Quand nos grandes éditions d’information de la mi-journée ou du soir ouvrent sur un sujet autre que la politique ou l’économie, les présentateurs se croient obligés d’avertir auditeurs et téléspectateurs par une formule franchement désuète : « une fois n’est pas coutume, nous commençons cette édition par… ». Si la règle a été respectée, toutes les éditions d’information – radio, télé, presse – du dimanche 4 et du lundi 5 juin, dans de nombreux pays, ont dû ouvrir par le concert #OneLoveManchester, organisé par la petite star planétaire américaine, Ariana Grande, en hommage aux victimes de l’attentat terroriste du 22 mai dernier survenu à Manchester.
Ce soir-là, à la fin du concert qu’elle donnait, des crétins avaient décidé de faire couler le sang d’innocentes personnes - des adolescents en majorité - dont le seul crime avait été de venir voir, écouter et vibrer avec leur idole. Je ne m’attarde pas sur cette bêtise humaine, toutes les expressions appropriées du dictionnaire ayant été épuisées pour condamner l’innommable. Hymne à la vie, #OneLoveManchester a rassemblé quelque 50 000 personnes pour opposer l’amour à la violence ; la défiance, la joie de vivre et la solidarité à la peur.
Qu’on se le dise, le concert de Manchester n’aura ni l’envergure du Festival de Woodstock (Etat de New-York) qui a eu lieu du 15 au 18 août 1969, ni l’aura du Live Aid, double concert historique, à vocation humanitaire, donné conjointement à Londres, dans le mythique stade de Wembley, et à Philadelphie le 13 juillet 1985, dans le but de lever des fonds pour aider le peuple éthiopien frappé par une terrible famine. Petite piqure de rappel, Bob Geldof et Midge Ure étaient les initiateurs de cette révolte musicale à l’échelle planétaire contre la faim.
N’empêche, il faut s’empresser de saluer le mérite d’Ariana Grande et de ses amis dont le concert a été diffusé en mondiovision : des dizaines de millions de téléspectateurs, dans pas moins de 40 pays et sur internet, ont pu le suivre en live et ainsi faire un pied de nez aux terroristes moyenâgeux qui rêvent de nous asservir.
Le concert de Manchester a réuni autour d’Ariana Grande, sur la scène du Old Trafford Cricket, des figures emblématiques de la nouvelle pop music mondiale : Justin Bieber, Coldplay, Take That, Katy Perry, Robbie Williams, Miley Cyrus, Niall Horan, Black Eyed Peas, Pharrell Williams, Liam Gallagher. J’en oublie forcément ! En un peu plus de trois heures chrono, la jeunesse a asséné au terrorisme la réponse qui sied le mieux, à savoir le mépris.
Si le but des assoiffés de sang était de meurtrir le peuple de Manchester et de lui interdire durablement de vaquer à ses affaires, peine perdue. Leur entreprise a piteusement échoué puisque la jeunesse a choisi de vivre, de se réaliser et de ne laisser se distraire, sous aucun prétexte, par ceux dont l’unique dessein est de causer la mort. A Manchester, puisque j’y étais – à la manière de Feu Djéli Baba Sissoko qui est toujours contemporain des événements qu’il raconte dans ses « maana » - il y a eu de l’émotion, des larmes, de la joie et du bonheur. Mais ceux qui nous ont quittés (20) ou ont été blessés (une bonne cinquantaine) étaient présents dans tous les esprits.
C’est d’ailleurs pour eux, afin que nul ne l’oublie, qu’était donné ce concert mémorable dont les recettes – plus de deux millions de Livres sterling – seront destinées à des œuvres caritatives. Au titre des coulisses du concert, il y a eu de nombreux témoignages et des messages vidéo de plusieurs célébrités qui ont été diffusés. Ainsi, Stevie Wonder s’adressait-il à la jeunesse : "Je voulais juste que vous sachiez que je suis avec vous Manchester… Je me fiche de votre ethnicité, de votre religion. C’est l’amour qui compte." Dans sa vidéo, David Beckham, la star anglaise du football, s’exprimait ainsi : "En tant que père, ce qui s’est passé m’a énormément attristé, c’est un jour que je n’oublierai pas ».
Les mélomanes ont aussi pu apercevoir la mère d’Ariana Grande, déambulant dans la foule, avec ce message à la bouche : « N’ayez pas peur ». Le manager de la chanteuse, Scooter Braun, a arraché des larmes à plus d’un fan lorsqu’il a délivré le contenu du message d’un garçon de 15 ans, blessé et hospitalisé au Royal Manchester Children’s Hospital. Adam, pour ne pas le nommer, disait ceci : « Ne vous tournez pas vers la colère, l’amour se répand ». Quelle maturité précoce !
C’est de cela dont nous avons besoin en Afrique et particulièrement au Mali, pays qui panse péniblement ses plaies. Et en tant que malien, je rêve du jour où, à Bamako, Sikasso, Ségou… ou tout autre endroit du pays, Salif Kéïta, Toumani Diabaté, Oumou Sangaré, Rokia Traoré, Habib Koité, Oumar Koïta, Nèba Solo, Inna Modja, Fatoumata Diawara, Adama Yalomba et toutes ces étoiles confirmées ou en herbe de la voie lactée musicale malienne se réuniraient et donneraient un concert pour une grande cause nationale. La paix, pourquoi pas !