Le mardi dernier, les journalistes maliens ont tenu une Assemblée générale pour décider de la marche à suivre, surtout que notre confrère Boukari Daou sera jugé le 16 avril prochain pour incitation au crime et au délit et publication de fausses nouvelles. Il risque ainsi jusqu’à trois ans de prison.
«C’est un signal inquiétant par le fait qu’il se retrouve en prison. Mais on a demandé à ce que notre confrère subisse une procédure judiciaire normale. Nous faisons confiance en notre justice en attendant le procès », confie Mahamane Hameye Cissé, président du comité de crise mis en place par les journalistes. Parce qu’ils ne réclament pas d’exception pour eux et qu’ils veulent croire en la justice de leur pays, les journalistes ont décidé de ne pas relancer leur mouvement de grève de la semaine dernière. Néanmoins ils continueront de ne plus couvrir les informations d’ordre institutionnel jusqu’à nouvel ordre : une forme de réponse aux autorités. «Au niveau des autorités, je crois que c’est une forme de harcèlement et d’intimidation, et la pression sur les journalistes continue. Ce n’est pas normal, surtout dans cette phase que nous vivons», dénonce le directeur de publication du journal «Le Scorpion».
Cette solidarité agissante et ces actions concertées de la Presse malienne n’ont pas pu sauver ce soldat de la plume (Boukari Daou) dont le seul «crime» a été d’avoir publié une lettre ouverte d’un militaire dénonçant le salaire et les avantages accordés au Capitaine Sanogo, chef des putschistes du 22 mars 2012. On aurait pu le tolérer si Boukary Daou avait été seulement entendu dans le cadre de cette affaire, en attendant un procès en bonne et due forme, somme toute normale dans une procédure judiciaire. Mais de là à le priver de sa liberté, cela est difficilement concevable, surtout dans un pays qui, jusqu’à une date récente encore, était un exemple de liberté de presse. Mais en quelques mois, le Mali a effectué un grave recul : 62 violations de la presse depuis le renversement du Président ATT.
Le comble dans tout cela, c’est que le Président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, intervenant sur la question, a enfoncé davantage Boukary Daou en déclarant que la publication du document querellé pouvait démobiliser l’armée malienne au moment où la guerre se déroule au Nord contre les terroristes. Pendant qu’on y est, pourquoi le Capitaine Sanogo n’ose-t-il pas aller au front combattre les terroristes alors que c’est par lui que tout le mal est arrivé ?