Dans une interview exclusive accordée au journal ‘’Le Confident’’, M. Irie Bi Irié Benjamin, un grand panafricaniste nous parle de son projet, le MAFUP (Mouvement de l’Amour Fraternel Universel pour la Paix). Un mouvement qui a vu le jour le 24 juin 2003 au siège de la commission nationale ivoirienne pour l’UNESCO. Par la même occasion, il nous livre son expérience sur les problèmes de l’enseignement supérieur dans notre sous-région.
Le Confident : pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
IBIB : Je me nomme à l’état civil, IRIE BI Irié Benjamin. Je suis un ivoirien du groupe mandé du sud, d’ethnie Gouro. Ingénieur-Ecrivain qui travaille à spécialiser sa plume et qu’elle soit pleinement grioticienne et zagouliste. Grioticienne porteuse d’un verbe puissant, viril qui transforme la société en bien. Un verbe qui soutient un modèle de formation en appui aux systèmes scolaire et universitaire. Plume zagouliste qui promeut le zagoulisme, une méthode de formation inspirée de nos valeurs traditionnelles africaines principalement l’initiation tribale. Activiste du développement durable et équitable, je suis par nature un homme de revendication d’où une tête de file de mouvements syndicalistes dans mon pays la Côte d’Ivoire. Secrétaire Général du Syndicat National des Ingénieurs de la Fonction Publique de Côte d’Ivoire (SYNIFOP-CI) et Président du Collectif des associations et syndicat du Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural. Toutefois, il faut retenir que ma stratégie de lutte syndicale est atypique. Mon combat s’inscrit dans la mouvance générale de la lutte pour la liberté de l’Afrique qui pour moi doit passer par l’éveil des consciences, un préalable. Alors mon syndicalisme est réfléchi. Il privilégie la négociation et comme dernier recours, il adopte la technique de la non-violence active. Malheureusement, la majorité d’ingénieurs et de techniciens n’a pas la culture de revendication. J’expérimente ainsi au quotidien, le mal de l’inconscience de nos élites et cela a été le facteur déclencheur de la naissance de mon école initiatique laïque (le zagoulisme) ; une école de changement de mentalité et d’acquisition d’aptitudes à mener toute lutte d’épanouissement individuel comme collectif. Comment libérer des consciences enchainées de nombreuses personnes qui bien que souffrant refusent de lutter, même avec les moyens légaux à leur disposition, pour améliorer leurs conditions de vie et de travail. Si ces adultes sont déjà formatés pour la plupart, je m’emploie à recevoir au MAFUP, une ONG que j’ai fondée, des jeunes gens, des futurs actifs de la société, probables réformateurs de nos sociétés en mal être.
Au niveau syndical, en ce qui concerne le Ministère de l’Agriculture, en dépit du manque d’engouement de la majorité des nôtres, nous avons privilégié la négociation qui nous a permis d’avoir des acquis. Nos revendications ont été reconnues légitimes et légales. Elles ont été satisfaites par la prise de textes règlementaires dont l’application n’a jusque-là été totalement effective. Dans ce cas de figure, il nous faut faire appel à la pression sur nos autorités par le droit de grève mais hélas personne ne veut oser. Le peu de syndicalistes lucides a peur de la réprimande. Voici là où j’évoque la question de changement de mentalité à tous les niveaux. Si nous décidons d’employer la technique de la non-violence active, les acteurs et la cible visée ont-ils la formation requise afin que l’option ne nous conduise pas à des maladresses de part et d’autres à savoir des actes de vandalisme des syndiqués ou des intimidations de tous genres de la part de la hiérarchie administrative. Ces expériences nous ont instruit à privilégier la voie de l’éducation comme préalable à toute lutte au nom de la liberté. Il faut s’investir à éduquer les esprits à la paix et au développement durable voire équitable en Afrique surtout. Oui, en Afrique, il y a urgence de partage équitable des richesses à ceux et celles qui les produisent. Il y a une urgence de la lutte au nom de la liberté mais comment intéresser la majorité et avec quelle méthode idoine afin d’éviter les tueries massives ? Sinon partout en Afrique, il est juste d’interpeller les politiques sur la nécessité de satisfaire au mieux les peuples.
Qu’est-ce que le MAFUP ?
Le MAFUP signifie le Mouvement de l’Amour Fraternel Universel pour la Paix. Il est créé le 24 juin 2003 au siège de la commission nationale ivoirienne pour l’UNESCO.
De quoi s’occupe–t-il ?
IBIB : Le MAFUP s’occupe exactement du bien-être moral, spirituel et matériel du monde à travers la formation de ses citoyens qui en sont les acteurs. Le MAFUP, il faut le noter évolue selon le credo du manifeste 2000 de l’Unesco pour la culture de la paix et la non-violence. Un credo qui reste d’actualité. Ce manifeste donne une vision au MAFUP qui est d’œuvrer à la formation des citoyens du monde. Ils doivent adopter la culture de la paix et la responsabilité vis-à-vis d’eux-mêmes et du monde environnant. Le MAFUP a par conséquent une mission de mise en œuvre de l’acte constitutif de l’Unesco qui est une sorte d’appel lancé en direction de tous les pays du monde. Tous doivent contribuer à l’effort de paix mondiale en agissant sur l’esprit de leurs nationaux. Les modeler de telle sorte qu’ils contribuent à l’instauration d’une paix pour le développement durable. En définitive, que les hommes travaillent à la pérennisation de toute vie indispensable à la stabilité de l’écosystème. Il faut apaiser l’Homme et le MAFUP œuvre à cela par la formation.
Il a son système éducatif, le Wassa et sa méthode de formation le Zagoulisme qui sont conformes à la politique des Nations Unies en matière d’éducation. L’apport du MAFUP quant à la quiétude et l’épanouissement du monde est aussi l’expression de la participation des peuples noirs au concert des nations car il s’est inspiré d’un processus initiatique tribal universalisé grâce à l’apport d’autres études en la matière. Il a eu confiance en nos valeurs africaines afin de les exploiter en faveur du monde. Le rapport de l’Assemblée Générale de l’ONU de janvier 1998 le lui a permis. Il affirme que toutes les cultures ont des valeurs qui conduisent respectivement les peuples à la responsabilité. Il faut s’en inspirer en vue de contribuer au renforcement de la paix du monde.
Quels sont les pays concernés par votre projet ?
Le MAFUP s’occupe de tous les pays du monde. Il pourrait avoir un statut plus conforme à sa vision universaliste. Je dirais que le MAFUP est une Organisation Non Etatique parce que ses actions transcendent les frontières. La Paix, le Développement Durable voire Equitable sont des questions qui intéressent le monde entier.
Pourquoi avez-vous choisi cette branche ?
IBIB : Pourquoi j’ai choisi d’être militant de la paix universelle et du développement équitable, je crois que c’est la question. Je n’ai pas choisi cette voie. Mon esprit s’est ouvert à cette vocation de tout être humain. Quand on choisit souvent sans révélation, on abandonne très vite. On ne supporte pas les épreuves. Tout homme, toute femme est appelé(e) à contribuer à sa façon au bien-être du monde. Toutefois, il faut à chacun sa part de révélation. Que doit-il faire dans ce sens en fonction de ses talents innés et de ses expériences. Je pense aussi que votre esprit s’est ouvert à cette justice qui est de donner au monde sa paix originelle et l’épanouissement qu’il mérite. Alors journaliste, quand vous décidez personnellement de me tendre votre micro (au-delà du Mali), monsieur Idrissa KANTAO. Quand vous le faites afin que je développe mes idées en faveur de la culture de la paix et du développement équitable. Quand au plus profond de vous, le souhait est que les maliennes et les maliens lisent cette interview afin d’épouser le contenu, c’est une action de grande promotion des valeurs de la paix et du développement équitable chez vous au Mali pour des générations car les écrits ne meurent pas. C’est également le monde entier que vous cherchez à guérir de sa violence. Voici là, votre contribution à la construction de l’édifice. Ce n’est pas rien.
Quels sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?
Difficultés ? Mes moyens personnels commencent à être insignifiants face aux attentes de formation qui s’expriment de plus en plus. J’ai par exemple dans mon pays trois mille (3000) adolescents inscrits à notre programme de formation mais nous n’avons pu prendre en compte dans le projet pilote que le 1/10 c’est-à-dire 300. Mais à ce niveau, ce n’était pas assez grave car c’était un noyau représentatif pour conduire le projet pilote au cours duquel il était question de faire l’installation des fondamentaux de notre système éducatif en milieu scolaire et mettre à l’épreuve la méthode de formation qui le rend opérationnel. Là, il fallait détecter les insuffisances et les corriger. Cette phase achevée, la démarche consolidée, il faut lancer le projet au niveau national et international.
Le projet qui suivant la programmation des actions va du secondaire et s’étend au supérieur. Cela nécessite des moyens matériels et financiers appropriés. La difficulté s’annonce mais elle n’est que factuelle puisque nous n’avons pas encore présenté une requête de financement aux partenaires financiers. L’option présente est de favoriser d’abord l’ancrage institutionnel de notre projet au niveau pays et continent. Une fois cela réussit, je pense que le financement viendra naturellement. Voyez-vous, la demande de la jeunesse estudiantine malienne d’installer une antenne du MAFUP à Bamako au Mali se doit d’avoir une justification institutionnelle. Je me suis rendu au Ministère Ivoirien de l’Intégration Africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur et les jeunes étudiants, à l’ambassade de Côte d’Ivoire au Mali. Chez nous, le Ministère a trouvé que nos actions entrent dans son attribution et qu’il peut nous accompagner. Ces propos sont du Directeur de Cabinet du Ministre et de l’Inspecteur Général, les deux qui m’ont reçu. Je suis présentement en attente d’une audience avec le Directeur Général des Ivoiriens de l’Extérieur qui, m’a –t-on dit, est le concerné par notre dossier. Pour boucler cette question, j’affirme que la réelle difficulté, c’est l’effort de patience, la persévérance et l’endurance. Le chemin a été long, le travail dense d’où la fuite de nombreux collaborateurs qui ont justifié leur départ par le besoin de moyens financiers immédiats. Ce qui n’est pas une mentalité à développer dans une ONG engagée surtout sur le chemin de la recherche. Voici la plus grande difficulté. Celle d’avoir le soutien des hommes et des femmes pour mener des actions altruistes.
Quels sont selon vous les problèmes de l’enseignement supérieur dans notre sous-région et que proposez-vous pour y remédier?
Les problèmes de l’enseignement supérieur et tout niveau d’enseignement sont à voir sous plusieurs angles. En ma qualité de partenaire du système éducatif qui propose un modèle d’appui, je ne peux évoquer que les raisons de mon apport.
Ces raisons qui sont bien évidemment quelques problèmes sur la liste des acteurs formels et bénéficiaires du système.
– La formation ne nous donne pas totalement satisfaction ;
– Les connaissances acquises à grands frais jusque-là, ne nous conduisent pas au développement tant attendu ;
– L’inadéquation entre la formation et l’emploi à cause des filières inadaptées soit par manque d’infrastructures en aval des formations soit par suivisme non rationnel du modèle de société occidentale ;
– La logistique de formation en termes de lieux et moyens d’accueil des apprenants fait généralement défaut ;
– l’insuffisance des aides, bourses d’études ;
– La dégradation des mœurs qui gagne le milieu des apprenants ;
– La violence en milieu scolaire et estudiantin qui est ancrée dans les mœurs etc.
Notre solution est de créer une dynamique de vie dans le milieu scolaire et universitaire qui permet aux parents d’élèves, aux enseignants et aux encadreurs regroupés dans des unités dites Unités Motrice d’Actions de Paix (UMAP), qui en relation avec l’administration des écoles et universités où elles sont installées, doivent donner aux enfants et aux jeunes une formation spéciale à la maturité d’esprit et concomitamment procéder à un suivi rapproché. C’est une véritable école de vie, une école d’éveil de conscience pour accompagner celle qui procure la science ; celle que nous sommes en train de mettre lentement et sûrement en place en Côte d’Ivoire et qui est bien indiquée partout ailleurs. Nous aurons des citoyens qui maitrisent à la fois la science avec une conscience éveillée car la science sans conscience n’est que ruine de l’âme a dit Rabelais, le philosophe français. Redonnons vie à notre âme africaine ; réveillons en nous cet humanisme qui va nous conduire à la prise en compte effective des priorités favorables à une meilleure vie en société. L’une d’elles étant la bonne éducation de la jeunesse qui est le souci de toute société responsable. La jeunesse à préparer pour la relève.
Quels messages souhaiteriez-vous adresser à l’endroit des différents acteurs de l’université, et plus précisément aux étudiants ?
Mon message à l’endroit des acteurs de l’université est de leur dire que je me mets à leur disposition afin qu’ils enrichissent ce que nous avons pu trouver. Pour ceux surtout les enseignants chercheurs qui ont la vocation à la recherche, qu’ils s’évertuent à nous accompagner afin de rendre de plus en plus performants notre démarche de formation et d’encadrement des jeunes au bénéfice de l’Afrique surtout. Aux étudiants maliens, je dis un grand merci de nous avoir très vite compris et encouragés quand ils ont exprimé le besoin de nous voir à Bamako au Mali.
Monsieur Aboubacar Sanogo et ses amis que nous portons dans notre cœur. Nous avons toujours besoin de leur détermination continue afin de donner davantage le meilleur de nous et mieux, répondre à certains étudiants des pays de la sous-région qui ont commencé à suivre leur exemple en nous invitant, à leur tour, à nous installer dans leurs pays. Je remercie les autorités politiques, administratives et coutumières du Mali qui bientôt nous recevront par la grâce de Dieu.