L’arrogance et le mépris des pouvoirs publics envers les citoyens aboutissent à une révision constitutionnelle illégale, illégitime et inopportune. Aujourd’hui plus que jamais, la patience du peuple malien est mise à l’épreuve avec une révision constitutionnelle, qui au-delà des raisons légères évoquées qui ont du mal à convaincre l’opinion publique, met en mal l’intégrité du territoire nationale et font du président de la République un monarque et un président à vie s’il le veut.
Après la démonstration de force de la plateforme « An tê – Abanna – Touche pas à ma constitution » ce samedi avec un rejet sans appel de ce torchon, plusieurs raisons peuvent encore convaincre le gouvernement à retirer ce projet constitutionnel avec la date fatidique du 09 juillet.
En effet, dans le nouveau mode de révision constitutionnelle proposé :
Le président de la république et le parlement (Assemblée Nationale et Sénat) peuvent réviser désormais la constitution sans passer par la voix référendaire. Il s’agit en fait, d’enlever au peuple sa souveraineté qui est, avant tout, l’expression populaire. Cette disposition est un danger et un recule pour notre démocratie, car, supprime le seul verrou ou garde-fou dont détient le peuple pour se prononcer sur ” comment il veut être géré “par les pouvoirs publics.
La nomination du président de la cour constitutionnelle par le Président de la république : cette disposition remet en cause l’indépendance de la justice et la partialité de la cour, qui est chargée de proclamer les résultats définitifs des élections législatives et présidentielles. Une Cour (de 9 personnes) dans laquelle le président de la République nomme déjà 3 juges, lui permettre, en plus, de nommer son président aussi, c’est courir le danger de plonger le pays dans de futures crises post électorales avec le risque élevé de tripatouillage.
La nomination des 1/3 des sénateurs par le président de la République : C’est lui permettre d’intervenir à ciel ouvert dans le domaine du pouvoir législatif, chose contraire à la théorie de la séparation des pouvoirs et faisant du président un hyper président avec plein pouvoir. Les sénateurs doivent être élus et non nommés. A cela, il faut ajouter la possibilité pour le président de nommer le président de cour suprême, le chef de gouvernement etc.
La possibilité pour le président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale (élu au suffrage direct) et l’impossibilité pour lui de dissoudre le sénat (élu au suffrage indirect pour une partie et nommé d’autre part dénote d’un manque de respect de la volonté populaire du citoyen, qui voit ses représentants directs, être à la merci du président et les représentants indirects et nommés se voir intouchables.
L’opportunité, la méthodologie, la période de cette révision :
Il est inopportun de réviser la constitution en ce moment précis (hivernage, insécurité grandissante, intégrité territoriale menacée en violation des dispositions des articles 118 de l’actuelle constitution et 47 du code pénal malien). Aussi, ce projet de constitution a été élaboré à la hâte sans, non seulement, tenir compte des vraies aspirations du peuple malien, mais aussi sans aucune consultation politique. Oui, c’est une réalité, aucun homme politique (majorité et opposition) n’a été associé à ce processus de révision constitutionnelle.
Seules 400 personnes dont des Gouverneurs, des Préfets et Sous-préfets, certains Chefs coutumiers et de rares représentants de la société civile ont été écoutées par la commission loi de l’Assemblée nationale avant l’élaboration du dit projet.
Il fallait une autre méthodologie qui puisse donner la chance aux maliens dans leurs pluralités de se prononcer sur des propositions concrètes discutées à la base pour une large adhésion populaire.
Aujourd’hui, le problème crucial du Mali est la mauvaise gouvernance et chaque malien le reconnait. Si révision il devait y avoir, elle devrait aller dans le sens du renforcement de la gouvernance, gage d’un développement économique et social.
Si les Institutions devaient être révisées, ça devrait plutôt permettre au peuple de pouvoir agir contre la mauvaise gouvernance et les dérives du pouvoir en temps réel. Mais, c’est le contraire qui est proposé. On prend au peuple ses pouvoirs et on les distribue aux seuls hommes politiques (pouvoir public). Pour qui connait la valeur intrinsèque de la plupart de nos élus, on a tout à craindre des abus et dérives.
Etienne Fakaba SISSOKO
Directeur du Centre de recherche d’Analyses Politiques, Economiques et Sociales.