C’est la question que tout le monde se pose, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays : IBK va-t-il, oui ou non, retirer ce projet de constitution, surtout après la grandiose marche de samedi dernier qui a drainé plus d’un million de manifestants dans les rues de notre capitale ? Une certitude, précisent-ils : de sa réponse dépendra la suite des évènements.
Combien étaient les manifestants, qui ont pris d’assaut, samedi dernier, les rues de notre belle et sale capitale, pour désapprouver le projet de constitution, adopté la semaine dernière, par l’Assemblée nationale ? Mille ? Deux mille ? Cent mille ? Trois millions ? Nul ne peut le dire avec précision. Seule certitude : ils étaient députés, maires, conseillers communaux, syndicalistes, partis politiques, leaders religieux, associations de jeunes et de femmes, société civile, citoyens lambda n’appartenant à aucun parti politique………
La majorité présidentielle submergée par la vague
« An Tè A Bana ! »
A l’appel du Mouvement « An Tè A Bana ! »(Nous refusons, c’est tout !), qui regroupe une centaine d’associations de la société civile et une quarantaine de partis politiques, l’écrasante majorité des Bamakois ont battu le pavé pour dire « Non » à la révision constitutionnelle, initiée par le président IBK. L’itinéraire, prévu pour cette marche, était noir de monde. Tout se passe comme si, tous les Maliens se sont passés le mot pour faire barrage à ce projet de révision constitutionnelle. Qui jure, selon les manifestants, avec les idéaux de mars 1991, qui ont accouché de la constitution du 25 février 1992, jugé caduque.
Pour empêcher les manifestants de la rive droite de rejoindre ceux de la rive gauche, les ponts Fahd et celui des Martyrs ont été bloqués par les forces du « désordre », pardon de l’ordre ;
Pour le pouvoir, cette révision constitutionnelle a pour objet de mettre la constitution du 25 février 1992 en phase avec l’accord pour la paix et la réconciliation nationale, issu du processus d’Alger ; tandis que pour l’opposition politique, il s’agit d’octroyer plus de pouvoirs au président de la République. Lequel aura carte blanche pour nommer le 1/3 des Sénateurs, le président de la Cour constitutionnelle……
« Cette tentative de révision constitutionnelle ne règle aucune des équations relatives à la restauration de la stabilité, de la sécurité et de l’intégrité du territoire national. C’est une révision pour rien, à l’exception de la volonté de créer un monarque, un Mansa, comme jadis au Mandé, comme jadis au royaume de Ségou. Avec le renforcement inouï et sans précédent et la concentration de tous les pouvoirs dans les mains du président de la République », indique Mr Tiébilé Dramé, président du Parena.
De mémoire de Maliens, même la révolution de mars 1991, qui a renversé le régime dictatorial du Général Moussa Traoré, n’aurait enregistré pareille mobilisation. Avec, à la clé deux slogans, qui en disent long sur la volonté des manifestants : « Touche pas à ma constitution ! » ; « Le Mali ne sera jamais une monarchie ! » ou encore « IBK, carton rouge ! On en a marre ! ».
« Après les scandales financiers liés à l’achat de l’avion présidentiel, au marché des équipements militaires, en passant par le marché de l’engrais frelaté et des 1.000 tracteurs, sans compter l’insécurité qui a envahi tout le pays…. Nous en avons vu de toutes les couleurs avec IBK, qui n’a pas tenu une seule de ses promesses électorales. Mais cette fois-ci, trop c’est trop ! », poursuivent les manifestants en colère. Et d’ajouter, le doigt pointé vers le ciel, comme pour prendre Dieu à témoin : « Le régime IBK a juré que cette révision constitutionnelle ira jusqu’au bout ; nous lui promettons, à notre tour, qu’elle ne passera pas ! Du moins, tant que nous vivions ».
D’où la question, qui taraude les méninges des Maliens : IBK va-t-il emboiter le pas au président Konaré qui, sous la pression de la rue, avait retiré son projet de révision constitutionnelle ?
L’ultimatum des jeunes à IBK
Pour les manifestants, à majorité des jeunes, rejoints par un groupe de jeunes artistes et d’activistes, tout sera mis en œuvre pour mettre fin à cette dérive « monarchique » du régime IBK.
« S’il retire son projet de constitution, pour se consacrer aux vrais défis de notre pays que sont l’insécurité, la lutte contre les Groupes terroristes et les narcotrafiquants qui écument le nord du pays, il bénéficiera de notre soutien ; en revanche, s’il s’entête à faire voter, au référendum du 09 juillet prochain, ce projet de révision constitutionnelle, il nous trouvera sur son chemin », préviennent les jeunes sur le pied de guerre. Avant de conclure : « Plus rien ne sera comme avant ! Nous ne laisserons personne faire de notre pays un patrimoine familial ».
Conséquence de cette marche grandiose : la majorité dite présidentielle se fissure. Dans un communiqué, rendu public dimanche soir, le CNID-FYT, membre de la majorité présidentielle, demande le retour du projet de révision constitutionnelle à l’Assemblée nationale pour relecture. D’autres partis politiques, et non des moindres, s’apprêtent à emboiter le pas au parti de Me Mountaga Tall.
Des marches de protestation, contre le projet de révision constitutionnelle, ont eu, aussi, à l’extérieur du pays. Organisées par les Maliens de la diaspora, elles ont eu lieu, notamment, en France, en Belgique, aux Etats-Unis d’Amérique …. Pour ne citer que ceux-là.
A 12 petits mois de la fin de son quinquennat, jugé « catastrophique » par l’écrasante majorité de nos concitoyens, IBK joue, désormais, son avenir politique dans ce bras de fer, qui ne fait que commencer.
Oumar Babi