Deux ans après la signature des accords d’Alger, les tensions tribales rattrapent le Nord Mali et la région de Kidal est de nouveau le théâtre d’affrontements armés.
« La tension est énorme », nous alerte un jeune Touareg, membre d’une famille influente dans le Nord du Mali, et inquiet par l’escalade de violences observée dans le conflit qui oppose les tribus Imghad et Idnan. Des combats ont lieu depuis début juin dans la région de Kidal. Aucun chiffre officiel n’est pour le moment disponible concernant les victimes de ces affrontements. Selon plusieurs sources, elles seraient une dizaine.
Depuis plusieurs jours, un mystérieux enregistrement audio circule, via WhatsApp et Telegram, de portable en portable. Son authenticité est difficilement vérifiable. On y entend un homme, présenté par ses détracteurs comme Alghabass Ag Intalla, aujourd’hui membre du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et à la tête de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, dont sont proches de nombreux membres de la tribu Idnan et qui réunit plusieurs groupes touaregs), y appeler à la rupture du jeûne de Ramadan pour mener une guerre ouverte contre le Groupe d’auto-défense touareg Imghad et alliés (Gatia), un mouvement de la coalition pro-gouvernementale.
Ce n’est pas la première fois que des combats opposent ces deux formations, rivales sur le plan politique.
Ce n’est pas la première fois que des combats opposent ces deux formations, rivales sur le plan politique. Durant l’été 2016, à Kidal et dans la région, des hommes armés liés aux deux formations s’étaient déjà affrontés. « D’ailleurs, plusieurs personnes influentes et des représentants des tribus assurent que l’enregistrement audio qui circule date de cette période », nous explique un chercheur basé dans la région qui requiert l’anonymat.
La situation reste très confuse et chacun y va pour le moment de sa lecture des événements. L’urgence, elle, semble bien réelle : le 7 juin, la Minusma annonçait un renforcement de ses patrouilles dans la région de Kidal, « en réponse à la recrudescence de la violence ».
Deux ans après les accords d’Alger
« Les violences peuvent relever de la violence tribale mais avoir des retombées politiques, ou être utilisées à des fins politiques », pointe notre chercheur. En effet, le 20 juin prochain, deuxième anniversaire de la signature des accords de paix d’Alger, a été donné comme date butoir pour une installation pérenne des autorités intérimaires et du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC). « Il est probable que certains essaient de faire monter la pression alors que cette échéance se rapproche, pour renégocier », nous dit un jeune Touareg proche du Gatia. D’après une autre source proche du CMA, certains craignent en interne que le Gatia acquière une influence trop importante à Kidal.
De nombreux cadres du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), formellement liés au CMA, appellent à une cessation immédiate des violences. Il en est de même pour Moussa Ag Acharatoumane. Cet ancien du MNLA, qu’il a quitté pour créer le Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) a réussi à se rapprocher de certaines tendances du Gatia dans la région de la Ménaka.
Un cadre du MSA explique : « Les accords d’Alger dont on va célébrer l’anniversaire n’ont pas assez pris en considération les violences Nord-Nord et les potentiels conflits internes aux différents mouvements nés dans le Nord du Mali. Aujourd’hui, il faut les régler de toute urgence. Notre démarche est un modèle possible. »