Généralement, beaucoup de Maliens s’imaginent qu’il n’y a pas de justice au Mali. “La justice malienne est indépendante de tout, sauf de l’argent sale”, avait avoué une garde des Sceaux. Ce n’était pas le cas le mardi 30 mai 2017 au Tribunal de grande instance de la Commune IV.
Ce jour-là comparaissait à la barre Mme Gamby Fatoumata Niane dite Maodo, teinturière de profession, et les sœurs Kientéga aides ménagères originaires du Burkina Faso dans une affaire classée vol dans les annales de la justice.
Flash-back. Pendant quatorze ans, Fatoumata Kientéga de nationalité burkinabé a été embauchée en qualité d’aide-ménagère par Mme Gamby Fatoumata Niane connue sous le nom de Maodo, teinturière de métier, domiciliée à l’ACI-2000 à Hamdallaye. Des liens se sont tissés entre la patronne et son employée de maison au point que cette dernière a donné les prénoms de son patron et de son épouse à ses deux enfants.
La relation a commencé à se détériorer du moment où la Burkinabé a décidé de vivre sa vie maritale avec son conjoint venu de son pays natal. Le jour où Fatoumata Kientéga a décidé de plier ses bagages pour vivre en location, Mme Gamby lui a reproché de lui avoir volé la somme de 100 000 F CFA et a entrepris de fouiller les effets de la servante.
Elle va découvrir dans le sac à main de son employée la bagatelle somme de 1 million 10 000 F CFA. Cette somme d’argent correspondrait à la masse salariale de deux ans d’économie des salaires de ses quatre jeunes sœurs dont : Zarah Kientéga, Ramata Kientéga, Korotoumou Kientéga et Djénébou Kientéga.
Aussitôt Maodo s’est emparée de la coquette somme d’argent. Depuis, les sœurs Kientéga n’ont cessé de remuer ciel et terre pour mettre la main sur le fruit de leur dur labeur. Fatoumata Kientéga a entrepris de résoudre l’affaire à l’amiable. Elle se rendra d’abord chez l’imam de son quartier d’habitation à Taliko Koyambougou afin de trouver une issue favorable aux démêlés en récupérant l’argent que ses sœurs lui avaient confié. Ce dernier lui a conseillé de saisir les autorités compétentes, notamment le commissariat de police le plus proche.
Chemin faisant, elle croisera une bonne volonté qui l’accompagnera à l’ambassade du Burkina Faso à l’ACI 2000 pour exposer les faits. Le service social de l’ambassade a tenté vainement de rentrer en contact téléphonique avec l’ex-patronne de leur compatriote qui apparemment ne décrochait pas les appels. En fin de compte les services de l’ambassade lui ont proposé de se rendre au commissariat de police du 14e arrondissement pour déposer plainte.
L’affaire fut confiée aux éléments du commissariat. La première tentative pour amener la patronne pour répondre de ses actes face à la police judiciaire fut vouée à l’échec. Après quoi le commissaire principal Moussa Sidibé et son collègue de travail l’inspecteur de police judiciaire Sininta ont pris l’affaire en charge d’une main de fer. Après les auditions, les commissaires ont retenu l’accusée et lui ont exigé de ramener l’argent afin que le tribunal se prononce sur l’affaire. Ce qui fut fait. La totalité de la somme confisquée par Mme Gamby Maodo fut mise sous scellé. Seule la justice avait pouvoir de départager les protagonistes. Un premier grand pas venait d’être franchi grâce à la ténacité des policiers du 14e arrondissement. Cette fois-ci, le tour venait à la justice d’agir.
Le 30 mai 2017, le jugement a été rendu sous la supervision du président du Tribunal Souleymane Maïga, le ministère public était représenté par Nouhoun Berthé et Mme Sissoko Kadiatou demeurait la greffière. Des représentants des services de l’ambassade du Burkina Faso ont assisté au jugement dans la plus grande discrétion.
Dans un calme olympien les hommes de droit ont écouté attentivement les deux parties pour effleurer les contours et les zones d’ombre de l’affaire. L’accusée prendra la parole la première puis ce fut le tour de la teinturière. Suite aux interventions des deux parties le président du Tribunal s’est adressé à Mme Gamby Fatoumata Niane en ces termes :
Madame quel est votre dernier mot ?
D’un air dubitatif elle répondit :
Il appartient à la justice de se prononcer sur le devenir de la somme.
A ces mots le juge répliquera d’un ton sec :
Madame, l’argent que vous aviez pris dans le sac des aides ménagères ne vous appartient nullement. Fin de citation…
Rendez-vous a été fixé pour la date le 13 juin 2017 où le verdict sera prononcé. Comme on le dit en langue bambara “jotigui jo, jalakitigui jaliki”, ce qui signifie en langue française la raison à celui qui a raison, le tort au fautif. L’heure où les gens parvenaient à instrumentaliser la justice sur la base des moyens financiers ou des relations de parenté ou amicales semblent devenir un mauvais souvenir au Tribunal de la Commune IV de Bamako. Si aujourd’hui l’affaire est en cours d’être tirée au clair en toute transparence, il a fallu un véritable travail professionnel de Titan de la police.
Dougoufana Kéita