La gouvernance du pétrole et du gaz sénégalais est entrée dans un cycle autoritaire qui tourne le dos aux conflits entre un président de la République qui détermine la politique du gouvernement, et des collaborateurs qui n’en sont que des exécutants. C’est pour avoir refusé de mettre en œuvre un tel schéma que Thierno Alassane Sall a quitté ses fonctions (voir ailleurs http://www.impact.sn/TIMIS-BP-TOTAL-La-resistance-froide-de-Thierno-Alassane-Sall-au-duo-Macky-Sall Abdallah-Dionne_a3686.html). Désormais, Macky Sall est en roue libre, avec une politique autoritaire très verticale.
La situation du secteur gazier et pétrolier et sénégalais est l’objet de toutes les attentions de la part des plus hautes autorités sénégalaises. Elles ont bien raison eu égard à l’importance des découvertes annoncées par les différentes compagnies et, plus globalement, aux enjeux essentiels que porte le secteur du gaz et du pétrole dans le développement du pays, dans le bien-être présumé que les populations sont en droit d’attendre des retombées économiques et sociales de l’exploitation effective des ressources.
Mais aujourd’hui, l’urgence est ailleurs pour le gouvernement. Notamment dans le resserrement de l’étau autour de la gouvernance du gaz et du pétrole. Le départ de Thierno Alassane Sall de son poste de ministre de l’Energie a permis au président de la République d’octroyer des pouvoirs quasi exceptionnels à son Premier ministre, Mohamed Boun Abdallah Dionne.
Il reconfigure une gestion verticale du secteur en limitant les transactions, négociations et conclusions d’accords éventuels uniquement entre le Palais et la Primature. Désormais, c’est une équipe de fidèles politiciens et experts situés à quelques foulées les uns des autres qu’il revient de donner corps aux desiderata présidentiels. À leur tête, le Premier ministre, ami de longue date du chef de l'Etat, prêt à dégager tout obstacle...
Un secteur pétro-gazier bétonné
Au vu des résistances opposées à sa vision par l’ex-ministre, le président de la République s’oriente donc dans une dynamique de pilotage plus autoritaire qui ne fait courir aucun risque à son agenda pour le secteur. Il veut aller très vite dans la concrétisation des contrats pétroliers et gaziers qui, à ses yeux, conditionnent en grande partie la réussite de beaucoup de projets à caractère social.
Les obstacles liés à une diversité de vision et de propositions en ce qui concerne la gouvernance du gaz et du pétrole sénégalais ne peuvent plus être de mise. L’émergence n’a pas de temps à perdre, dirait un inconditionnel du président. L’accélération de la cadence présidentielle obéit également à des impératifs politiques très immédiats. La gestion nébuleuse du cas Timis, mettant directement en cause une partie de la famille présidentielle, a besoin d’être soldée dans les plus brefs délais.
À cet effet, la plupart des acteurs qui suivent le dossier pétro-gazier sénégalais sont convaincus que la cession au groupe BP des 30% de participations minoritaires détenus par Frank Timis entre dans une logique d’expulser définitivement l’homme d’affaires de la géographie locale des hydrocarbures. Autant pour ce que cet homme représente, un boulet aux basques du pouvoir qui donne de la matière à une opposition très combattive et non dépourvue d’arguments sur la question, que pour la symbolique qu’il incarnerait en termes de mauvaise gouvernance.
Par ailleurs, il n’échappe à personne que le Sénégal est à la veille d’élections législatives déterminantes pour l’avenir du régime en place. Une reconduction de la coalition Benno Bokk Yaakaar comme première force parlementaire à l’assemblée nationale faciliterait de manière significative la poursuite de l’administration directe et autoritaire du secteur pétro-gazier conformément à la vision du président de la République.
Mais il semble que Macky Sall ne souhaite prendre aucun risque car un retournement de situation de l’électorat au soir du 30 juillet redistribuerait les cartes en apportant un nouvel équilibre des forces politiques : la majorité mécanique ne serait alors plus de mise, le chef de l’Exécutif serait alors contraint de composer avec une opposition parlementaire… Perspective pour le moment lointaine !
Momar DIENG