À l’initiative du Mouvement « An tè, A Bana ! Touche pas à ma Constitution», une plateforme qui regroupe plusieurs associations de la société civile, des syndicats, des artistes et partis politiques, présidée par Mme Sy Kadiatou Sow, une des figures emblématiques du mouvement démocratique, des centaines de milliers de Maliens sont descendus dans la rue, le samedi dernier, pour dénoncer le projet de révision constitutionnelle octroyant des « pouvoirs monarchiques » au président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta. Plus de 500 000 manifestants, estiment les organisateurs, ont battu le pavé, de la Place de la Liberté à la Place de l’Indépendance pour prendre fin à la Bourse du Travail, pour dire NON à la révision constitutionnelle !
On notait la présence, entre autres, de Mme Sy Kadiatou Sow, présidente de « An tè, A Bana », le chef de file de l’opposition politique, l’honorable Soumaïla Cissé, des leaders politiques dont Modibo Sidibé des Fare An ka Wuli, Tiébilé Dramé du Parena, Soumana Sako de la Cnas Faso Hèrè, Oumar Hamadoun Dicko (PSP), Daba Diawara du PIDS, Djibril Tangara, Amadou Thiam d’Adp-Maliba, Souleymane Koné (Fare), Mamadou Hawa Gassama (Urd) et Fatoumata Sako (Pdes), mais aussi de Dr Bréhima Fomba (Professeur et analyste politique)…
La société civile n’est pas restée en marge (Mamadou Sissoko « Papman » de Ras-le-bol, Youssouf Ali Bathily (Ras bath) du CDR, Amara Sidibé du mouvement Trop c’est trop, Master Soumi, Chouala Bayaya Haïdara, Etienne Fakaba Sissoko)… elle a répondu à l’appel.
Les manifestants ont brandissaient des milliers de pancartes hostiles au régime, dont les messages forts étaient : «Carton rouge, IBK », «Touches pas à ma Constitution », «NON à la monarchie » ou encore «Non au tripatouillage».
Pour Mme Sy Kadiatou Sow, cette marche est une alerte lancée aux autorités actuelles pour qu’elles retirent ce projet de révision constitutionnelle illégal et inopportun. «Ce projet de révision constitutionnelle est une véritable atteinte aux fondements de la démocratie malienne, acquise de haute lutte par le peuple malien», dit-elle. Elle dénonce plusieurs nouvelles dispositions prévues dans la nouvelle constitution. « La nomination des futurs sénateurs par le président de la République, la possibilité offerte au chef de l’Etat de procéder à une révision constitutionnelle par voie parlementaire sans passer par la voie référendaire sont autant de raison de dire NON », a ajouté Mme Sy Kadiatou Sow.
« C’est une révision pour rien à l’exception de la volonté de créer un monarque. Ce projet codifie la personnalisation du pouvoir, il codifie toutes les dérives autoritaires et autocratiques constatées ces dernières années», a dénoncé la présidente du mouvement «An tè, A Bana » qui voit en cette manifestation le premier jalon d’une mobilisation générale pour stopper cette «dérive ».
Alhousseïni Abba Maïga, vice-président des Fare, pense quant à lui qu’il est «difficile de faire confiance à un régime qui propose un projet de ce genre-là dans un contexte aussi difficile ».
Amara Sidibé, 3è vice- président de la plateforme « An tè, A Bana », a salué la mobilisation exceptionnelle de la part de la population. «Le nombre élevé de manifestants prouve que le peuple malien ne se laissera pas dicter une constitution. Cette réaction citoyenne doit pousser le président IBK à retirer ce projet. Nous sommes décidés d’amplifier le mouvement pour le NON », a-t-il lancé.
Pour Tiébilé Dramé, président du Parena, au-delà même du caractère illégal et illégitime du projet de révision constitutionnelle, la tenue d’un referendum le 9 juillet prochain relève d’une fuite en avant des gouvernants. « Dans le nord et le centre du pays, de larges zones échappent encore au contrôle des autorités et sont régulièrement la cible d’attaques de groupes djihadistes. Le déroulement du vote sera perturbé dans ces régions, à l’image de ce qui s’était produit lors des dernières élections municipales, en novembre 2016. Vouloir organiser un scrutin référendaire dans ces conditions relève de la cécité et du manque de sagesse », a affirmé M. Dramé.
Les points de discorde
Plusieurs points cristallisent la colère des opposants au projet de révision. Il s’agit, entre autres, la présidence de la Cour constitutionnelle. Jusqu’ici désigné par les membres de la Cour, le président de cette institution sera, si la révision de la Constitution est acceptée, nommé par le président de la République. Or, le président de la Cour constitutionnelle compte, parmi ses prérogatives, la responsabilité de proclamer les résultats définitifs des élections. « IBK » est donc soupçonné de vouloir, par cette mesure, préparer sa réélection en 2018.
Autre motif de la colère des Maliens ? La création d’un Sénat et surtout la désignation de ses membres. Si deux tiers d’entre eux étaient élus au suffrage universel indirect, le dernier tiers serait désigné par le président de la République. Une répartition qui permet au chef de l’Etat d’accroître la représentation des autorités traditionnelles, notamment du Nord, au sein de cette seconde chambre. Mais bien que la majorité parlementaire ait annoncé que des lois permettraient d’encadrer cette mesure, rien n’empêchera, de fait, le président de nommer qui il veut.
Le mouvement « An tè, A Bana !, Touche pas à ma Constitution ! », n’entend pas en rester là, il veut maintenir la pression pour le retrait du projet de révision constitutionnelle, en organisant des manifs jusqu’au referendum. Il s’agit notamment d’une marche prévue le 1 juillet prochain. Cette seconde manifestation sera organisée à Bamako et dans toutes les capitales régionales du Mali, à part celles du nord où sévit … « une insécurité résiduelle ».
Ailleurs, le Mouvement « An tè, A Bana ! » a implanté des antennes un peu partout à l’extérieur du pays, notamment à Paris, New-York, Dakar, Abidjan… Ces antennes ont également programmé des manifestations afin d’attirer l’attention de l’opinion internationale sur les « dérives du pouvoir » en place qui veut imposer au peuple malien un processus référendaire qui risque de fragiliser le Mali. IBK et sa majorité sont avertis.