L’Association de recherche de communication et d’accompagnement à domicile des personnes vivant avec le Vih/sida (ARCAD-SIDA), en collaboration avec la Commission santé de l’Assemblée nationale, a organisé un atelier de plaidoyer pour informer et sensibiliser les décideurs et les forces de l’ordre afin de les amener à mieux comprendre le problème de santé publique des consommateurs de drogues injectables.
La rencontre présidée, hier dans la salle de conférence de la Commission santé, par le représentant de la Commission, le Pr Kalilou Ouattara, député élu en Commune III, s’est déroulée en présence de la directrice exécutive de ARCAD-SIDA Mali, Dr Dembélé Bintou Keita. En effet, il s’agit d’alerter et d’interpeller les décideurs sur la propagation du Vih et du sida liés à la consommation de la drogue, notamment de la drogue injectable. Il faut souligner que la rencontre a été marquée par deux communications faites par le Dr Alou Coulibaly et Souleymane Bocoum. Il ressort de l’analyse des spécialistes, la nécessité et l’urgence de développer une politique générale pour mieux prendre soin des consommateurs de drogues et surtout de créer un centre spécialisé pour leur prise en charge.
Selon le Dr Alou Coulibaly, l’incidence du Vih chez les consommateurs de drogues injectables au niveau mondial, est 28 fois plus élevée que chez la population générale. En Afrique, cette prévalence élevée dénote de l’existence d’une forte vulnérabilité associée à cette pratique. Dans le contexte malien, l’usage de drogues est de type répressif. Dans notre pays, il n’existe pas de données sur la consommation de drogues injectables et ses conséquences sanitaires. La prévalence du Vih dans la population générale est estimée à 1,1% tandis qu’elle est de 5,1% chez les consommateurs de drogues injectables.
Le spécialiste de ARCAD-SIDA a aussi révélé que dans notre pays, la consommation de drogues est très fortement stigmatisée. Ce qui marginalise davantage les personnes ayant des problèmes de toxicomanie, a expliqué Dr Coulibaly. L’accès aux soins pour les consommateurs de drogues injectables de Bamako est très limité. Ils ne se rendent pas dans les services de dépistages et de prise en charge du Vih parce qu’ils redoutent le regard des autres, la peur d’être jugé par autrui. A en croire le médecin, les enquêtes d’ARCAD-SIDA Mali ont révélé que sur les 500 personnes qui consomment la drogue, environ 98,2 % sont des hommes. Les ¾ consomment la drogue, au moins à l’âge de 10 ans. Ils ont un niveau minimal d’instruction et bénéficient de bonnes conditions d’hébergement mais 90% vivent en isolement.
Par ailleurs, les produits qu’ils utilisent le plus souvent sont le cannabis, l’héroïne, entre autres. Ils sont deux fois plus infectés que la population générale car ils utilisent des seringues communes. Il est aussi avéré que sous l’effet de ces stupéfiants certains usagers ne pensent pas à l’utilisation de préservatif, lors notamment de relations sexuelles à risque. Mais il reste que les personnes qui s’adonnent à ces pratiques néfastes pour la santé ont aussi des droits. C’est ce que le juriste à la Commission nationale des droits de l’homme, Souleymane Bocoum, a démontré dans sa présentation. Pour lui, tout le monde a droit à la santé, quels que soient l’âge et l’orientation sexuelle etc. Ce droit exige une disponibilité, une accessibilité et une qualité de soins.
« Les personnes qui s’injectent des drogues font partie des populations à plus grand risque pour le Vih », a précisé l’homme de droit avant d’ajouter que ce sont généralement des personnes marginalisées, criminalisées, stigmatisées et discriminées. Leurs peines sont plus restrictives que d’autres qui commettent des délits plus graves. C’est pour cela que le juriste estime qu’il est temps de briser le tabou. Il pense que les lois ont montré leurs limites et qu’il faudra mettre en place une politique générale qui prévienne et qui réduise réellement la consommation de drogue. Il faudra notamment traiter les consommateus comme des malades et non comme des criminels, a-t-il prévenu. Pour sa part, la directrice exécutive de ARCAD-SIDA a soutenu que la solution n’est pas la répression mais la prévention. Pour elle, il est temps que le Mali s’inscrive dans une dynamique de soins de ces malades spécifiques.
Enfin, elle a précisé que cette rencontre est une invite mais aussi une interpellation pour trouver une solution définitive à ce problème. Selon le Pr Kalilou Ouattara, ce sujet qui semble tabou, est un réel problème de santé publique aujourd’hui. L’élu de la nation estime que ces pratiques qui ont une répercussion sur la propagation du Vih et du sida doivent être évoquées au Parlement. C’est pour cela qu’il soutient la prise de mesures sur le plan sanitaire et le lancement de campagnes de sensibilisation pour en vue de circonscrire le phénomène. Il pense que la réflexion doit être menée en vue d’un projet de loi tendant à éradiquer la propagation du Vih et du sida à travers l’utilisation de drogues injectables.
Fatoumata NAPHO