société Nationale des Chemins de Fer du Sénégal, soit la somme de 6.678.150.263 FCFA. Toute chose qui a largement contribué à la recapitalisation de Transrail qui était alors confrontée à l’obligation de reconstitution de la moitié de son capital initial au plus tard le 31 décembre 2009. De même que le contrat pour l’acquisition des matériels de l’ex Régie du Chemin de Fer du Mali portant sur la somme de 4.047.370.300 FCFA.
Ainsi, le Sénégal a suggéré au Mali d’abandonner sa créance consécutive à l’acquisition des matériels ferroviaires à Transrail-SA afin d’améliorer les fonds propres dans la même logique que le pays de la Teranga, ce à quoi la partie malienne s’était opposée lors de la réunion du comité ad ‘hoc des 6 et 7 juillet 2011.
Tant d’argent, pour rien !
Au titre de la redevance de concession due à l’autorité concédante, Transrail reste devoir de 2003 à 2015, au Mali la somme de 4. 545.227.583 FCFA (quatre milliards, cinq cent quarante cinq millions deux cents vingt sept mille cinq cent quatre vingt trois).
Tandis que, les avances consenties à l’OSAF (organe de suivi de l’activité ferroviaire sur l’axe Dakar-Bamako), pour le financement de son budget, font un total de 407.184.608 FCFA et déduites de la redevance fait apparaitre un solde de 4.138.042.975 FCFA.
Aussi, en septembre 2009, l’Etat du Mali a loué à Transrail deux locomotives GM (X1 et X2) moyennant une rémunération mensuelle de 5milllions par locomotive soit 10 millions de FCFA par mois. Depuis cette date, aucune mensualité n’a été payée par Transrail, soit un cumul d’impayés de 760 millions au 31 décembre 2015.
Suite à l’état de dégradation avancée de l’outil de production ferroviaire, les Etats du Mali et Sénégal ont aussi décidé en 2011, de venir au secours de la société concessionnaire, par le financement d’un programme d’investissement d’extrême urgence de 4 000 000 000 FCFA dont 2 000 000 000 FCFA par Etat.
Ce financement a été assuré sur les budgets 2012 et 2013 de l’Etat du Mali et constituait une avance de l’actionnaire Mali dans le cadre de la recapitalisation de Transrail. A cela s’ajoutent le paiement des salaires de décembre 2015 à février 2016, soit 946 512 053FCFA, une avance que l’Etat du Mali a faite à la société.
L’Etat du Mali a aussi payé à Transrail-SA dans le cadre de la substitution d’employeurs, la somme de 797 468 692 FCFA, au titre des provisions pour l’indemnité de départ à la retraite des 763 maliens repris par la société, le 1er octobre 2003. Au 31 décembre 2015, les provisions pour indemnités de départ à la retraite des agents de Transrail sont évaluées à 1 138 553 632 FCFA.
La société Transrail a également bénéficié de la rétrocession de trois emprunts IDA (association internationale de développement) contractés par les Etats d’un taux concessionnel de 0,75% rétrocédés à la société au taux marchand de 4%. Il s’agit de IDA 2617 MLI: 1280000 DTS (environ 1.000.000.000 FCFA) et IDA 3869 MLI : 2.800.000 DTS (environ 2.200.000.000 FCFA). Et, les charges financières encourues sur ces deux emprunts au 31 décembre 2015 s’élèvent à 1.654.644.251 FCFA. De même que Transrail a également bénéficié d’un emprunt direct par substitution d’emprunter suivant la convention de concession d’un prêt AFD (agence française de développement) de 3.500.000.000 FCFA.
Cet emprunt a exclusivement servi à la construction de la gare marchandise de Korofina et devrait être repris par l’Etat du Mali dans le cadre de la future création de la société de patrimoine. A ce niveau aussi, les charges encourues sur cet emprunt au 31 décembre 2015 s’élèvent à 3.380.041.685 FCFA.
Que des dettes impayées…
Par ailleurs, il faut noter que la société Transrail-Sa doit également beaucoup au trésor public de notre pays. Et, les arriérés d’impôts et taxes que Transrail doit au trésor public au 31 décembre 2015 sont estimés à 6.971.181.529 FCFA, dont 616.215.407 FCFA pour la seule année 2015.
Aussi, pour les cotisations sociales, lors de la réunion des créanciers de Paris de décembre 2010, l’INPS avait demandé à Transrail de s’acquitter de la part qui correspond à la retenue salariale soit 15% des 1.040.104 .961 FCFA représentant le solde au 31 décembre 2010, soit 156 025 744 FCFA. A l’occasion, il avait aussi été demandé à Transrail de veiller à payer les cotisations courantes à bonne date pour compter du 1er janvier 2011, ainsi le solde des arriérés restant sera alors inscrit dans le plan d’apurement du passif sur trois ans arrêté à ladite réunion.
Depuis cette date, Transrail n’a payé que 68 906 034 FCFA représentant les 15% des cotisations des cinq premier mois de 2015. Toute chose qui a laissé subsister un encours d’impayés de 3 209 851 208 FCFA au 31 décembre 2015, dont 327 982 177 au titre des impayés du seul exercice 2015.
La Société Transrail a aussi laissé au 07 mars 2016, une dette fournisseurs au Mali de 2. 155. 488 931 FCFA. La dette intérieure du Mali englobera très certainement cette arriérée du fait du mode de résiliation du contrat de concession. A noter que cette dette ne concerne que les fournisseurs maliens.
En somme, d’octobre 2003 à mars 2016, la concession a été un échec et elle aura couté à notre pays la somme de 58 601 686 564 FCFA sur une période de 149 mois soit 393 299 910 FCFA par mois.
Autrement dit, ce partenariat aura coûté à l’Etat du Mali en termes de subventions directes et déguisées, la bagatelle de près de 40 milliards de FCFA (soit 30 601 686 564 FCFA), 16 000 000 000 FCFA comme coût d’acquisition des matériels voyageurs et environ 12 000 000 000 FCFA pour le plan social.