Où se trouvent les priorités du Mali qui subit de plein fouet et au quotidien les attaques sanglantes de djihadistes qui ont pratiquement fait main basse sur le nord du pays? Même le centre, notamment la capitale est devenue un théâtre d’opération où ils excellent dans des tueries dont les bilans sont toujours lourds. Bamako qui n’a d’ailleurs pas fini de pleurer les dernières victimes de l’alliance djihadiste islamiste proche de Al Qaïda, ne sait plus quelles sourates invoquer pour conjurer ce mal qui l’endeuille constamment. Même l’enthousiasme qu’avait fait naître la création de la force de 5 000 hommes par le G5 Sahel pour lutter contre le terrorisme dans la bande sahélo saharienne est plus ou moins douché. La raison: le projet de résolution introduit par la France auprès du Conseil de sécurité de l’Onu pour l’opérationnalisation de cette force et qui devra être voté ce jour mercredi 21 juin, est plus ou moins vidé de sa substance. Réduit à sa plus simple expression de force déployée, non plus pour aller à l’assaut des terroristes par l’usage de la force, mais simplement pour ramener la paix et la sécurité dans le Sahel.
Au-delà des contorsions sémantiques qui permettent aux Etats-Unis d’éviter que cette nouvelle force dans le Sahel, ait la caution des Nations Unies et soient financée par elles, se pose le véritable rôle du bras armé du G5 Sahel. La force de 5 000 hommes, dans l’impossibilité d’être efficace sur le terrain avec les 50 millions d’euros promis par l’Union européenne ne sera qu’une structure de plus, entre la force française Barkhane, la Mission des Nations unies au Mali, et les armées locales du Sahel. Elle pourrait même constituer ainsi un obstacle dans la lutte contre le terrorisme, car on ne saura plus qui fait exactement quoi. Question : la France et Barkhane ne seraient-elles pas à bout de souffle financièrement, et même moralement avec la perte de militaires français fauchées par les balles djihadistes, dans une guerre sans fin, loin de la mère-patrie? A ce titre, la force du G5 Sahel sous bannière Onu, serait bien un ouf de soulagement.
Pendant que l’avenir du G5 Sahel dont il est membre avec le Burkina Faso, le Niger, le Tchad et la Mauritanie se joue à des milliers de kilomètres, le Mali est confronté à d’autres problèmes. Son opposition et sa société civile sont vent debout contre le projet de révision de sa loi fondamentale qui sera bientôt soumis à referendum. Si la date du 9 juillet initialement prévue pour soumettre cette initiative de modification de la constitution pourrait être repoussée à plus tard, le chef de l’Etat malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ne lâche pas pour autant l’affaire. Seul contre tous dont des membres de son camp, le président à qui les autres reprochent de vouloir renforcer ses pouvoirs par le biais de cette révision n’entend pas céder. Comme quoi, les constitutions africaines seront toujours tailladées à souhait, tant que les appétits des gouvernants pour le pouvoir seront sans limite. Les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, leur entêtement porte de moins en moins bonheur aux dirigeants africains ayant pour sport favori, le tripatouillage de la loi fondamentale.
Alors que le père Keïta, peu soucieux de la menace terroriste tient à sa modification de la constitution, le fils Karim, député de son état, lui s’est érigé en prédateur de la liberté de presse, poursuivant en diffamation, Le Sphinx, journal malien à qui il réclame 4 milliards de francs CFA. Mal lui en pris, le tribunal, prenant en compte les exceptions soulevées par les avocats du journal, a simplement annulé la procédure judiciaire. Sans dénier au «député-fils de président» son droit d’avoir recours à la justice s’il se sent agressé, il faut tout de même s’interroger sur ses intentions réelles qui s’apparentent fort bien à pousser le canard à mettre la clé sous le paillasson. Sinon, par quelle magie Le Sphinx, s’il était condamné, rassemblerait ce pactole que demande Karim Keïta? Cette énième forfaiture contre la presse, l’un des piliers essentiels de la démocratie, ne passera donc pas, sous réserve du droit d’appel du conseil du fils du président. Ce courage du juge malien est à saluer, sous les tropiques, l’habitude étant que le chef de l’Etat et ses proches ont toujours raison devant la loi qui par contre s’applique dans toute sa rigueur au citoyen lambda.