La région de Mopti est un centre religieux depuis le 12e siècle. Elle a abrité des universités islamiques qui recevaient des étudiants venant de toute l’Afrique, en particulier le Maghreb surtout à Djenné. A ce jour la population autochtone reste musulmane d’où les vestiges de ces universités islamiques a Djenné par exemple. L’étude coranique y est encore développée. Quel est l’état aujourd’hui, surtout avec l’éducation l’encadrement et l’insertion des enfants talibés ?
On dénombre près de 46 écoles coraniques appelées "kalanso" dans la petite ville de Djenné, selon Sarmoye Nialia prêcheur et maître coranique. Si aucun chiffre fiable n’est disponible auprès du service local du développement social, on peut estimer à 60 le nombre d’élèves coraniques en moyenne dans chaque école. Ils viennent du Seno, du pays Dogon, de Gao, Tombouctou et même des pays frontaliers comme le Burkina Faso.
Un seul objectif : apprendre le Coran. Selon Sarmoye Nalia, maître coranique, "si l’apprentissage du Coran est l’objectif principal avant de retourner chez eux ou prendre d’autres destinations, certains restent à Djenné pour poursuivre leur enseignement du ‘hadith’. A la fin des études, tous ceux qui sont de Djenné apprennent d’autres métiers comme tailleur, menuisier ou le petit commerce. Mais l’essentiel des élèves coraniques voient le vide devant eux".
Dans certains cas cette réalité devient dure. Tels des blessés de la société, ils sont en marge de la société. Ils vivent un drame dans le silence. Déjà, dans leur instruction, ils rencontrent d’énormes difficultés. Leur apprentissage est lamentable. Les plus petits ne savent même pas ce qu’ils apprennent. Le cas du petit Younouss 5 ans à peine est édifiant.
Il est venu de son Niafunké natal pour suivre un enseignement coranique à Djenné. Abandonné, il se bat seul chaque jour pour trouver ses trois repas quotidien. Dans cette quête, il n’est pas audible et ce sont ses larmes qui vous indiquent ses désirs. Quand nous l’avons abordé, il s’exprimait à peine car ne pouvant dire que le nom de sa ville natale, de son père et de sa mère. Il était totalement dépaysé au sein d’un groupe "aguerri dans ce statut de talibé".
Son cas n’est pas isolé. Loin s’en faut ! Beaucoup d’enfants souffrent le martyre. C’est plusieurs centaines d’enfants qui ont une vie quelque peu compliquée. Si la pratique, c’est à dire être talibé, ressortie de l’organisation sociale sous Sékou Amadou dans le Centre du Mali, aujourd’hui elle a un autre visage. On a l’impression que face à la vie qui devient de plus en plus dure, les parents abandonnent ou se débarrassent de leurs progénitures. Ce qui provoque une rupture entre les enfants et parents avec plusieurs conséquences.
Le cimetière des enfants
A l’origine, donner à manger à un talibé était considérée comme la part de toutes les familles dans l’éducation des enfants. Ce système était devenu une règle. En effet, en 1818 quand Sékou Amadou a définitivement conquis Djenné, il a installé un nouveau mode de gestion des ressources naturelles et du foncier : la "dîna". Si ce mode de gestion a confirmé la fonction des Bozos, il a surtout associé les "Rimaïbé" (en bamanan "fuladjons") à l’activité de pêche. A ce jour, les règles fixées par Sékou Amadou sont encore respectées comme un dogme. C’est de là qu’il faut tirer la source de cette mode d’éducation.
Présentement, les données ont changé. Le plus important c’est de savoir, quel avenir pour ces enfants ? Ils se retrouvent exposés à des maladies souvent incurables. Beaucoup d’entre eux perdent la vie dès l’adolescence. D’autres sont handicapés à vie. Les plus chanceux franchissent cette phase d’enfance et d’adolescence pour devenir majeurs. Là encore, sans aucun papier les identifiants encore moins un acte de naissance.
Toutes choses qui leur rendent la vie compliquée. Au mieux, ceux de la ville apprennent des métiers comme boucher, tailleur, commerçant détaillant ou même pour devenir marabout, etc. Ceux qui n’ont pas cette opportunité sont plus ouverts et favorables aux thèses du radicalisme religieux.
Irelie Dara