Autocollants à l’effigie de François Hollande, chemises ornées de slogans pro-français, drapeaux tricolores: depuis le début de l’intervention militaire de Paris, le Mali célèbre comme jamais l’ex-puissance coloniale, ce qui suscite la surprise et quelques grincements de dents.
Sur le tableau en bois, au milieu des autocollants représentant Messi, Madonna, Ben Laden ou Kadhafi, surgit le visage du président français. «Madonna ne connaît plus le succès, maintenant c’est François Hollande!», explique à l’AFP Ousmane Traoré, vendeur sur un marché de Bamako, qui écoule ces articles pour quelques dizaines de francs CFA (quelques centimes d’euros).
Selon lui, «dès que quelqu’un a du succès, son autocollant marche très bien. Là, ce qui marche, c’est Hollande et Amadou) Sanogo», le capitaine qui avait pris le pouvoir par un putsch il y a un an jour pour jour, et qui reste populaire et influent malgré son retrait officiel.
A côté, un autre marchand se dit en rupture de stock pour les autocollants à la gloire du président français, qu’on retrouve fixés au guidon de certaines motocyclettes.
A une dizaine de mètres, une petite télévision dans une échoppe retransmet des images de François Hollande assurant cette semaine que, grâce à l’opération franco-africaine lancée le 11 janvier contre les islamistes qui occupaient depuis l’an dernier le nord du pays, le Mali aurait rétabli sa souveraineté sur presque tout son territoire dans «quelques jours».
Dans la capitale ou à Gao, ville du Nord où les drapeaux tricolores sont légion depuis que les militaires français ont mis en fuite les jihadistes, on croise aussi quelquefois des Maliens vêtus d’une chemise ou d’un boubou ornés du message: «merci à la France pour sa promptitude et son engagement».
«Humiliation»
«Je n’aurais jamais imaginé qu’autant de Maliens puissent acheter le drapeau français. Les premiers jours après l’intervention étaient irréels», raconte Souleymane Drabo, éditorialiste au quotidien gouvernemental L’Essor.
«Le sentiment anti-français était assez fort au Mali au moment de son indépendance (en 1960, ndlr) et lors des premières années post-coloniales, très nationalistes», rappelle-t-il. «Cette méfiance a perduré jusqu’à l’intervention française, et on a assisté à un retournement complet» depuis lors, dit-il.
«Les plus anciens, qui ont connu la lutte pour l’indépendance», ont dû «être frustrés de devoir leur salut à l’ancienne puissance coloniale», souligne-t-il.
Au lendemain du coup d’Etat de 2012, les efforts de la France et de l’Afrique de l’Ouest pour rapidement mettre sur la touche la junte du capitaine Sanogo avaient aussi donné vigueur à une rhétorique très critique envers Paris, dans les milieux favorables aux putschistes.
Mais, avec la guerre contre les «terroristes», ce discours a été mis en sourdine. La presse malienne a même fait état de la naissance de bébés «Hollande», et on évoque aussi des petits «Damien», ainsi prénommés en hommage à Damien Boiteux, le premier soldat français mort dans l’opération au Mali.
Cette grande vague de sympathie ne va pas, cependant, sans provoquer des grincements de dents, notamment dans les milieux intellectuels.
Dans une tribune parue sur le site Slate Afrique, l’écrivain malien Manthia Diawara, tout en saluant l’aide de la France, ne cache pas sa peine.
«J’ai ressenti l’intervention française au Mali comme une dose de réalisme qu’il fallait prendre avec beaucoup d’humiliation voire de la honte, parce que je croyais que mon pays était différent (…) des Républiques bananières (…) où le peuple, en voyant les soldats blancs arriver, jubile comme des enfants à la vue du Père Noël», écrit-il.
Pour lui, cette situation traduit «l’échec» de l’indépendance malienne et le «retour intégral sous l’hégémonie française».
Néanmoins, «la fièvre francophile est en train de retomber», tempère l’éditorialiste Souleymane Drabo. «Les gens reviennent à leurs problèmes du quotidien».