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Révision constitutionnelle : Attribution des pouvoirs exorbitants au chef de l’Etat Attention IBK !!!
Publié le mardi 6 juin 2017  |  Le Matinal
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Le projet de révision constitutionnelle en cours commence à susciter des débats au sein de l’opinion publique nationale. Si les leaders politiques de l’opposition n’ont jamais fait mystère de leur désapprobation concernant ce projet de révision constitutionnelle mis en œuvre par le Président IBK, d’autres voix émanant des spécialistes du droit s’élèvent aujourd’hui contre ledit projet. En effet si, comme mis en exergue par certains, ce projet désormais voté par l’Assemblée Nationale vise tout simplement à « doter le Mali d’une nouvelle Constitution taillée sur mesure et non à modifier l’actuelle Constitution entrée en vigueur depuis 1992 », d’autres y voient des incohérences juridiques, en somme des éléments mis à dessein pour uniquement satisfaire aux velléités de partition du Mali émises par les groupes armés du Nord et leurs soutiens occultes. En ce sens qu’il enterre les articles 97 et 98 de la Constitution du 25 février 1992 sur la libre administration des collectivités.

Ainsi, le 20 avril dernier, la Commission loi de l’Assemblée Nationale a reçu le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, pour recueillir son avis sur la question. S’il est d’accord que les textes doivent être adaptés au contexte actuel du Mali, nous rapporte-t-on, l’opposant en chef trouve cependant que le moment choisi est inopportun. Comme arguments, Soumaïla Cissé avancera le fait que la Constitution du 25 février 1992 dans son Titre XVI (De la révision) dispose à l’article 118 (alinéa 3) : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire». Or, c’est justement devant ce cas de figure que nous-nous trouvons aujourd’hui, au Mali, l’intégrité du territoire national échappant au contrôle de l’Etat en raison de l’absence de l’administration dans de nombreuses localités du nord et du centre du pays !



Le chef de file de l’opposition fustige aussi la création d’un sénat. Selon lui, l’institution d’un parlement bicaméral dans le contexte actuel du Mali n’est pas nécessaire. D’autant plus que la nouvelle mouture de la constitution donne des pouvoirs exorbitants au chef de l’Etat. Ce dernier nomme les présidents de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et du Sénat. M. Cissé assimile cette situation à une monarchie, « Parce qu’il n’y aura aucune institution qui pourra destituer le Président de la République ».

Il semble aussi que si la nouvelle constitution venait d’entrer en vigueur, elle permettrait au Président de la République le pouvoir de déverrouiller l’alinéa 2 de l’article 118 de la Constitution qui dit : “(…) La révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par referendum”, en ce sens que le nouveau projet institue une procédure de révision constitutionnelle par voie parlementaire sur la simple saisine du Président de la République.

Menace de partition du pays

Et selon le Dr Bréhima Fomba, juriste, et chargé de cours à l’université de Bamako, le futur acte fondamental du Mali contient des propositions de modifications qui organisent véritablement la partition du pays, avec les articles 92 à 98 qui matérialisent suffisamment la constitutionnalisation de la libre administration au Mali.

Selon l’analyse de M. Fomba, l’article 92 est l’acte officiel d’enterrement des articles 97 et 98 de la Constitution de 1992 disposant respectivement que « Les collectivités territoriales sont créées et administrées dans les conditions définies par la loi » et que « Les collectivités s’administrent librement par des Conseils élus et dans les conditions fixées par la loi ». En effet, l’article 97 du nouveau projet stipule: « Les collectivités territoriales de la République sont la Commune, le Cercle, la Région, le District. Toute autre collectivité territoriale, le cas échéant, en lieu et place de celles-ci, ou à statut particulier, est créée par la loi ».

Comme si cela ne suffisait pas, le projet de loi constitutionnelle précise : «Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon et bénéficient dans les cadres législatifs ou règlementaires préétablis d’un large transfert de compétences et de ressources et jouissent de pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriées».

Et l’article 94 participe de cette même logique séparatiste : au niveau de son dernier alinéa : « Toutefois, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune ».

Le désormais « ministre artisan » de ce qu’il adviendra au projet de révision constitutionnelle, qu’il réussisse ou qu’il échoue, en l’occurrence Me Kassim Tapo, disait, lors d’une rencontre avec les acteurs droits de l’Homme : « La révision constitutionnelle que nous portons est la première priorité sur laquelle nous sommes en train de travailler ».

Et il y a vraiment de quoi car ce projet, tout comme ceux qui l’ont précédés, notamment avec Alpha Oumar Konaré et ATT, ne fait pas l’unanimité au sein de l’opinion nationale. En effet, si pour le pouvoir, le processus est plus que jamais une nécessité, pour tout d’abord renforcer l’autorité de l’Etat, puis prendre en compte les exigences de l’Accord, et aussi pour adapter la loi fondamentale aux réalités de l’heure, certains acteurs politiques tout comme ceux de la société civile, et même certains partis de la majorité présidentielle, y voient plutôt une tentative du pouvoir d’instaurer une monarchie Républicaine, avec des passages qui vont tout simplement soulager le peuple malien du peu de souveraineté qui lui reste. Donc, attention IBK.

D’autres vont plus loin, en arguant que le texte de la commission des experts a été remplacé par celui d’une obscure cellule spéciale. Des experts qui auraient d’ailleurs dénoncé la mise à l’écart de leur texte.
Une réaction appelant une autre, l’ancien ministre de la Justice, l’Avocat Me Abdoulaye Garba Tapo, verse lui aussi sa version des faits dans le dossier.

Les éclaircissements de Garba Tapo

« Je constate avec soulagement que les députés de l’opposition ont voté contre, ce qui est de leur honneur. Pour les députés de la majorité, si on peut les appeler comme ça pour des gens qui ignorent même pourquoi ils sont là, des godillots qui pensent qu’il y va de leur propre survie d’appuyer le pouvoir même dans ses errements, leur position est regrettable et honteuse, mais pas surprenante puisqu’ils sont là pour leurs seuls intérêts et les retombées parfois honteuses qu’ils tirent de leur mission.

Sinon les plus avertis auraient dû écouter les avis des juristes et même de certaines corporations qualifiées comme la magistrature qui tous jugent cette révision anti constitutionnelle ne serait-ce que par sa non-conformité avec l’article 118 de la Constitution qui prohibe une révision lorsque l’intégrité territoriale est menacée, et il est difficile de nous faire croire que ce n’est pas le cas en un moment aussi tragique que celui-là où la quasi-totalité du pays échappe au contrôle du pouvoir. Pourra-t-on qualifier de référendum la mascarade qui s’annonce, à moins que les députés n’aient pris à la lettre le terme de représentativité qui leur permettrait de voter à la place des maliens empêchés.

Chapeau à tous ceux qui ont refusé de se prêter à ce vote indécent et anti patriotique et honte à ceux qui trahissent la confiance du peuple malien par servilité ou de bas intérêts. Le Mali mérite mieux », a expliqué Me Garba Tapo, qui trouve la révision illégale et illégitime !

Mais le point qui semble être unanimement partagé est relatif au paragraphe de la constitution de 1992 qui dispose en son article 118 qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ».

En voulant coûte que coûte aller à la révision constitutionnelle, sa « révision constitutionnelle », le Président IBK ne fait-il pas preuve d’un déni de réalité, vu que plusieurs zones échappent encore au contrôle du gouvernement, le Mali étant dépecé et découpé en morceaux ?

Salif Diallo



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