« Les gens ont brandi l’article 118, mais cela n’est pas en conformité avec la réalité »
Alors que le projet de texte portant révision de la constitution vient d’avoir le quitus des députés, nous avons tendu notre micro à l’honorable Mamadou Diarrassouba, 1er questeur de l’Assemblée nationale du Mali. Dans cette interview exclusive, il se félicite de l’adoption du projet de texte modificatif de la Loi fondamentale et bat en brèche les arguments qui font croire que le processus de révision constitutionnelle en cours est inopportun. Proche parmi les proches du président de la République, l’élu de Dioïla aborde aussi la candidature d’IBK en 2018 et lance un appel au peuple malien pour un « oui » massif lors du référendum constitutionnel du 9 juillet. Interview !
Le Prétoire : L’Assemblée nationale vient de voter le projet de loi de révision constitutionnelle. Quel sentiment vous anime-t-il après l’adoption dudit texte qui était l’un des points essentiels inscrits à l’ordre du jour de la session parlementaire en cours ?
Mamadou Diarrassouba: Le sentiment qui m’anime est plutôt un sentiment de satisfaction. Satisfaction d’abord parce que ce changement de constitution vient à point nommé. Cela constitue une occasion non seulement pour renforcer la démocratie, mais surtout pour consolider la paix qui n’a pas de prix. Le deuxième niveau de satisfaction, c’est que ça a permis un débat très serein à l’hémicycle. L’opposition et la majorité ont joué, chacun, son rôle. Et nous pensons aujourd’hui que c’est le Mali qui gagne. Au lieu de mener le débat dans la rue, on l’a mené à l’Assemblée nationale. Cela me parait très important. On peut être d’accord ou non, mais cela ne vaut pas la peine de s’entredéchirer, parce que le pays nous appartient tous.
Vous disiez tantôt qu’avec l’adoption de cette loi c’est le Mali qui gagne. On sait pourtant que l’opposition parlementaire a voté contre le projet de texte, dénonçant notamment la violation de l’article 118 de la constitution actuelle. Cette remarque de l’opposition ne vous semble-t-elle pas pertinente ? Selon vous, le contexte sécuritaire actuel du Mali se prête-t-il à la tenue d’élections aussi cruciales que celles référendaires ?
En votant contre le projet de loi, l’opposition est dans son rôle. Mais, elle a, imagine, déposé quarante trois (43) amendements sur lesquels on a rejeté cinq (5). Tous les autres amendements ont été pris en compte par la majorité. Mieux, les amendements de la commission des lois étaient au nombre de soixante quinze (75). Sur ces 75 amendements, l’opposition a dit ne pas être d’accord avec douze (12). Tous les autres, c’est-à-dire soixante trois amendements, ont fait l’objet d’un vote bloqué et l’opposition a voté pour. L’opposition a pensé que le contexte ne s’y prête pas en évoquant l’article 118 de la constitution du 25 février 1992 qui parle de l’intégrité du territoire. Je ne pense pas que l’intégrité territoriale du Mali soit atteinte. Non ! Les gens font la confusion. On parle d’atteinte à l’intégrité du territoire lorsqu’il y a cession. Mais entre les fils du même pays, quand il y a des difficultés de compréhension dans une zone, ou quand des choses ne permettent pas le vote dans ladite zone, on ne parle pas d’atteinte à l’intégrité territoriale. Allez-y demander aux constitutionnalistes. Les gens ont brandi l’article 118, mais cela n’est pas en conformité avec la réalité. En 2013, il y a eu un compromis pour organiser les élections dans le nord du pays. Donc, nous aurons aussi des compromis. Les groupes armés ont demandé qu’on définisse les collectivités territoriales, cela a été fait. Ils ont aussi demandé qu’on crée le Sénat, cela a aussi été fait. Ils vont donc respecter leur parole donnée. Je crois que les aspirations de l’Accord pour la paix ont été prises en compte. Aucun Malien ne peut garantir aujourd’hui la sécurité totale dans ces zones-là. J’ai toujours dit que le Mali ne sera plus comme avant. Le terrorisme ne touchera pas que le Mali. Au Sénégal par exemple, il y a la question casamançaise, mais cela n’a jamais empêché les Sénégalais de voter. Peut-on dire que l’intégrité territoriale du Sénégal est atteinte ? Non ! A mon avis, l’intégrité territoriale du Mali n’est pas atteinte, mais les gens peuvent penser autrement.
La création du Sénat est l’une des réformes majeures attendues de ce processus. Est-ce un effet de mode ou une nécessité démocratique ? Sinon, en quoi le bicaméralisme devrait-il contribuer au renforcement du travail législatif ?
La création du sénat va contribuer efficacement au travail législatif. Vous savez, il y a des légitimités qui ne sont pas élues. Quel Malien peut dire qu’Ousmane Madani Haïdara, le Chérif de Nioro, Mahamoud Dicko et Monseigneur Jean Zerbo ne sont pas légitimes. Ils ne sont pourtant pas élus. Pensez à des notoriétés pour venir aider, appuyer et donner de sages conseils aux élus qui sont là, je crois que cela n’est pas une mauvaise chose. Si on leur demande de venir donner leurs points de vue sur certains projets de loi par rapport à l’avancée sociale, démocratique et économique de ce pays, ils le feront sans arrière pensée. Mais, ils ne se feront jamais inscrire sur une liste de candidats. Je pense que cela peut bel et bien renforcer le travail parlementaire. Il ne faut pas voir que le coût de fonctionnement de cette institution. Il faut aussi reconnaitre que l’apaisement, la cohésion et le renforcement démocratique n’ont pas de prix. Donc, si ça peut amener l’apaisement, je ne vois aucun problème.
Le gouvernement vient de proposer de nouvelles dates pour les élections communales partielles, locales, régionales et du district de Bamako. Avec quel état d’esprit votre parti, le RPM, les abordera-t-il ?
Ces élections, le Rassemblement pour le Mali est en train de les aborder comme il l’a fait lors des dernières élections communales. Inch’Allah, on n’en dira pas assez, le RPM les abordera avec la tranquillité nécessaire et dans la plus grande transparence. Nous invitons tous les acteurs au respect des textes. Je le dis parce que la nouvelle loi n’a pas régi les dernières élections communales. Elle va s’appliquer cette fois-ci et nous pensons que tous les acteurs vont s’y conformer. Le RPM est en train de travailler sérieusement pour avoir des résultats à hauteur de souhait. Nous sommes aujourd’hui la première force politique et nous le resterons si les uns et les autres mouillaient le maillot.
Nous sommes à un peu plus d’un an de la fin du mandat d’Ibrahim Boubacar Keïta qui s’est récemment prononcé sur sa candidature en 2018 sur une chaîne de télévision étrangère. Le RPM portera-t-il, seul, une éventuelle candidature d’IBK, ou l’option d’une candidature unique est à l’ordre du jour au sein de la CMP ?
Je l’ai dit plusieurs fois : IBK sera candidat. Là, il n’y a pas de doute. Mais ce n’est pas le RPM seul qui va porter cette candidature. Nous sommes dans une coalition, c’est-à-dire la Convention des partis de la majorité présidentielle (CMP). Donc, toutes les forces qui seront là vont porter sa candidature. Il y a les forces politiques et celles sociales. C’est cela qu’on appelle les leviers du soutien à la candidature d’Ibrahim Boubacar Keïta. Nous allons réveiller tous ces leviers de soutien, c’est-à-dire les partis politiques, les clubs de soutien, les associations. IBK a déjà dessiné le périmètre de sa majorité. Nous sommes en train de travailler pour que ce périmètre continue dans la même lancée qu’elle a commencé.
Depuis l’élection d’IBK à la magistrature suprême en 2013, le cercle de Dioïla est devenu une chasse gardée du RPM. Quel est le secret de cette percée dont vous êtes le principal artisan ?
C’est vrai, de 2001 à nos jours, aucun parti n’est venu premier à Dioïla si ce n’est le RPM. Il n’y a aucun secret à cela si ce n’est le travail. Quand vous travaillez avec des populations, il faut s’adapter à leur niveau et ne jamais leur mentir. C’est d’ailleurs le lieu de remercier la population de Dioïla d’avoir porter IBK dans son cœur depuis 2002. Cependant, nous avons deux préoccupations majeures. La première, c’est la route Dioïla-Massigui-Koualé. La deuxième préoccupation, c’est la route Fana-Bèlèko-Kignan. Ces deux routes constituent la colonne vertébrale du cercle de Dioïla. Elles font la jonction entre deux zones de production. Si les autorités pouvaient penser au bitumage de ces routes, tout le Baniko s’en féliciterait. Nous sommes derrière IBK et nous savons qu’il porte à cœur la réalisation de ce projet.
Si vous, en tant qu’élu de la nation, devriez adresser un message au peuple malien dans le cadre du processus de révision constitutionnelle en cours, que diriez-vous ?
Je lui dirais de voir les choses calmement, avec sérénité et responsabilité. Le Mali nous appartient tous. Ceux qui disent aujourd’hui «non ! » ont leurs raisons. Mais ils n’ont pas compris. C’est pourquoi je les invite aux échanges, à la communication et à la compréhension parce que nous sommes dans un pays fragile. Nous pensons que le « oui ! » va l’emporter avec un score à hauteur de souhait. Ceux qui ne sont pas d’accord n’ont pas cerné tous les contours du texte constitutionnel. Le jour où ils comprendront le contenu de ce texte, je suis sûr qu’ils reviendront sur leur décision.