Au Mali, l’après-guerre a déjà bel et bien commencé. Les partis politiques commencent à reprendre leurs activités. Et la résistance des djihadistes est devenue simplement résiduelle. Fort de ce constat, et disposant certainement de données précises sur la réalité du terrain au Nord-Mali, le président français, François Hollande, a annoncé avant-hier, le retrait de ses forces militaires en fin avril. Comme il l’a fait avec l’Afghanistan, il faut reconnaître à Hollande d’être un dirigeant politique qui tient ses promesses, surtout sur les terrains diplomatique et militaire. Prenons donc son propos comme l’expression et la traduction concrètes d’une démarche et d’une volonté politiques cohérentes. Par conséquent, malgré le rôle héroïque joué par les soldats français dans la guerre contre les djihadistes, la France ne peut, effectivement s’éterniser au Mali. Reconnaissons qu’elle a déjà beaucoup fait, et surtout qu’elle a payé un lourd tribut humain dans cette guerre. Sans oublier, bien sûr, le coût financier lié aux opérations militaires, alors que le pays traverse une grave crise économique et sociale. Jusqu’où l’opinion française est-elle prête à suivre son président ?
Mais avec ce retrait annoncé des troupes françaises, d’ici un mois sur le terrain, que se passera-t-il concrètement ? Certes, on peut interpréter l’annonce du président français comme une façon de mettre la pression sur les dirigeants africains afin qu’ils s’activent pour prendre la relève des soldats français. Bref, Hollande vient de mettre les Africains face à leur responsabilité. Il exige que la MISMA soit vite opérationnelle, que les armées africaines, à l’exception de celle du Tchad, accélèrent leur déploiement au Nord-Mali.
Or, culturellement parlant, appeler les choses par leur nom, parler de ce que l’on souhaite et comme on le doit, ne sont pas choses faciles en Afrique. Le vrai problème, avec la crise malienne, c’est qu’elle aura permis de mettre à nu ce à quoi il faudra bien s’habituer à appeler le stoïcisme africain, c’est-à-dire cette attitude d’indifférence totale, mais source de joie et de bonheur, face au mal.
Tant que nous n’aurons pas appris à le reconnaître, et à le nommer, collectivement, au Nord-Mali, nous resterons dans une impasse totale. Et tous ceux qui prétendent le contraire devront nous fournir de sérieuses et crédibles justifications sur cette auto-résignation africaine. Quant à l’étoile des armées ouest-africaines, avec la crise malienne, elle ne cesse de pâlir, et sa réputation morale est déjà en fort déclin.
Pourtant, la libération du Nord-Mali est loin d’être achevée, et l’unité du Mali est encore loin d’être recréée. Le spectre djihadiste reste une menace constante et réelle. Nos dirigeants doivent renoncer au charlatanisme incantatoire pour affronter, avec efficacité, la dure réalité de la lutte permanente contre le terrorisme djihadiste. Il serait temps qu’ils se convertissent, très sérieusement, à l’éthique de la responsabilité. Sinon, s’ils continuent à se montrer aveugles à ce qui se passe au Nord-Mali, et à contempler, du haut de leurs palais, la menace djihadiste, nous craignons qu’après le retrait des troupes françaises, toute l’Afrique soit rattrapée par les désillusions de l’après-guerre. On ne va pas passer le temps à dénoncer, de manière sempiternelle le djihadisme, sans jamais oser l’attaquer, le combattre frontalement. Allons-nous abdiquer à toute responsabilité en ce qui concerne notre propre condition sécuritaire collective au XXIe siècle ? Evidemment, non ! Mais le premier devoir de chaque Africain est de le comprendre. Alors, secouons-nous !