Dans notre précédente livraison, nous nous faisions l’écho de la création d’Ir Ganda, un mouvement porté sur les fonts baptismaux par les représentants des communautés de culture songhoï à Gao. Et nous commentions : il ne s’agit pas d’un mouvement de plus. Effectivement, Ir Ganda est né de l’incapacité notoire de l’Etat à assurer la sécurité de nos compatriotes du Nord, arabo-berbères comme négro-africains.
Les régions du Nord retiennent l’attention par le nombre de mouvements qui s’y font et s’y défont au gré des accords et des dissidences. Mais aucun d’eux n’adopte le même langage que celui regroupant les représentants des communautés de culture songhoï. D’entrée de jeu, ils ont tenu à clarifier le débat : ni le mot « songhoï », ni le patronyme « Maïga » ne doivent prêter à confusion : les communautés de culture songhoï comprennent toutes ces populations que l’Etat à tendance à sacrifier sur l’autel d’une très hypothétique réconciliation avec, non les Arabo-Berbères du Septentrion, mais avec des rebelles en manquent d’argumentation pour justifier leurs actes et, partant, le recul dans lequel ils ont plongé notre pays.
Comparons les discours. Nous cernerons mieux la caractéristique d’Ir Ganda. Le 15 avril 1994, un journal, la Voix du Nord, depuis Paris, écrit : « Concitoyens du Nord, balayons toute présence nomade de nos villes et villages, de nos terres même incultes. ». Le Ganda Koy vient, à travers cette phrase, de se manifester. La suite est connue. Un cycle de violences s’enclenche, ponctué d’attaques et de représailles.
La Communauté internationale parle de massacres perpétrés par une milice d’autodéfense négro-africaine, passant totalement sous silence les atrocités commises par « les bandits armés ». Face aux accusations, le représentant du Ganda Koy à Paris s’explique : « Les populations touarègues et maures sont plus ou moins complices de la rébellion. Nous nous donnons le droit de les juger et de les sanctionner. »
Le cycle de la violence atteint son paroxysme avec, le 9 juin 1994, la création du Lafia, mouvement d’autodéfense peul. Finalement, les protagonistes décident d’une paix entre eux sous l’égide des chefs coutumiers de la région. Avec l’accord intercommunautaire de Bourem, ils mettent fin aux hostilités avant de choisir de se dissoudre, sur invitation du gouvernement, lors de la cérémonie dite de La Flamme de la Paix le 27 mars 1996 à Tombouctou.
Réveil des vieux démons avec la naissance d’un énième mouvement : le Mouvement National de l’Azawad (MNA) à l’issue d’un congrès dit congrès de la jeunesse du Nord. L’intention est sans équivoque ; elle est contenue dans la déclaration suivante : « Nous les fils du peuple de l’Azawad, réunis dans la ville historique de Tombouctou du 31 octobre au 1er novembre 2010, avons exposé en totalité les défis auxquels fait face depuis plus de 50 ans l’Azawad. » La déclaration poursuit en demandant de faire la distinction « entre le terrorisme et la résistance légitime du peuple de l’Azawad. » Aussi, n’est-on nullement surpris si, par la suite, le MNA fusionne avec les mouvements animés par les rebelles de l’Adrar des Ifoghas pour donner naissance au MNLA qui, à partir de janvier 2012 va déclencher la rébellion dont nous continuons à subir les conséquences.
Contrairement au manifeste diffusé par la Voix du Nord et les déclarations du MNA, que dit Ir Ganda ? Ceci, pour justifier sa création : « Nous voulons montrer à l’opinion internationale que nous sommes majoritaires au nord et qu’une minorité tente de devenir majoritaire grâce à sa communication et surtout parce qu’ils ont pris les armes » avant de poursuivre pour préciser : « Ir Ganda est apolitique (…) On est toujours resté derrière l’Etat qui n’a jamais joué son rôle. Nous, nous défendons le territoire d’abord. » On s’en rend compte, la différence des intentions, aussi bien d’avec le Ganda Koy et le Lafia d’une part qu’avec le MNA d’autre part, est nette : Ousmane Issoufi Maïga ne saurait être un factieux ou un chef de milice et Ir Ganda un mouvement séparatiste. Il aurait été souhaitable que les conditions rendant inutile sa création eussent été créées. Il n’en n’a pas été ainsi ; d’où sa légitimité.