Il y a 22 ans, le général Moussa Traoré, face à la crise profonde qui sévissait dans le pays, promettait de faire porter au peuple malien une couronne d’enfer. Et la macabre promesse, a été tenue.
En effet, de 1981 à 1997, l’UDPM avait organisé 4 Congrès, sans jamais trouver une seule solution aux différentes crises qui secouaient la Nation et faisait fi de la corruption, du népotisme et de l’injustice qui rongeaient le pays.
Moussa Traoré en personne, passait aux aveux en Mars 1987 dans une interview accordée à « Jeune Afrique » : « Le parti n’existe pas ! Seuls des malhonnêtes m’entourent, tous mes compagnons sont corrompus ».
Et pourtant, de ces « compagnons corrompus », il ne se débarrassera jamais. Et pour cause !
Au cours de la décennie 1980, le Mali, était amené à appliquer le PAS (programme d’ajustement structurel) qui a entraîné l’accroissement des clivages sociaux en favorisant l’émergence d’une grande frange d’exclus du système économique. Pauvres esprits, que ceux-là qui feignent d’oublier (et tentent de faire oublier) que, c’est sous et par Moussa Traoré, que notre pays s’est trouvé sous ajustement structurel !
La paupérisation des couches sociales connut ainsi un véritable coup d’accélérateur : compressions, réduction de l’enveloppe des bourses universitaires, chute du pouvoir d’achat et surtout une accumulation des salaires des travailleurs qui n’étaient payés qu’une ou deux fois par trimestre.
Pendant ce temps, le pouvoir n’a cessé de se fasciser.
C’est le début des provocations, intimidations, et interdictions des manifestations programmées par les associations CNID-ADEMA.
On gaze et on matraque les responsables des associations démocratiques dont le seul crime aura été de vouloir incarner les aspirations du peuple, au changement par voie démocratique. Ensuite, l’on s’attaque aux élèves et étudiants.
Couvre-feu, Etat d’urgence, Etat de siège, étaient vécus quotidiennement par le peuple.
Et pourtant, le peuple malien ne demandait que le dialogue, la confrontation des idées sur l’avenir du pays, la liberté d’expression, d’opinion et la possibilité pour chacun de militer dans le parti politique de son choix.
GMT et ses valets y ont opposé un refus catégorique, car leur pouvoir ne reposait que sur la force, l’intimidation, la terreur et la persécution.
Mais la patience du peuple avait atteint ses limites et les Maliens avaient décidé de prendre en main la conduite de leur destinée, malgré l’exorbitant prix à payer.
Le reste est connu : GMT avait promis d’abattre l’enfer sur le Mali et il l’a fait.
Une étape de notre histoire écrite dans le sang des fils du pays, le sang des martyrs.
Ils ont osé tirer sur les jeunes jusque dans les hôpitaux et cimetières. Ils ont froidement brûlé des manifestants dans l’enceinte du « Sahel Vert », le transformant en four crématoire à l’instar des « nazis ».
GMT, alors, a fait ce qu’il avait promis et auquel aucun malien n’aurait jamais osé croire.
Sourd à toutes les sollicitations, le pouvoir de GMT qui pouvait éviter au pays le cycle des violences, des règlements de compte, le risque de guerre civile, a choisi, par orgueil et par mépris, l’affrontement, parce que, sûr de sa force, de ses armes.
La « couronne d’enfer »
Ainsi, le Mercredi 20 Mars 1991, à l’instar de Bamako, d’autres villes du Mali subissent l’enfer promis par le Général tyran Moussa Traoré. Après Koulikoro, Kita, Sikasso et Ségou, c’est la petite ville de Dioila qui ramassait ses morts. Quatre blessés graves sont évacués sur l’hôpital Gabriel Touré de Bamako. C’était quatre élèves : Moussa Mariko (14 ans, 4e année école Soloura de Dioila) Alamako CAMARA (20 ans, lycée de Dioila) ; Issa Diarra (13 ans 4è année) et Tidiani Sissoko (13 ans 4e année). Alamako Camara a perdu à jamais l’usage de son œil gauche ; Moussa Mariko a dû subir une opération chirurgicale de l’abdomen afin d’en extraire les plombs qui y étaient logés ; Issa Diarra et Tidiani Sissoko, avaient quant à eux, reçu des plombs sur tout le corps. Pendant ce temps, à Sikasso le jeune Dramane Konaté, élève en 9e année, était tué et plusieurs autres grièvement blessés.
A Bamako, c’est surtout le 23 Mars 1991 que devait avoir lieu le grand carnage. Il était ce jour-là 11 h 50 mn, lorsque des manifestants brisèrent les vitres de la boutique ADC – Mali, sise à l’immeuble Sahel Vert. La marée humaine s’y engouffra. Quelques minutes après, un camion militaire chargé d’hommes en uniforme, armés de fusils de guerre et de grenades offensives et du blindé n° 3508, arrivèrent sur les lieux. Les engins se vidèrent de leurs occupants en uniforme qui lancèrent les grenades dans la boutique pleine (de monde) comme un œuf, avant de « canarder » les occupants. Les flammes hautes, de plus de 2 mètres, atteignirent facilement le premier otage. Impuissants, les autres manifestants n’ayant pu trouver refuge dans la boutique infernale, assistèrent à la cuisson de leurs compagnons.
A 12h 22 mn, il n’ y avait plus aucun espoir de sauver une seule personne.
Tous les manifestants qui étaient à l’intérieur de l’immeuble Sahel Vert ont été calcinés. Et, des fenêtres noircies par les flammes, l’on pouvait observer les ossements humains : crânes, fémurs, etc.
Une équipe de secours de l’hôpital Gabriel Touré et les sapeurs pompiers, arrivèrent une heure plus tard… Mais, c’était seulement pour constater l’horreur.
Au même moment, la folie meurtrière de GMT frappait partout, dans tous les quartiers de Bamako.
La morgue de l’hôpital Gabriel Touré était devenue trop petite pour accueillir les morts.
Les couloirs de l’hôpital devaient alors servir de lieu de réception des cadavres.
Le Général Moussa Traoré, venait de tenir sa promesse macabre : faire descendre « une couronne d’enfer » sur la tête de ses concitoyens.
Cette journée a été singulière en termes de bilan funèbre, mais elle n’avait rien d’unique. Elle avait été, elle devait être saisie comme l’illustration et le condensé répugnants et révoltants des souffrances multiformes imposées à notre peuple par Moussa Traoré et le système qu’il a initié et représenté 23 années durant. Une illustration du calvaire des innombrables Maliens, même anonymes, victimes fauchées par les assassins en Janvier et en Mars 1991.
Ces actes de génocide n’ont épargné aucun groupe social, ni force potentiellement organisée, dans aucun secteur économique ou géographique du pays.
Les « couronnes d’enfer » tressées sur leurs têtes par le dictateur Moussa Traoré ont finalement uni dans la mort, une mort atroce et injustifiable les fils du pays. Et c’était prémédité, programmé et annoncé à l’avance !
Afin que la mémoire ne se meure, que le sacrifice ne soit pas vain et que l’idéal continue de guider nos pas et nos actions, rappelons et célébrons, toujours et à jamais, le 26 Mars 1991, fondation et fondateur de la 3è République.
Pardonner, oui ! Mais à condition que ce pardon ne requiert l’oblitération et le délaissement, de l’idéal du 26 Mars.