Les soulèvements que nous avons vécus récemment dans certains pays arabes sont dédiés à l’avènement de systèmes démocratiques là où les régimes étaient jugés totalitaires ou peu démocratiques. De toute manière ceux qui se sont soulevés n’aspiraient qu’à la démocratie. La revendication est légitime parce que ce système se singularise de tous les autres et permet la meilleure gestion possible de la chose publique ; il prend en compte les aspirations et opinions du plus grand nombre de citoyens.
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La vocation à jouer un rôle politique demande un volontarisme et des aptitudes à gérer les liens et les intérêts communautaires.
À ce niveau, il n’y a pas de divergence entre ceux qui veulent jouer les rôles d’acteurs politiques, ils se déclarent tous démocrates.
Le diagnostic fait par la jeunesse, les hommes politiques, la société civile et même certains gouvernants arabes est sans appel : les systèmes politiques en place étaient malades, parfois cliniquement morts.
Le remède est disponible : il faut évoluer, corriger les imperfections et insuffisances, instaurer la démocratie, chaque pays est un cas particulier.
La démocratie n’étant pas, hélas, un protocole médical, un prototype, à administrer à toutes les sociétés sans discernement, il y a donc matière à réflexion, une péréquation s’impose, il faut en trouver les règles. C’est bien à ce niveau que se situe le problème. La difficulté réside dans le modèle de démocratie à élaborer pour chaque pays en fonction de ses spécificités propres et incontournables.
Dans son article, Cheikh Hamidou Kane nous rappelle la nécessité de revenir à nos racines, à nos propres valeurs tout en apprenant des autres : apprendre sans oublier, c’est-à-dire s’inspirer des autres sans se renier, sans se déraciner.
Chez nous, nous pensons avoir trouvé le chemin d’une évolution rationnelle qui préserve nos équilibres fondamentaux. Cependant, des voix continuent à s’élever pour réclamer des réformes plus profondes en faisant abstraction de nos réalités propres et en véhiculant deux discours diamétralement opposés, l’un à forte coloration occidentale, l’autre sectaire et obscurantiste.
Qu’ils usent de leur droit d’expression sans violence, nous ne sommes pas dérangés, nous utiliserons le nôtre pour les contredire de manière civique et la démocratie est en marche. La démocratie n’est pas l’apanage de l’occident, mieux elle n’est même pas, au départ, un résultat de son évolution, les premières traces de société démocratique remontent au Vlème siècle avant JC dans l’actuel Etat de Bihar en Inde.
La charte du Mande, instaurée par Soundiata Keita dans son Empire du Mali, remonte à 1222 de notre ère. Elle ne comporte que six articles non écrits mais précieusement conservés et vulgarisés par la tradition orale dont les vecteurs sont les traditionalistes et les griots, ces musiciens et conteurs africains. Feu Amadou Hampâthé Ba, l’écrivain, ethnologue, historien malien avait dit : « En Afrique quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui se consume ».
Si cette constitution africaine, l’une des premières du monde, est brève et laconique, l’usage qui en a été fait a permis l’instauration d’une société où la justice sociale, la sécurité des personnes et des biens, la solidarité, le respect de l’autre, la concertation, l’ouverture, sont fortement ancrés dans la mémoire de tous les citoyens.
J’ai eu l’immense privilège de visiter quelques localités du Sud comme du Nord, d’apprécier sa richesse culturelle et l’enracinement profond des valeurs nées de cette loi fondamentale. Je vous livre quelques modestes témoignages.
Le concept de la «Diatiguiya» ou hospitalité en langue Bambara (langue de la majorité au Mali), consiste à permettre à chaque étranger de choisir son «logeur» qui lui procurera le logis et la nourriture au mieux de ses possibilités. À partir de cet instant, il devient membre à part entière de la famille et cette relation se transmettra de père en fils avec ses droits et obligations qu’elle implique réciproquement. Voici l’exemple de l’ouverture, du partage et de l’élasticité des liens affectifs entre humains.
Le concept du cousinage à plaisanterie ou « SINANKOUYA », d’apparence très anodine, consiste à créer entre des familles et des tribus d’ethnies différentes des liens d’amitié et d’intimité héréditaires et sacrés qui interdisent l’agression et imposent l’entraide et la solidarité. Les liens consanguins universellement reconnus sont prolongés par un acte aussi simple que la plaisanterie. Ce qui est considéré comme déplaisant devient une source d’amour, de soutien et d’assistance mutuelle. Voici une forme d’élargissement du cercle familial, tribal, ethnique qui consacre la cohésion sociale.
Le concept du «grin», très répandu au Mali désigne un lieu de rencontres entre amis dédié à la détente, l’échange et le règlement des contentieux. Ces clubs d’une très grande convivialité permettent à tous les Maliens d’avoir une adresse fixe commune à tout un groupe où se règle un nombre incalculable de problèmes tous les jours. Chaque Malien est membre d’un «grin», il est solidaire de ses membres, il s’y rend tous les après-midi sauf en cas de force majeure. Le pays est une immense toile faite de cellules de réflexion interconnectées, une société civile en marche quotidiennement.
Le fameux arbre à palabre que tout le monde connaît et qui matérialise la démocratie participative africaine en vigueur depuis la nuit des temps est très élaboré et codifié au Mali. Une case à toiture basse appelée «Toguna » ou «blôn» dans le milieu Bamanan fait office, dans tous les villages, de siège du conseil des sages. Tous les contentieux y sont réglés à l’amiable. Il est interdit de s’emporter et le contrevenant risque de se cogner la tête sur les poutres du toit anormalement bas. On voit bien que des modèles de démocratie ont précédé ceux de l’Europe, ils donnent satisfaction et peuvent être remodelés et adaptés à notre époque.