PARIS - L'islamiste algérien Abdelhamid Abou Zeïd, dont la mort a été confirmée "de manière certaine" samedi par l'Elysée, était l'un des chefs les plus radicaux d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), parvenu à étendre son terrain d'action à tout le Sahara.
Sa mort, annoncée par le Tchad fin février, n'avait pas encore été formellement confirmée par Paris.
Ces dernières années, explique le chercheur français Jean-Pierre Filiu, auteur notamment des "Neuf vies d'Al Qaïda", "Abou Zeïd avait étendu de manière spectaculaire son terrain d'action, avec une grande mobilité, kidnappant des touristes dans le sud de la Tunisie, ouvrant le front du Niger qui n'existait pas avant lui".
Né il y a 46 ans à Debdeb, à la frontière algéro-libyenne, Abou Zeïd a longtemps brouillé les pistes sur sa véritable identité. Il était recherché par Interpol sous le nom de Abid Hamadou alors que son vrai nom est Mohamed Ghdir, comme l'a révélé fin 2010 le journaliste algérien Mohamed Mokeddem.
Cette identité a été confirmée en janvier 2012 lors d'un procès à Alger où il était jugé par contumace, pour appartenance à un "groupe terroriste international" impliqué dans l'enlèvement de touristes étrangers en 2003 dans le sud de l'Algérie.
Membre du Front Islamique du Salut (FIS, dissous) à l'âge de 24 ans, Mohamed Ghdir bascule dans la lutte armée fin 1991 lorsque l'armée algérienne empêche ce mouvement islamiste de s'emparer du pouvoir après avoir remporté les premières législatives pluralistes du pays.
"Selon sa famille, il a pris le maquis juste après l'attaque de la caserne de Guemmar (en novembre 1991) dans le Sahara algérien", explique à l'AFP Mohamed Mokeddem, qui dirige le journal et la chaîne de télévision Ennahar.
Un homme froid
Jusqu'à la fin des années 90, il opère dans le maquis des Aurès (est de l'Algérie). Et c'est en 2003, lors du spectaculaire enlèvement de 32 touristes européens par ce qui était encore le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) dans le grand sud algérien, qu'Abou Zeïd apparaît pour la première fois, en tant qu'adjoint du chef des ravisseurs, Abderazak "le Para".
"Les premières photos de lui ont été prises par ces otages, qui les ont publiées dans des médias allemands après leur libération", ajoute Mohamed Mokeddem, fin connaisseur des réseaux jihadistes algériens.
Ces images montrent un homme de petite taille, presque frêle, la mine sombre, portant une courte barbe. Dans un film amateur tourné par un membre d'Aqmi en 2007, que l'AFP a pu visionner en Mauritanie, Abou Zeïd apparaît brièvement, l'air mécontent et désapprobateur, aux côtés de jihadistes qui jouent dans l'eau autour d'une de leurs Toyota embourbée dans un oued.
En 2006, quand une brouille éclate entre Mokhtar Belmokhtar, l'un des principaux chef du GSPC au Sahara --dont la mort, non confirmée, a été annoncée début mars par le Tchad-- et le chef suprême de l'organisation, Abdelmalek Droukdal, installé dans les maquis du nord de l'Algérie, Abou Zeïd s'aligne sur la direction du mouvement.
Adjoint de "l'émir du Sahara" Yahia Djouadi, il commande la katiba (groupe de jihadistes) Tareq Ibn Ziyad, du nom d'un général du VIIIe siècle, héros de la conquête musulmane de l'Espagne. Soit quelque 200 hommes, essentiellement algériens, mauritaniens ou maliens, bien équipés et très mobiles, basés essentiellement dans le nord du Mali.
En juin 2009, son groupe kidnappe le touriste anglais Edwin Dyer. Selon plusieurs témoins, c'est le chef en personne, Abou Zeïd, qui aurait égorgé l'otage, persuadé que Londres se tiendrait à sa ligne consistant à ne pas négocier.
Le travailleur humanitaire français Pierre Camatte, otage du groupe d'Abou Zeïd pendant 89 jours à la fin 2009 et qui l'avait rencontré quatre fois, décrit un homme froid, "qui ne se mélangeait pas avec les autres ravisseurs qui le consultaient régulièrement".