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26 mars 1991-26 mars 2013 : Illusions perdues ?
Publié le mardi 26 mars 2013  |  Le 26 Mars


© aBamako.com par SA
Journée du 26 mars : Dépot de gerbes de fleurs au monument du 26 mars 1991 par le Président de la République
Mardi 26 mars 2013. Mali.


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Mars 1991 a été un véritable séisme au triple plan politique, social et culturel.
Mais, la victoire du peuple malien arrachée au prix du feu, du sang et des larmes aura été fortement éprouvée par l’attitude irresponsable de nombre de ces acteurs, du 26 Mars 1991. Ce qui a conduit le pays dans le gouffre actuel.

« Hier l’Afrique a voulu faire construire le socialisme sans socialistes, aujourd’hui, nous voulons construire la démocratie, mais avons-nous des démocrates ? ».

Il était essentiellement question avant mars 1991de conquête, de lutte pour la survie, car la vie offerte n’avait de sens en aucune de ses composantes. Il fallait se battre pour les libertés fondamentales.

Au bout de cette conquête majeure, il y avait la liberté d’association, la liberté d’expression, la liberté de presse et d’opinion. En un mot, la liberté des initiatives à la base permettant au peuple de s’assumer dans toute sa plénitude. Le tout, couronné par le pluralisme politique qui s’est traduit par un multipartisme intégral.

Au point qu’aujourd’hui, avec plus de 150 « partis politiques », le Mali offre au monde le spectacle d’une démocratie tout à fait « surréaliste »
« L’atmosphère » post-Mars 91, difficile à caractériser, s’est illustrée par des comportements et des attitudes mitigés.
Le sentiment le mieux partagé aura été l’impatience de tous à voir aboutir, comme par un coup de baguette magique, les différentes quêtes : la fin du malaise, du chômage, de la misère, etc.
La Conférence Nationale tenue sous la Transition avait pour ambition de mettre en place les nouvelles institutions démocratiques. Mais, les débats qui y furent passionnés pour des raisons qu’on devine aisément, et qui s’expliquèrent tout à fait dans le contexte psychologique de l’époque, ne pouvaient pas déboucher sur un projet de société cohérent.
Non pas que les participants n’en eussent pas la volonté, mais tout simplement, parce que les conditions objectives n’étaient pas remplies à cette époque. D’où l’énorme quiproquo qui s’en est suivi. Car la nouvelle ère s’annonçait et s’installait par une transition que l’on a uniquement réduite à la période du CTSP. Or, la vraie Transition a commencé justement, logiquement avec l’avènement de la IIIe République.
Il fallait considérer cette République nouvelle, avec ses Institutions mises en place à la faveur des premières élections libres, comme la phase de l’apprentissage de la démocratie chèrement acquise.
L’élaboration d’un projet d’une nouvelle société devait marquer la vraie rupture avec l’ordre ancien. Cette rupture devait se réaliser dans un cadre de pensée, de débats d’idées, d’éducation et d’édification des Maliens, qui, en se soulevant pour changer les choses, s’étaient du coup engagés à assumer de nouvelles responsabilités, dont la plus essentielle est la prise en main de leur propre destinée.
Tout le monde a proclamé « rien ne sera plus comme avant », mais il est aisé de constater que le peuple malien organisé au sein de divers mouvements et associations, n’a pas su accompagner le mouvement insurrectionnel de libération pour un mouvement de pensée politique élaborée, une démarche intellectuelle instaurée se traduisant par des débats sur le « comment » de la construction de la maison commune future.
Le mouvement démocratique dans ses différentes composantes devait poursuivre le combat pour le parachever, le parfaire progressivement.
Pour cela, il se devait d’élaborer un nouveau système de pensée en direction du citoyen.
Les partis politiques et la société civile devaient s’atteler à l’éducation de leurs militants.
Car, au sortir de Mars 1991, il fallait des hommes nouveaux pour faire face aux enjeux et aux défis de la démocratie qui, encore une fois, n’est pas une fin en soi, mais un processus complexe qui implique un changement de mentalité et de comportement.
Qui a entretenu les illusions ?
Comment un tel projet, (si tant est que, la vision a été largement partagée) pourrait-il être réalisé ?
Il y a un paradoxe. comme si le peuple s’auto-excluait de la suite du combat, de la partie la plus essentielle du combat.
Mais, rien de surprenant à cela, quand on constate par ailleurs que l’encadrement du peuple n’a pas suivi.
Les partis politiques, les différentes associations, n’ont pas su faire acquérir la nouvelle culture aux citoyens. S’en sont-ils réellement préoccupés ?
La démocratie est d’abord une culture. Nos hommes politiques manquent de culture démocratique, et le peuple lui, manque de culture politique.
Que le Mali soit dans une phase de transition, cela ne fait aucun doute. Quand on sait que Mars 1991 a révélé des frustrations accumulées depuis des décennies, il ne faut raisonnablement pas imaginer que 22 ans suffisent à atteindre l’idéal.
L’apprentissage de la démocratie se fait à un rythme lent certes, aux yeux de beaucoup, mais il doit se faire qualitativement.
Du reste, l’expérience entamée depuis 1992, a permis d’engranger des résultats et des succès riches en enseignements.
Des faiblesses aussi ont été révélées dans le fonctionnement de nos nouvelles institutions.
Le mérite de la IIIe République, c’est d’avoir eu le courage de constater et de reconnaître ces faiblesses, et de les corriger en y associant le peuple : ce fut à travers différents forums, conférences nationales. Sans compter le processus engagé pour le référendum constitutionnel mais qui fut bloqué, malheureusement.
Cela veut dire que nous ne sommes pas encore définitivement installés dans la démocratie.
Mais que chaque étape doit être consolidée grâce à l’effort de tous les fils de la Nation, chacun à sa place, chacun selon son rôle.
Nul n’a le droit de se dérober à ses responsabilités. L’œuvre d’édification de la nouvelle société commune sera, ou ne sera pas.
Il faut ici s’empresser de souligner que la classe politique est fortement interpellée quant à sa responsabilité particulière d’encadrer et d’éduquer le peuple pour en faire des citoyens nouveaux.

Le paysage politique actuel ne reflète pas l’image de dignité acquise par le peuple grâce à son combat de Mars 1991.

Les querelles de clocher, les invectives, les intrigues subjectives, voire systématiquement destructives et déstabilisatrices, ont fini par plonger notre pays dans la dramatique situation qu’aujourd’hui nous connaissons.

Les crises successives que le pays a connues ont dramatiquement révélé le manque de vision de nos responsables politiques, ceux-là mêmes qui prétendent représenter le peuple, et agir en son nom. Au-delà des crises politiques liées aux différentes élections, les crises scolaires, et sociales le coup d’Etat du 22 mars 2012 est venu rappeler à tous, qu’en démocratie, aucun acquis n’est définitif.

Et la jeunesse ?

Le rôle de la jeunesse a été déterminant dans la victoire du peuple en Mars 1991. Les jeunes ayant payé le prix fort.

Ils avaient pensé être en droit d’obtenir tout ce pour quoi ils y avaient consenti. Mais très vite, sans s’en rendre compte, ils sont devenus un enjeu. Gagnés par le triomphalisme, la plupart d’entre eux ont continué à jouer aux « Rambo », à faire peur, à brandir les muscles. Véritable force, la jeunesse a « oublié » de se transformer en force de proposition. Elle s’est laissée caresser dans le sens du poil par des politiciens sans scrupule, des démagogues et des populistes, qui la manipulent.

L’éclatement actuel de la jeunesse en une multitude d’associations et de mouvements, est une occasion pour certains de pratiquer la politique du « diviser pour régner ».
Ceux qui poursuivent des objectifs qui n’ont rien à voir avec les intérêts véritables des jeunes, leur promettent monts et merveilles.

Une fois leurs objectifs atteints, les politiques sans scrupules abandonnent les jeunes à leur triste sort. Cette attitude politique joue avec le peuple.

Mais, ce jeu a des conséquences plus dramatiques au niveau des jeunes, à qui certains ont fait croire que l’Etat peut tout donner.

Malheureusement, certains jeunes « jouent le jeu », hypothéquant du même coup leur propre avenir.

Les jeunes sont-ils des victimes consentantes, complices de leurs bourreaux ?
Sont-ils seulement conscients de leur « déchéance » programmée par ces politiciens malsains ?
Au niveau de la jeunesse, il y a impérativement une nouvelle prise de conscience à opérer. Mars 91 a créé les conditions de cette prise de conscience. Car Mars 91, c’était la preuve de la maturité acquise par notre jeunesse.

Dans la phase actuelle de l’évolution de notre pays, les jeunes sont donc interpellés.
Le processus de démocratisation ne sera approfondi, poursuivi et consolidé que si les jeunes comprennent qu’ils en seront les premiers bénéficiaires.

Ils doivent prouver par leur comportement, qu’ils sont crédibles et que le pays peut leur faire confiance pour les impliquer davantage dans l’élaboration d’un projet national.
Aussi, y a-t-il lieu pour les jeunes de méditer en ce 22ème anniversaire de Mars 91, pour mieux mesurer l’ampleur de leur mission, et s’atteler à relever les défis qui les interpellent. Ils gagneraient à se transformer en force de proposition. Car ce sont eux, les véritables bâtisseurs de la Nation.

En ce 22ème anniversaire de la victoire du peuple, chacun doit faire preuve de modestie, d’humilité et de tolérance.

Nous sommes au cœur d’un processus complexe qui, pour s’accomplir de manière harmonieuse, requiert la contribution de tous.

Pour mesurer le reste du chemin à parcourir dans le parachèvement de l’idéal de Mars 91, chacun de nous doit méditer cette interrogation de Julius Nyéréré, ancien chef d’Etat de Tanzanie : « Hier l’Afrique a voulu faire construire le socialisme sans socialistes, aujourd’hui, nous voulons construire la démocratie, mais avons-nous des démocrates ? ».
Une question qui devrait amener la classe politique de notre pays à réfléchir sur son attitude actuelle et son manque évident de vision nationale et de sens élevé de l’intérêt commun.

Boubacar Sankaré

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